Le Nadia, le bar 100% sports féminins sans «énergie masculine un peu toxique»


Sarah-Florence Benjamin
Si on a envie d’aller regarder un match de hockey entre amis dans un bar, on a l’embarras du choix. Pour voir un match de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF), c’est une tout autre histoire. Heureusement, il y a le Nadia, un nouveau bar «nomade» dédié aux sports féminins.
Marie-Ange a grandi en regardant le hockey avec son père. Grâce au Nadia, mardi soir, elle a pu regarder pour la première fois un match de son équipe préférée, la Victoire de Montréal, dans un bar.
«Je trouve que les bars classiques, c’est un peu intimidant», a confié à 24 heures la partisane qui rêvait d’un endroit accueillant où consommer du sport féminin.
C’est justement ça, l’objectif du Nadia: offrir «un espace chaleureux, accueillant, inclusif, sécuritaire, festif où on consomme du sport féminin».
Lancé par Caroline Côté et Catherine D. Lapointe, le Nadia existe pour le moment en formule «nomade», c’est-à-dire que des soirées sont organisées en partenariat avec des bars existants.

Mardi, c’était la sixième soirée du Nadia, qui attire chaque fois une centaine de personnes.
Le rêve, c’est toutefois d’un jour avoir pignon sur rue et de diffuser toutes sortes de sports féminins: patin artistique, ski, soccer, rugby, plongeon et, bien entendu, hockey.
Une campagne de sociofinancement a été lancée le 19 février pour faire avancer leur projet.
Un espace pour toutes... et tous!
Ce n’est pas parce que le Nadia diffuse des matchs de hockey féminin qu’il est réservé aux femmes. C’est même tout le contraire.
«Qu’on soit amateur ou amatrice de stats ou qu’on soit juste dans l’émotion ou dans l’envie d’être avec des gens pour partager un moment. C’est vraiment ça qu’on essaie de décomplexer», souligne Catherine D. Lapointe.
Lors du passage de 24 heures, la foule était variée. Il y avait cependant pas mal plus de femmes que dans une soirée sportive classique.
«On est à fond, on est énergique, on crie, on est dedans, sans pour autant l’espèce de crainte de se faire peut-être taper dans face parce que les hommes sont trop hors d’eux autour de toi», raconte Sarah, venue voir le match avec des amies et des proches.

Elle est heureuse de pouvoir vivre «la passion du sport» sans qu’elle soit «ancrée dans une énergie masculine un peu toxique». Selon elle, une initiative comme le Nadia prouve qu’il y a plein de femmes partisanes de hockey, mais qu’elles sont généralement «invisibles complètement».
En plus d’ouvrir un bar à elles, les entrepreneuses derrière le Nadia rêvent d’exporter le concept à l’extérieur de Montréal, «là où il y a vraiment encore plus des enjeux d’accessibilité», comme le souligne Caroline Côté.
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Défis de diffusion
Même s’il y a de l’engouement autour de la Victoire de Montréal et de la LPHF, la diffusion reste un défi.
«Je pense qu’on est à moins de 15% en ce moment sur le temps de diffusion lié aux sports des femmes. C’est souvent des heures d’écoute de deuxième choix, de deuxième rang», estime Catherine D. Lapointe, elle-même une ancienne plongeuse.
Le match de la Victoire retransmis mardi par le Nadia n’était disponible sur aucune chaîne télévisée au Québec.

Un acte politique
Pour Sarah, aller au Nadia, ce n’est pas juste regarder un match, c’est aussi une occasion «pour parler de tout un paquet d’enjeux politiques comme les enjeux queers ou l’inégalité salariale dans le monde du sport».
«On voit pour la première fois des commentatrices sportives, des arbitres, on voit des femmes, des jeunes filles sur la glace, dans les gradins. Ça change tout le visage du hockey, je trouve», ajoute-t-elle.

«Quand j’étais jeune, je faisais du sport, puis j’ai arrêté quand j’étais ado. Je pense que c’est un milieu plus pour les gars, raconte pour sa part Marie-Ange. C’est super important de pouvoir avoir accès à de la représentation à la télé.»
Elle espère que des projets comme le Nadia permettront de faire connaître davantage le sport féminin et provoquer une «vague d’inspiration» pour les jeunes filles au Québec.
–Avec Axel Tardieu