Les nombreux écueils au projet de tramway depuis son lancement


Taïeb Moalla
Depuis son lancement en grande pompe, en mars 2018, le tramway de Québec a connu de nombreux écueils, changements et bouleversements. À l’heure où le plan B à 8,4 G$ du maire Marchand a été rejeté par le gouvernement, il convient de rappeler quelques épisodes de cette saga.
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Retour sur les études
En mars 2018, il est d’abord question d’un réseau de transport structurant à livrer pour 2026.
Le budget de 3 G$ serait entièrement financé par le fédéral et le provincial soit 2 G$ pour un tramway (tracé de 23 km reliant Le Gendre à Charlesbourg, dont deux tunnels totalisant 3,5 km), 571 M$ pour un trambus de 17 km et 408 M$ pour des voies réservées, quatre pôles d’échange, 5000 cases supplémentaires de stationnements incitatifs et deux liens mécaniques reliant la haute et la basse-ville.
Une autre somme de 300 M$ est ajoutée par la Ville de Québec pour divers aménagements.
Mercredi, le gouvernement a rejeté le projet qui était sur la table soit celui d’un tramway de 19,3 km reliant Le Gendre à D’Estimauville pour un coût de 8,4 G$ et dont la Municipalité serait le maître d’œuvre.
La Caisse de dépôt et placement du Québec a six mois pour identifier le meilleur projet pour Québec.
L’enjeu du financement
L’enjeu du financement se pose très rapidement pour le réseau structurant de Québec.
Dans un premier temps, le programme fédéral dans lequel le 1,2 G$ promis par Ottawa doit être puisé n’est pas clairement défini.
C’est la Ville de Montréal qui vient à la rescousse en acceptant de céder 800 M$ qui lui étaient dévolus.
En juin 2020, le coût du seul tramway bondit à 3,1 G$ et la Ville annonce alors l’abandon du trambus pour tenter d’arrêter l’hémorragie budgétaire.
Un an et demi plus tard, juste après l’élection municipale de l’automne 2021, on confirme que le budget du tramway est passé à près de 4 G$.
Après plusieurs péripéties, les paliers de gouvernements supérieurs s’engagent à assumer ce surcoût de 600 M$.
Au cours des derniers jours, le coût est passé à 8,4 G$, selon l’évaluation de la Ville. C’est ce que le gouvernement vient de rejeter.
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Le changement de parcours
Initialement, le tramway devait relier les secteurs Le Gendre et Charlesbourg.
Or, la portion située entre Saint-Roch et Charlesbourg a été abandonnée après des négociations fort difficiles entre la Ville et le gouvernement du Québec.
Elle a été remplacée, en 2021, par une portion entre Saint-Roch et D’Estimauville à la demande du gouvernement caquiste.
Le trambus est également abandonné en cours de route pour des raisons budgétaires.
Le processus d’approvisionnement
Dès le début, il est prévu que le tramway sera réalisé par le secteur privé.
Or, un obstacle majeur se dresse au printemps 2021.
Un seul soumissionnaire montre son intérêt à réaliser le projet.
De crainte de ne pas obtenir le juste prix, le maire de l’époque, Régis Labeaume, prend la décision «difficile» d’annuler toute cette démarche.
Un autre processus d’approvisionnement est lancé. Il est scindé en deux: matériel roulant et infrastructures.
Au printemps 2023, le contrat pour le matériel roulant est accordé au géant français Alstom.
Au cours des derniers jours, le contrat des infrastructures se termine toutefois en queue de poisson, car le seul consortium qui était encore en lice a informé la Ville qu’il ne déposerait pas de proposition financière.
L’administration Marchand sort alors son plan B et annonce vouloir être maître d’œuvre du projet.
Les effets de l’élection municipale de 2021
Les quatre candidats pro-tramway à l’élection municipale de 2021 réunissent 74,7% des voix.
Le vainqueur, Bruno Marchand, s’affiche pour le tramway, mais il promet 10 améliorations au projet.
Les plus notables sont les suivantes: «Diminuer les effets négatifs de la dalle de béton centrale qui créera des coupures dans les quartiers» et la bonification du cahier des charges «afin d’éviter de défigurer nos quartiers emblématiques de Québec et qu’ils soient couverts par plusieurs fils».
Aujourd’hui encore, l’opposition municipale officielle accuse le candidat Marchand d’avoir été ambigu au sujet du tramway et d’avoir joué le jeu des opposants du projet.
Acceptabilité sociale et BAPE
Dans les sondages consacrés au tramway, la baisse de l’appui populaire est constante.
Sous Régis Labeaume, cet appui oscillait généralement entre 52% et 56% (avec un creux à 46% enregistré en janvier 2020).
Lors de l’arrivée de Bruno Marchand aux commandes, l’appui chute.
Il est en dents de scie (entre 41% et 45%) pendant la première année du mandat.
Mais dans le dernier sondage Léger – réalisé récemment avant même l’officialisation de l’explosion des coûts –, il descend à 36%.
Par ailleurs, en novembre 2020, après des mois d’études, le BAPE (Bureau d’audiences publiques sur l’environnement), dont l’avis est consultatif, s’était déjà montré très critique envers le projet.
Il avait jugé que l’administration Labeaume n’avait pas bien étudié d’autres options comme le métro léger.
Le psychodrame des rues partagées
Début 2022, juste après l’arrivée de Bruno Marchand à la tête de la Ville de Québec, l’enjeu de la rue partagée sur le boulevard René-Lévesque, entre le Grand Théâtre et l’avenue des Érables, a été à l’origine d’un premier bras de fer avec le gouvernement Legault.
Plusieurs ministres expriment publiquement leurs doutes et posent des conditions. Éric Caire va jusqu’à ordonner au maire d’arrêter de «polluer l’existence des conducteurs».
Entouré de ses élus, Bruno Marchand effectue une sortie publique tonitruante pour insister sur l’autonomie municipale.
L’administration Marchand obtient finalement gain de cause pour cette portion qui fait environ 500 mètres.
Dans une rue partagée, la vitesse et la présence des voitures doivent être fortement limitées.
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