Les poids lourds en politique


Denise Bombardier
La vie politique moderne au Canada a su attirer dans tous les grands partis des candidats qui, une fois devenus ministres, ont prouvé leur compétence et leur jugement. Certains ont été même des figures exceptionnelles.
Or, dans le paysage politique actuel à Ottawa, on a le sentiment que les seuls poids lourds sont les mastodontes stationnés dans la rue. Pas étonnant donc que les libertaires antitout, qui constituent le noyau dur du « convoi de la liberté », soient en train de se transformer en chefs de file de tout ce que les pays démocratiques comptent comme extrêmes droites et populistes.
Ce n’est pas sombrer dans la nostalgie que de rappeler que le Parti libéral du Canada était le parti de Lester B. Pearson, prix Nobel de la paix, de Pierre Elliott Trudeau et de Jean Chrétien. Du côté des conservateurs, il y avait John Diefenbaker et surtout Brian Mulroney, à qui l’on doit l’ALENA, qui a failli imposer l’entente du lac Meech et qui a été l’incarnation talentueuse du parti progressiste-conservateur. Quant à Stephen Harper, on ne peut nier sa forte stature politique d’homme de droite.
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Ajoutons à ces dirigeants les chefs du NPD, Ed Broadbent et Jack Layton, qui ont contribué à marquer les institutions canadiennes avec leur vision sociale-démocrate.
On ne peut donc qu’être déçu par la perte de prestige du PLC dirigé par Justin Trudeau. S’ajoute à cela l’éclatement actuel du Parti conservateur, qui était à ce jour la seule alternance politique au PLC dans la gouverne du pays.
Dégradation
Nous assistons donc à une dégradation politique du leadership. Les causes en sont multiples. Or, la principale réside dans le fait que la pandémie qui s’est abattue sur nos pays nécessitait des dirigeants politiques supérieurement habilités à exercer le pouvoir en cas de crise avec les limites de la démocratie, mais ils manquaient à l’appel.
N’est-ce pas dans les crises que se révèlent les grands personnages politiques ? Car les exigences contraignantes d’un virus comme la COVID-19 et ses variants requièrent une lucidité à toute épreuve, un courage politique qui est le contraire de la force d’inertie, une autorité naturelle et une absence de peur.
De plus, les dirigeants politiques doivent être capables de décoder et interpréter en termes concrets le discours des scientifiques. Sans sous-estimer les intérêts des uns de l’intérêt supérieur du peuple.
Erreur
L’erreur fondamentale de Justin Trudeau s’expliquerait en partie par sa vision théâtrale de l’exercice du pouvoir où les apparences se substituent au contenu, et par son instrumentalisation électorale de la crise sanitaire.
On peut douter que son père Trudeau se soit longtemps laissé traîner dans la boue par des manifestants mal embouchés et exprimant haine et mépris à son endroit et à sa fonction de premier ministre.
Que quelques députés comme Joël Lightbound dénoncent publiquement la politisation de la vaccination par leur chef, cela annonce des temps de tourmente pour un premier ministre qui n’a pas réussi lors du dernier scrutin à obtenir une majorité parlementaire.
Le Parti conservateur déchiré, qui s’en va vers un avenir extrême droitiste et populiste à réjouir Donald Trump, complète la catastrophe.
Où est donc la prochaine personnalité libérale qui avancera enfin les voies ensoleillées d’un Canada qui mérite mieux que des truckers enragés et un premier ministre affaissé devant le défi à relever ?