Les leçons de la famille de Jean Lapointe

Emmanuelle Latraverse
Il s’est passé quelque chose d’extraordinaire dans le monde jeudi soir.
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Alors que la planète était consommée par le règlement de comptes entre le prince Harry, son épouse, Meghan, et la famille royale, à Outremont des centaines de personnes rendaient hommage à l’être le plus imparfait qui soit.
Les uns se sont fait payer des millions pour s’épancher sur la place publique. Les autres se sont résignés à une vigile parce que l’État québécois n’a pas voulu accorder des funérailles nationales à leur père probablement trop populaire, trop excessif par moments. Trop tout court.
Les uns se plaignent sans cesse de ne pas avoir eu les égards auxquels ils croient avoir droit. Les autres ont encaissé le coup noblement.
Les uns ont réglé leurs comptes avec une famille qui n’a pas su les comprendre. Les autres, ayant pardonné, ont honoré la mémoire de celui qui, par son talent, son humilité, son authenticité, laissera une trace indélébile dans notre mémoire collective.
Un jeudi soir de décembre, c’est le contraste entre deux familles; l’une royale, l’autre bien québécoise. Le contraste entre les Sussex et les Lapointe.
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Perspective
Il serait si simple d’y voir un parallèle. C’est plutôt le contraire.
Le carcan de la famille royale et sa relation incestueuse avec la presse justifient que Harry et Meghan remettent les pendules à l’heure.
Selon le même schème, Anne-Élizabeth et Jean-Marie rempliraient des pages de magazines québécois à nous raconter comment leur père qu’ils aimaient tant, mais pourtant alcoolique, leur a fait vivre l’enfer.
Car n’en doutez pas, il l’a certainement fait. C’est le lot des parents alcooliques. Ils adorent leurs enfants, mais les font souffrir sans commune mesure.
La peine que peut causer un papa adoré qui, au mauvais moment, cède à ses démons pour détruire ce qu’il a de plus précieux est certainement tout aussi, sinon plus douloureuse que la trahison ressentie par un jeune prince face à la froideur d’une famille prisonnière de ses traditions malsaines.
Or c’est là que le contraste entre ces deux histoires devient intéressant.
Les uns se sont laissé emporter par leur propre déception. Les autres ont depuis longtemps choisi de nous apprendre à comprendre, à épauler, à pardonner surtout.
Nous ne pouvons que les remercier. Dans le deuil de Jean Lapointe, ses enfants nous ont offert des leçons qui transcendent l’héritage de leur père.
Résilience
On vit dans une société qui carbure au bonheur. Pire, à force de faire des droits individuels une religion, on en est venu à s’imaginer qu’on avait un droit au bonheur.
Depuis quand? Depuis quand est-ce que c’est censé être facile, juste, linéaire? Depuis quand la vie a-t-elle cessé d’être un difficile sentier que l’on sillonne et surmonte à force d’échecs, de victoires, de leçons durement apprises?
Car c’est bien le plus bel héritage que nous laissera Jean Lapointe. Celui de nous avoir appris que c’est à force de se relever qu’on surmonte, à force de demander de l’aide qu’on vainc, à force de générosité qu’on pardonne.
Il est là, le bonheur.