Le français et les affaires: les finances sont-elles plus importantes que le français?

Gabriel Côté
Le multimillionnaire Luc Poirier a suscité un débat en suggérant en ligne qu’il faudrait parler davantage de finances et moins de grammaire à l’école.
• À lire aussi: Le français et les affaires: dérapage linguistique dans une publicité de pneus d’hiver
• À lire aussi: La langue est en rapport de force
«Très tôt, on apprend aux jeunes le passé composé. Mais devrait-on plutôt commencer à leur apprendre l’intérêt composé?» se demandait le «dragon» dans un message publié mardi dans sa page Facebook.

Pour étayer son point, M. Poirier expliquait ensuite que le passé composé est utile pour raconter ce qu’on a fait, mais que l’intérêt composé, c’est-à-dire le mécanisme financier qui fait en sorte que des intérêts gagnés sur un capital génèrent à leur tour des intérêts, peut nous aider à changer ce qu’on fera à l’avenir.
«Je sais pourquoi on apprend le passé composé aux jeunes. C’est pour qu’ils puissent dire un jour: “j’aurais dû”. Je ne sais pas si c’est au passé composé, mais moi je connais l’intérêt composé, et ça, ça m’a pas mal plus aidé», concluait le multimillionnaire.
Faux dilemme
Il s’agit peut-être d’un faux dilemme, car rien n’empêche d’apprendre à maîtriser les chiffres et les lettres.
Au téléphone, Luc Poirier l’a d’ailleurs lui-même reconnu, assurant que l’argent n’était pas à ses yeux plus important que la langue.
«Le français, c’est super important. [...] Quand tu travailles dans une entreprise au Québec, tu n’as pas le choix, il me semble, de connaître le français», a-t-il dit, en plaidant même pour un meilleur enseignement de la langue de Molière.
«On devrait forcer plus de cours pour améliorer le français, c’est évident», a-t-il lancé. «La même chose pour l’éducation financière, l’anglais et l’éducation physique.»
La langue et l’argent
Il reste que le message de M. Poirier soulève une question intéressante: celle des rapports compliqués que nous entretenons avec la langue et l’argent.
Dans une lettre ouverte envoyée au Journal, l’écrivain Dany Laferrière rappelle à ce propos qu’il y a toutes sortes de postures possibles face à la langue. «Certains croient qu’elle est moins importante que le mouvement de l’argent, moins concrète que les problèmes de santé, et même qu’elle ne sied qu’aux diplomates ou aux sophistes», écrit l’académicien.

«Sauf que la langue se retrouve partout et que, sans elle, on arrivera difficilement à se faire comprendre», ajoute-t-il. «Si nous ne faisons qu’une ou deux choses dans la vie, nous devons tout de même nous exprimer de façon claire et précise.»