Le mystère du tumulus du Grand serpent
La ville de Pebbles, en Ohio, abrite un mystère archéologique fascinant.

Isabelle Hontebeyrie
La ville de Pebbles, en Ohio, abrite un mystère archéologique fascinant. En effet, le tumulus du Grand serpent représente un reptile tenant un œuf dans sa gueule. Mais à quoi servait ce lieu érigé il y a plus de 1000 ans?
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Sur 411 mètres, les visiteurs peuvent admirer les sinuosités du corps d’un serpent, dont la largeur et la hauteur atteignent respectivement — par endroits —, 30 m et 1,5 m. C'est là la plus grande représentation de ce reptile au monde. «Il y a des milliers d'années, les Amérindiens de l'Ohio peuplaient le paysage de tumulus et d'immenses terrassements. À la fin du XIXe siècle, l'archéologue Frederic Ward Putnam, de l'Université de Harvard, a fouillé le Tumulus du Serpent, mais n'y a trouvé aucun artefact permettant de l'attribuer à une culture particulière. Se basant principalement sur la présence de tumulus Adena à proximité, les archéologues ultérieurs ont attribué l'effigie à la culture Adena, qui a prospéré de 800 av. J.-C. à 100 apr. J.-C. Cette théorie sur l'origine du site a été acceptée jusqu'à ce qu'une fouille de 1991, utilisant la datation au radiocarbone, détermine que le tumulus avait environ 900 ans. Cela suggère que les bâtisseurs du Serpent appartenaient à la culture Fort Ancient entre 1000 et 1500 apr. J.-C.. En 2014, une autre équipe d'archéologues a présenté de nouvelles datations au radiocarbone pour le Serpent, suggérant qu'il a été construit par la culture Adena vers 300 avant J.-C. Des travaux supplémentaires sont nécessaires pour clarifier l'âge du Serpent Mound», indiquent ainsi les responsables de la Ohio History Connection, anciennement connue sous le nom de Ohio Historical Society, et qui s’occupe de la préservation de 50 sites historiques et musées à travers l’État.
Les conjectures
S’il est difficile de dater le tumulus du Grand serpent, il est encore plus complexe d’en déterminer l’usage. Or, les théories ne manquent pas à ce sujet. Pour William F. Romain, un chercheur indépendant et auteur de nombreux articles scientifiques et archéologiques sur le sujet, «les courbes du serpent sont en corrélation directe avec les positions du soleil et de la lune à des moments clés de l'année. C'est un témoignage de la sophistication des connaissances astronomiques de ces peuples», disait-il dans les pages d’Archaeology Magazine, la publication officielle de l’Institut archéologique américain, en 2011. En effet, le serpent semble se diriger vers une falaise rocheuse, tandis que sa tête est alignée avec le lever du soleil au solstice d'été, et que sa queue pointe vers le solstice d'hiver. Cette orientation astronomique suggère une fonction calendaire ou cérémonielle complexe.
Bradley Lepper, conservateur à la Ohio History Connection adopte, quant à lui, une approche plus nuancée. «Pour les Amérindiens, ce serpent représente l’animal, maître du monde des morts, en train de s’accoupler avec la première femme, une humaine surnaturelle qui vit sur la Lune, et acquiert ainsi le pouvoir de créer la vie. Mon équipe et moi pensons donc qu’il s’agit d’une représentation d’un portail vers le monde des morts», dit-il dans une entrevue donnée au géologue David Pompeani, fasciné par les mystères anciens.
En 1996, la chercheuse Jessica E. Saraceni note, pour l'Archaeology Magazine, que la datation du tumulus l’attribuant à deux civilisations consécutives est cohérente avec certains événements astronomiques. «Un amas de pierres brûlées, autrefois situé à l'intérieur de la tête ovale, se trouvait à quelques mètres au nord-ouest de son centre, probablement pour un alignement plus précis avec la pointe du ‘V’ du ‘cou’ du serpent et le coucher du soleil au solstice d'été. La date de 1070 après J.-C. coïncide approximativement avec deux événements astronomiques extraordinaires. La lumière de la supernova à l'origine de la nébuleuse du Crabe a atteint la Terre pour la première fois en 1054 et est restée visible, même de jour, pendant deux semaines. L'apparition la plus brillante jamais observée de la comète de Halley a, quant à elle, été enregistrée par des astronomes chinois en 1066. Le tumulus du grand serpent pourrait-il être une réponse amérindienne à de tels événements célestes?» Pour Bradley Lepper et Dee Anne Wymer, professeure à l’Université de Bloomsbury: «Il est impossible de vérifier si le monticule à effigie représente un serpent de feu rampant dans le ciel, mais il est intéressant de spéculer.»

Qu’est-ce qu’un tumulus?
Le mot «tumulus» vient du latin et signifie «tertre» ou «petite colline». Il peut être constitué principalement de terre, de pierres (on parle alors parfois de «cairn» ou de «galgal», s'il est majoritairement fait de pierre), ou d'un mélange des deux.
D’autres tumulus aux États-Unis...
L'Ohio abrite de nombreux autres tumulus, notamment ceux de la culture Hopewell. Les Hopewell Ceremonial Earthworks, un site du patrimoine mondial de l'UNESCO, comprennent des formes géométriques complexes et des tumulus coniques.
C’est dans le Wisconsin qu’on trouve le plus d’effigies terrestres, souvent en forme d'animaux comme des ours, des oiseaux, des panthères et même des figures humaines. Le Wisconsin Historical Society a ainsi identifié plus de 3 200 tumulus. Le Cahokia Mounds State Historic Site, en Illinois, est un autre site du patrimoine mondial de l'UNESCO où l’on peut voir des centres urbains précolombiens dotés d'énormes monticules.