Les policiers ont-ils puni des chauffards près de l’école de vos enfants?
Notre Bureau d'enquête a regroupé par école les données de plus de 100 000 constats d'infraction
Dominique Cambron-Goulet
La surveillance policière en zone scolaire est très variable d’un quartier montréalais à un autre, révèlent des données obtenues par notre Bureau d’enquête. En un an, les agents du SPVM peuvent pincer près de 1000 chauffards près d’un seul établissement, tandis que d’autres écoles ne sont pas surveillées pendant des années.
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Depuis 2018, les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont sévi 8853 fois aux abords des écoles de LaSalle. Il s’agit du quartier avec le plus d’infractions en zone scolaire de toute l’île.
À l’intérieur d’un périmètre de 250 mètres autour de l’école primaire anglophone LaSalle Elementary Junior, les policiers ont sévi 3160 fois en cinq ans et demi, dont 932 fois en 2022.

Ceci en fait l’école montréalaise près de laquelle le plus grand nombre d’infractions ont été constatées.
«Le matin, ça bouge beaucoup. Sur Shevchenko, il y a deux ou trois voies dans les deux directions, souligne France Poirier, directrice de l’école. Il y a une présence policière assez importante le matin.»
Les élèves, qui sont en maternelle, en 1re ou en 2e année, sont nombreux à franchir le large boulevard à pied, notamment, car les classes des autres niveaux sont situées dans un autre établissement, à environ 350 mètres.
«On a un mouvement d’élèves. On a souvent des familles qui ont des enfants dans les deux écoles», rapporte Julie Plouffe, enseignante responsable de l’école.
La professeure en études urbaines à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), Marie-Soleil Cloutier, estime qu'il est difficile de juger de la sécurité d’une école en se basant uniquement sur les statistiques des constats.
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Même les policiers manquent de données probantes, notamment des débits de piétons, pour bien répartir leurs effectifs, juge-t-elle.
«Ça se peut qu’ils retournent toujours à la même école parce que c’est toujours là qu’ils ont le plus d’appels. Ça ne veut pas dire que les autres écoles ne sont pas problématiques», expose-t-elle.
L'experte rappeller que de nombreux facteurs influencent la sécurité autour d'une école, comme le nombre de voies, la quantité de véhicules, la vitesse affichée et même le nombre d’enfants.
« On a vu dans certaines études qu’il y avait un effet sécuritaire quand il y avait beaucoup d’enfants. On ne sait pas trop comment l’expliquer. Peut-être qu’en groupe ils sont plus visibles. Mais près des écoles, cet effet ne sera que quelques minutes avant ou après la cloche», explique Mme Cloutier.
Le SPVM a décerné 3151 constats d’infractions à proximité de deux écoles primaires situées à un kilomètre l’une de l’autre sur l’avenue Christophe-Colomb, dans les quartiers La Petite-Patrie et Villeray.
Le 29 mai dernier, vers 8h50, près de l’école Saint-Arsène, deux policiers munis d’un radar à vitesse surveillent les automobilistes roulant sur l’avenue Christophe-Colomb.

Cette artère, sur laquelle se trouvent plusieurs écoles, est propice à la vitesse.
«Tous les jours en venant au travail, je me fais dépasser pendant que je roule à 30», témoigne un des policiers du PDQ 35.
Juste devant Saint-Arsène, le SPVM a puni 1500 excès de vitesse depuis 2018, dont 575 l’an dernier.
Quelques rues plus au nord, près de l’école Marie-Favery, les policiers ont sévi contre 852 excès de vitesse sur la même période.

«C’est un problème qui est su et connu de tous, affirme le directeur de l’école Saint-Arsène, Jean-François Dazé. La vitesse sur Christophe-Colomb, on la voit tous les jours.»
Deux brigadiers sont attitrés à cette école chaque le matin, le midi et le soir.
«La personne au coin de Christophe-Colomb et Jean-Talon nous dit que c’est un coin de rue qui est rock’n’roll. Elle nous a dit qu’elle aimait travailler ici parce qu’elle aimait l’adrénaline», relate M. Dazé.
Il juge que le fait qu’il y ait deux voies de circulation dans chaque direction «donne un sentiment d’espace aux automobilistes pour rouler plus rapidement».
Le directeur voit donc d’un bon œil la réduction des voies automobiles sur Christophe-Colomb prévue dès cet été par la Ville pour y installer une piste cyclable de chaque côté.
«Le fait de passer à une voie, pour moi c’est un plus parce que ça va réduire la vitesse des automobilistes, soutient-il. L’installation des pistes cyclables, ça peut causer des enjeux avec les autobus scolaires. J’espère que [la Ville] va tenir compte de ce qu’on a dit lors des consultations.»
Des écoles qui ne sont pas surveillées
Dans les données de surveillance des zones scolaires fournies par le SPVM, aucune infraction n’a été constatée à moins de 250 mètres de 24 écoles montréalaises.
Pour certains établissements, des usagers de la route sont quand même punis dans les environs, soit à 300 ou 500 mètres.
Mais pour d'autres, la police n’a jamais sévi dans les environs en plus de cinq ans.
C'est le cas du Collège St-Jean-Vianney, une école primaire et secondaire privée de Rivière-des-Prairies.
Même si la limite de vitesse est fixée à 30 km/h sur le boulevard Gouin qui longe le terrain de l'école, le SPVM n'y a pincé aucun fautif aux heures scolaires depuis 2018.
«J'ai été surpris qu'il n'y ait aucune infraction en cinq ans. Mais je ne peux pas dire que ça roule vite», indique le directeur des services administratifs du Collège St-Jean-Vianney, Pascal Quevillon.
Il explique qu'en 13 ans, il n'a pas eu besoin de faire de plainte aux policiers en raison d'un enjeu de sécurité devant son établissement.
« Nous ça va quand même relativement bien. On n'est pas au centre-ville, on est dans un coin isolé », rappelle M. Quevillon à propos de son école, qui jouxte le parc-nature de la Pointe-aux-Prairies.
Et chez vous?
Voyez le portrait des constats d’infraction décernés près de votre école.