Les deuils sont source de motivation pour Alex Nevsky
«Tout ce que l'aube promet» est disponible partout
Alicia Bélanger-Bolduc
Après nous avoir bercés avec son projet instrumental De la beauté, Alex Nevsky revient avec Tout ce que l’aube promet, un album qui oscille entre l'aube et la lumière, reflet des épreuves et des découvertes qui ont jalonné son chemin au cours des dernières années. Si l’artiste a connu des remises en question concernant sa carrière, il trouve néanmoins un ancrage solide dans sa famille et dans son mode de vie serein à la campagne.
• À lire aussi: Vanessa Pilon et Alex Nevksy prennent le micro pour parler du deuil périnatal
• À lire aussi: Vanessa Pilon et Alex Nevsky s’ouvrent sur leur rôle de parents
Alex, parle-moi de ton nouveau disque, Tout ce que l’aube promet, qui est sorti il y a quelques jours.
Il y a deux ans, je pensais avoir un album, mais en réalisant que les chansons étaient trop similaires à ce que j’avais déjà fait, j’ai tout recommencé. Après mon projet instrumental, la mélodie m’a semblé plus évocatrice que les mots, et j’ai perdu le désir d’imposer mes histoires. Un an et demi plus tard, je me suis remis au piano et, comme dans les films, une chanson sur mon père m’est venue. Avant, je cherchais à forcer la création, mais celle-ci m’a rappelé sa véritable importance pour moi. Ce nouvel album mêle ombre et lumière, avec des morceaux pop et d’autres réduits au piano-voix.
D’où t’est venue l’inspiration pour certaines de tes compositions?
J’ai écrit Veiller les oiseaux en l’honneur de mon père, qui est aujourd’hui décédé, mais qui a vécu avec de la démence pendant deux ans et que je sentais déjà avoir perdu. C’est elle qui m’a donné l’énergie pour composer le reste de l’opus. Les premières et dernières chansons parlent de ma conjointe, Vanessa, quand elle était enceinte de trois mois de notre fille, Claire. Elle aurait pu se retrouver sur un album précédent, mais à cette époque, elle n’avait pas de sens pour moi, elle ne m’était pas liée. J’ai pu travailler sur moi dans les dernières années et je sens que j’ai maintenant la maturité pour interpréter ces compositions. Je comprends que les chansons doivent connecter avec qui je suis et ce que je vis, sans quoi elles ne peuvent se retrouver dans mon registre.

À l'époque où tu as sorti ton album instrumental De la beauté, dirais-tu que tu avais besoin de douceur dans ta vie?
C’est ce dont je me nourrissais à ce moment-là. On venait de déménager à Sutton, après avoir quitté notre belle maison de Rougemont, et j’avais une passion naissante pour les oiseaux, les fleurs et la nature en général. C’est aussi durant cette période que je me suis enfin acheté un piano à queue, donc tout était en place pour ce genre de projet. Cet album est arrivé comme une source de méditation, de création décomplexée. Je ne pensais même pas que ce projet aboutirait. J’en rêvais pourtant depuis 2012!
Tu repartiras en tournée avec ce nouvel album. As-tu toujours la même vision de tes performances?
La série de spectacles avec De la beauté a été une véritable révélation. Pour la première fois, j’ai compris l’importance de créer une vraie connexion avec le public. Avant, je pensais que le fait que les gens chantent et sautent avec moi signifiait un bon spectacle, mais j’ai réalisé que ce n’était pas tout. J’ai appris à être plus vulnérable, tout en restant fidèle à mon côté comique. Je me suis permis de lire des poèmes et de partager ce qui me touchait vraiment. Personne ne se levait pour danser, mais je pouvais voir, dans l’obscurité, les rires et les larmes, et c’est là que j’ai réellement ressenti l’impact que je pouvais avoir. Je vais ramener beaucoup de cette expérience sur scène, mais j’ai aussi hâte de retrouver le Alex qui saute partout. Il va vraiment falloir que je me remette en forme! (rires)
Tu as pris une pause, il y a quelques années, pendant laquelle tu as remis ta carrière en question. As-tu eu des doutes quant à ton retour sous les projecteurs?
Depuis 2019, je me posais des questions. J’avais perdu ce feu depuis un moment, mais la vie continue, avec ses paiements et la pression de devoir créer. J’ai pensé à tout arrêter, mais c’est difficile, parce qu’on se définit souvent par notre travail. Quand le piano est devenu plus présent dans mon parcours, j’ai compris que j’étais fatigué des chansons, mais pas de la musique. Ma tête ne cesse de composer des mélodies! La musique est un moyen puissant de s’exprimer et de mettre le monde en lumière. Je crée avant tout pour moi, mais l’amour que je reçois en retour est vraiment énorme.
Quelle est donc ta vision du succès, maintenant?
La fierté est beaucoup plus dans le processus de création et le sentiment que je suis allé au bout du projet. Je ne veux plus faire de compromis pour faire plaisir aux gens et à l’industrie. Je ne cherche plus cette énergie grisante de devoir tout accomplir à tout prix. La volonté d'avancement ne doit pas prévaloir sur la raison pour laquelle je fais ce métier.
Tu es avec Vanessa depuis bientôt huit ans. Qu’est-ce qui vous garde soudés après tant d’années?
La première réponse serait notre fille, notre projet commun absolument merveilleux, mais cette femme m’inspire aussi énormément. Sa curiosité fait en sorte que je suis amoureux de plein de ses facettes. On a beaucoup changé à travers les années et on n’est plus les mêmes versions de nous qu’à notre rencontre, mais on a eu la chance de progresser parallèlement et de se retrouver chaque fois. On est attirés par une idée de vie semblable et je me sens encore très en amour. Après, je ne peux pas répondre pour elle... Elle dirait sans doute que c’est parce que je suis beau! (rires)
Êtes-vous toujours aussi bien dans votre maison à Sutton?
Elle est notre idéal et on est pile poil dans le rêve de notre vie en ce moment. On aime travailler fort sur ce projet commun. Vanessa peut passer des heures à penser à un élément de décoration dans la maison qui va la rendre encore plus magnifique. Mon domaine à moi, c’est le royaume des fleurs! Avec huit acres de terrain, il y a de quoi être anxieux! (rires) L’année dernière, j’ai fait 300 semis et cette année, il y en aura plein d’autres, en plus de ceux que je récolte avec ma fille et Vanessa. On est attentifs aux oiseaux qui viennent, on veille à mettre le bon type de fleurs pour attirer les insectes, etc. L’été, je ne fais rien d’autre; je suis occupé à jardiner et à créer la beauté. Quand on invite des amis à la maison, on voit leur système nerveux s’apaiser en temps réel! (rires)
Et comment va votre fille, Claire?
Elle a maintenant six ans et demi et elle ajoute tellement de valeur à ma vie! Même si elle a deux parents artistes, on ne la pousse à rien. J’ai beaucoup d’amis qui ont été obligés de jouer de la musique dès un jeune âge et qui ne voyaient que le côté académique de la chose. Il y a chez ma fille le même désir de performance que chez Vanessa. Je veux donc qu’elle trouve ses passions naturellement. Elle vient souvent s’asseoir près de moi au piano et on laisse toujours les instruments traîner à la maison. Pour ma part, j’ai découvert un monde en ayant mon premier instrument, à 17 ans, et d'y avoir accès m’est très important. Je souhaite surtout qu’elle voie ses parents heureux dans leur travail. Pour le moment, elle aime beaucoup le dessin.
Tu sembles aimer célébrer la vie!
Je pense toujours à la mort, mais pas d’une façon anxiogène, simplement comme un outil qui me permet de bien vivre. On a décidé de fêter les demi-anniversaires de notre fille depuis la pandémie! Ce matin, en partant de la maison, j’ai laissé un petit mot sur l’oreiller de Claire parce qu’elle allait déjà être couchée à mon retour. J’aime penser que si quelque chose m’arrivait, elle aurait un souvenir précieux de moi. J’ai vécu la démence de mon père en le perdant doucement, et j'ai ressenti la tristesse de toutes les conversations que j’aurais aimé avoir avec lui. Vanessa et moi avons vécu un deuil prénatal récemment, et j’ai côtoyé la mort avec le décès d’un de mes amis, Louis-Philippe Janvier, quelques années auparavant. Ces événements ont simplement renforcé mon désir de vivre comme si c’était mon dernier jour.