Le roman «Ru» adapté au cinéma: «C’est un film sur la naissance d’une artiste», dit le réalisateur Charles-Olivier Michaud
Maxime Demers
Le réalisateur Charles-Olivier Michaud et le scénariste Jacques Davidts se sont creusé les méninges pendant des années pour trouver la bonne façon de porter à l’écran Ru, le roman à succès de Kim Thúy qui a souvent été qualifié d’inadaptable. Or, cette longue période de réflexion a été bénéfique pour le film, estime aujourd’hui le cinéaste.
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«Ç’a été un long processus, mais ç’a permis au film d’être ce qu’il est aujourd’hui, analyse Charles-Olivier Michaud, rencontré à quelques jours de la sortie de son adaptation cinématographique de Ru.
«C’est un film avec un million de compromis, mais sans compromis en même temps. C’est-à-dire qu’à partir du moment où on a décidé de faire le film comme ça, il n’y avait plus d’autre façon de le faire. C’est le temps qui a permis cela.»
Inspiré du roman autobiographique de l’autrice Kim Thúy, publié chez Libre Expression en 2009, Ru relate le parcours de Tinh, une jeune vietnamienne (Chloé Djandji), qui débarque au Québec à la fin des années 1970, après avoir fui son pays pour échapper à la persécution. Le film suivra Tinh et sa famille pendant leurs premiers mois au Québec.
Le scénariste Jacques Davidts (Les mecs) planchait déjà depuis un bon moment sur le scénario de Ru quand Charles-Olivier Michaud (Anna) est embarqué dans l’aventure, il y a quelques années.
«Jacques, Kim [Thúy] et André [Dupuy, le producteur] cherchaient une direction à donner au scénario quand je suis arrivé dans le projet, relate le cinéaste.
«Le livre, tu peux le traiter de toutes sortes de façons. Je dis toujours qu’il y a autant d’adaptations possibles que de gens qui l’ont lu.
«Ma vision du film a commencé à prendre forme quand j’ai dit que l’exotisme de cette histoire n’est pas dans le Vietnam. Pour moi, l’exotisme est dans le Québec. Cette famille-là connaît bien sa culture vietnamienne. Ce qu’elle ne connaît pas et qu’elle va apprendre à découvrir, c’est la culture québécoise. Je voulais montrer le Québec comme une autre planète. Kim a tout de suite beaucoup aimé cette approche et ç’a entraîné un grand moment de connexion entre elle et moi.»
En plus de suivre le processus d’adaptation de Tinh et de sa famille à leur nouvelle vie au Québec, le long métrage relate, par le biais de retours en arrière, leur long et difficile voyage en mer à bord d’embarcations de fortune avec des milliers d’autres «boat people». Mais pour Charles-Olivier Michaud, Ru n’est pas seulement un film sur l’immigration.
«Pour moi, c’est un film sur la naissance d’une artiste, souligne le cinéaste.
«Tinh se fait sortir de son univers très privilégié et protégé à Saigon pour arriver dans un Québec où elle va prendre le droit de devenir une artiste. C’est un monde qui est tellement nouveau pour elle que quand l’action se passe à gauche, elle va regarder à droite. Elle va créer son univers artistique qui, 30 ans plus tard, va devenir Ru.»
Même si Kim Thúy a suivi de près chaque étape de la création du film, Charles-Olivier Michaud assure qu’il a eu carte blanche pour porter son histoire au grand écran. L’autrice a elle-même libéré l’énorme pression que le cinéaste s’était mise sur les épaules en lui disant de réaliser le film qu’il souhaitait faire.
«En tant qu’artiste, Kim comprend mieux que quiconque la démarche derrière la création d’une œuvre artistique, rappelle le réalisateur.
«Elle ne voulait pas qu’on fasse un copier-coller de son livre. Et moi, j’aimais mieux me planter que de faire un film mièvre. Ru a été un énorme succès, mais Kim n’a pas écrit le livre en pensant à cela. Son geste artistique était pur. Elle a écrit le livre qu’elle avait en tête. J’ai essayé d’avoir la même approche en réalisant le film.»
- Le film Ru prend l’affiche le 24 novembre.