Laurent Dubreuil: 2e comme l’âge de Rose

Jessica Lapinski et Richard Boutin
LÉVIS | Elle ne saisira que dans quelques années l’ampleur de ce qu’a accompli son papa vendredi, mais en raflant l’argent sur 1000 mètres, Laurent Dubreuil a réalisé le souhait de sa petite fille.
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Car Rose avait demandé à son père, à la veille de sa course, de terminer deuxième, comme son âge. « Il lui avait répondu : ouf ! papa va faire son possible ! » a rigolé sa conjointe Andréanne Bastille, en entrevue au Journal.
Contrairement à bon nombre de membres de sa famille qui n’ont pas dormi de la nuit, Rose n’a pas regardé la course en direct, aux environs de 3 h 30, heure du Québec.
« Mais elle, le direct ou le différé, elle s’en fiche, a poursuivi Mme Bastille. On était bien content de lui dire quand elle s’est réveillée que son père avait bel et bien fini deuxième ! »
C’est d’ailleurs à sa petite que Dubreuil a pensé, peu après cette médaille pourtant inattendue sur cette distance. Sur le podium, le patineur québécois a fait un « deux » avec ses doigts. Puis il a soufflé : « Rose, deuxième comme ton âge. Je t’aime ! »

Une médaille émotive
Pendant ce temps, à Lévis, à une dizaine de milliers de kilomètres de Pékin, Andréanne Bastille et la mère de Laurent, Ariane Loignon, étaient submergées d’émotions.
« C’était tellement émouvant de le voir livrer ce qu’il pouvait livrer, a concédé la maman, elle-même une olympienne en patinage de vitesse. Ça se concrétise avec une médaille. C’était d’autant plus émotif compte tenu du fait qu’il était passé si proche au 500 mètres. »
« Je suis encore un peu sous le choc, mais de façon totalement positive, a ajouté sa conjointe. On savait que Laurent était capable, mais on savait aussi qu’il fallait qu’il ait une course parfaite selon ses standards. Ce n’est pas qu’on sous-estimait ce dont il était capable, mais ç’a été une belle surprise. »
« Un bon show »
Le père de Laurent, Robert, a célébré au champagne ce premier podium olympique en lieu connu.

Directeur de la Fédération québécoise de patinage de vitesse depuis trois décennies, M. Dubreuil était au Centre de glaces de Québec avec de la parenté quand son fils a croisé le fil d’arrivée deuxième.
S’il savait que son fils amorcerait en force les 600 premiers mètres, le paternel ne savait pas si Laurent serait en mesure de tenir le coup pour la fin de la course.
Car, faut-il le rappeler, la discipline de prédilection de Laurent Dubreuil est le 500 mètres. Sur 1000 mètres, « il est plus un top 8, un top 5 », a rappelé Robert Dubreuil.
« On n’était pas inquiet qu’il allait donner un bon show, mais on ne savait pas s’il allait avoir des jambes sur le dernier 400 mètres. Finalement, il en a eu juste assez ! » a souri le fier papa.
« On a beau y croire, mais ça n’arrive pas souvent, des choses comme ça. C’est tout à l’honneur de Laurent », a-t-il ajouté.
- Jessica Lapinski
Une attitude de gagnant
La fierté de la famille Dubreuil est d’autant plus grande qu’ils sont bien au fait des sacrifices qu’a dû faire Laurent pour décrocher cette deuxième place.
Robert Dubreuil et Ariane Loignon ont eux-mêmes représenté le Canada aux Jeux en patinage de vitesse, au tournant des années 1980.
Ils n’ont pas touché au podium. M. Dubreuil a terminé 14e en longue piste sur 500 mètres, à Albertville, en 1992. Mme Loignon avait cumulé plusieurs Tops 20 à Calgary, quatre ans plus tôt.
Des médailles rares
Mais aujourd’hui, ils peuvent vivre la joie d’une médaille olympique à travers celle remportée par leur grand garçon.
« Je suis tellement fière de Laurent, de qui il est comme athlète, de sa discipline, sa rigueur, son attitude... Mais ce qui m’a impressionnée le plus, c’est que lorsqu’il a terminé quatrième au 500 mètres, il n’a blâmé personne, malgré la déception. Il a vraiment eu une attitude de gagnant » a mentionné la maman.
« Elles sont rares, ces médailles, alors c’est sûr que ça fait plaisir », a rappelé le papa, faisant allusion au fait qu’il n’y a, finalement, que trois athlètes qui grimpent sur le podium.
Après Guillaume Bastille
Mais si cette décoration olympique est la première chez les Dubreuil, la fille de Laurent, Rose, compte maintenant deux médaillés parmi ses proches.
C’est que son oncle – le frère de sa mère Andréanne – est Guillaume Bastille, qui faisait partie des récipiendaires de la médaille d’or canadienne obtenue au relais 5000 mètres en courte piste, à Vancouver.
« Rose est maintenant parente avec deux médaillés olympiques. C’est quand même pas pire ! » s’est réjouie Andréanne Bastille.
- Jessica Lapinski
L’IMPORTANCE DE LA FAMILLE

PÉKIN | Pour Laurent Dubreuil, sa famille a joué un rôle important dans les journées séparant ses deux épreuves, au moment où il était toujours habité par une grande déception.
« Quand je parlais avec Rose par Facetime après la course, elle n’était pas un pour cent triste que son papa n’ait pas gagné de médaille au 500 m et elle l’aimait autant. Alors que je vivais une grande déception, j’ai trouvé très difficile de ne pas être avec ma famille. Ça ne jase pas beaucoup un enfant de deux ans sur Facetime. Quand ma femme m’a demandé si je voulais qu’on se parle après le 1000 m, je lui ai dit que je préférais les appeler plus tard puisque je croyais que les chances que je ne gagne pas une médaille étaient plus grandes. »
Le plaisir en premier
Olympiens, ses parents Robert Dubreuil et Ariane Loignon ont aussi des mots apaisants pour leur aîné. « Ils m’ont dit de m’amuser, de me surprendre et de surprendre les autres. Quand tu n’es pas parmi les favoris et que tu gagnes une médaille, tu ressens seulement des sentiments positifs. Quand on te prédit la victoire, tu ressens un soulagement. Mon 1000 m a été plus le fun et moins stressant que le 500 m. »
Message inspirant de Jansen
Dubreuil a aussi reçu un message inattendu d’encouragement de la part de Dan Jansen. Quintuple champion mondial, le patineur de vitesse américain a couru après une première médaille olympique pendant dix ans avant de finalement remporter l’or au 1000 m, en 1994, à Lillehammer. « Il m’a écrit que je pouvais y arriver. Son message m’a inspiré. »
- Richard Boutin