Les dépenses d’Hydro bondissent de plus de 1 milliard $
L’entretien du réseau coûte une fortune à la société d’État


Sylvain Larocque
Les dépenses d’Hydro-Québec ont connu, l’an dernier, leur progression la plus marquée depuis au moins dix ans, bondissant de plus de 1 G$. Les Québécois finiront par payer la note, estiment des experts.
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La hausse des dépenses totales de la société d’État a atteint plus de 13% en 2022. En excluant les achats d’électricité, l’augmentation a frisé les 17%, soit plus de deux fois l’inflation, laquelle a atteint 6,7% l’an dernier.
Dans son rapport annuel, Hydro donne plusieurs raisons pour expliquer l’accroissement de ses dépenses d’exploitation. En premier lieu: «la croissance des activités de l’entreprise visant à améliorer la qualité et la fiabilité du service», «l’intensification des activités d’entretien et de maintenance» et le développement «des services numériques afin de répondre à l’augmentation des besoins d’affaires [...] et de soutenir l’évolution technologique» d’Hydro-Québec.
Plus d’employés
Pour mener à bien ces projets, la société d’État a fait croître ses dépenses en «services externes» et ses effectifs, lesquels sont passés de 21 168 à 22 051 personnes, une hausse de 4,2% sur un an. Quant aux salaires des employés, ils ont été indexés de 3 % en 2022 et de 3,5% cette année.
Hydro a notamment investi pour accroître la résilience de son réseau de production, de transport et de distribution, qui est vieillissant et qui a souffert de sous-investissement au cours des dernières années.
Les orages violents («derecho») de mai 2022 et la tempête du mois de décembre, des «événements météorologiques extrêmes», selon Hydro-Québec, ont aussi coûté cher à la société d’État.
«Dans les deux cas, plus d’un demi-million de clients ont été privés de courant et d’importants travaux ont dû être réalisés, ce qui a entraîné une hausse marquée des coûts, notamment au chapitre des heures supplémentaires et des frais associés aux services externes de maîtrise de la végétation et au recours à des équipes spécialisées de montage de lignes», précise Hydro.
Enfin, la société attribue une partie de la hausse de ses dépenses à ses filiales Hilo (efficacité énergétique) et EVLO (stockage d’énergie).
Les exportations explosent
La hausse des dépenses d’Hydro-Québec est passée relativement inaperçue en raison de la forte augmentation des revenus enregistrés en 2022. Ses ventes d’électricité au Québec ont bondi de 7,4% pour atteindre 13,2 G$ tandis que ses ventes hors Québec ont explosé de 60% pour friser les 3 G$, conséquence de la flambée des cours de l’énergie dans la foulée de la guerre en Ukraine.
Les profits nets de la société d’État se sont élevés à 4,56 G$, tandis que le dividende versé au gouvernement s’est chiffré à 3,42 G$ – tous deux en hausse de 28%. Un record.
Les clients résidentiels n’ont pas, non plus, pleinement ressenti l’augmentation des dépenses d’Hydro. Leurs tarifs ont crû de 2,6% en 2022 et de 3% en 2023, limités par des engagements électoraux du gouvernement Legault.
La hausse a toutefois été plus corsée pour les clients commerciaux (+6,5%) et pour les industriels (+4,2%).
«Effet à la hausse sur les tarifs»
La limitation des augmentations de tarifs résidentiels doit durer au moins jusqu’en 2025. Des observateurs aguerris d’Hydro-Québec s’attendent toutefois à ce que la société d’État doive, à moyen terme, hausser ses tarifs de façon significative afin de faire face à la facture toujours croissante pour l’entretien du réseau et à l’augmentation des coûts d’achat d’électricité.
À moins, bien sûr, que le gouvernement accepte de recevoir un dividende moins élevé.
«Ça va créer un effet à la hausse sur les tarifs, c’est clair. D’où l’importance de s’assurer que [Hydro-Québec] n’en fait pas plus qu’il le faut [au chapitre des investissements dans le réseau]. Il faut en faire pour être fiable, mais il est aussi important que ce soit fait de façon transparente», affirme Jocelyn B. Allard, président de l’Association québécoise des consommateurs industriels d’électricité.

«Rien ne se perd, rien ne se crée, renchérit Jean-Pierre Finet, porte-parole du Regroupement des organismes environnementaux en énergie. Les tarifs d’Hydro-Québec en général seront appelés à augmenter de façon impressionnante au cours des prochaines années.»
Selon lui, la société d’État courrait un risque important si elle décidait à nouveau de sous-investir dans son réseau.
«Quand t’es rendu à te préoccuper de la résilience énergétique à cause des pannes à répétition... Ce n’est plus ce que c’était. La fierté a pris le bord un peu», lance-t-il.
Coûts d’exploitation d’Hydro-Québec
- 2022: 3,84 G$, en hausse de 16,9%
- Six premiers mois de 2023: 1,96 G$, en hausse de 6,5%
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