Éric Caire savait que le fiasco à la SAAQ s’en venait
Le ministre était au courant de l’absence d’un bon plan de communication

Nicolas Lachance
La mise en service du premier jalon de l’identité numérique du ministre Éric Caire a tourné au vinaigre avec le lancement catastrophique de SAAQclic. Dès l’été dernier, le cabinet du ministre du numérique avait été informé du fiasco à venir.
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De sérieux problèmes de communications, mais aussi des choix stratégiques d’Éric Caire et de son ministère seraient montrés du doigt dans le fiasco de SAAQclic.
C'est du moins ce qu'avancent de nombreuses sources engagées dans le dossier qui ont accepté de se confier à notre Bureau parlementaire.
La collision frontale entre la SAAQ et le ministère du numérique a conduit à l’un des pires fiascos informatiques des 10 dernières années au Québec.
En entrevue à TVA nouvelles, mercredi, le ministre Caire a indiqué qu’il était «extrêmement surpris de la situation» et qu’à l’automne, «tous les indicateurs étaient au vert».
Or, dès l’été dernier, son ministère était bel et bien au courant qu'aucun plan tangible de communication avec la SAAQ n'avait été établi, confirment deux sources.
Et, bien qu’il rejette le blâme uniquement sur la SAAQ, le ministre Caire «aurait dû préparer le terrain depuis des mois», soutient un autre important informateur au sein de l'administration: «Le ministère et la SAAQ auraient dû faire, ensemble, un plan de communication pour préparer les utilisateurs».
Aucune information
Par exemple, la population n’a jamais été informée publiquement des documents qu’elle devait avoir en sa possession pour utiliser le nouveau mode d’authentification qu’utilise la SAAQ; mode qui a précisément été créée par l’équipe d’Éric Caire.
«Les gens sont arrivés et ils se demandaient c’était quoi l’avis de cotisation... Personne n’avait pris le temps de l’expliquer. Il y avait de l’éducation à faire à la population», mentionne une personne en haut lieu.
Néanmoins, le ministre Caire a affirmé qu’il «aurait dû recevoir des éloges» pour sa partie du projet.
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Commission réclamée
«Ça prend du front tout le tour de la tête pour affirmer ceci», a critiqué la libérale Marwah Rizqy. Le péquiste Joël Arseneau a qualifié la sortie du ministre de «mauvais théâtre».
L’ensemble des départements des communications dans ce dossier ont échoué, estime toutefois une autre source. «C’est une gang qui est vraiment dans leur bulle, dans leur univers. Ils n’écoutent personne», souligne-t-elle.
À la lumière des récentes déclarations publiques du ministre, les libéraux estiment qu’il est urgent d’entendre en commission parlementaire le ministre.
«Il doit rendre des comptes et expliquer pourquoi il n’a pas effectué son travail. Visiblement, il n’a pas compris ni assumé son mandat de ministre», a affirmé le chef par intérim, Marc Tanguay. Il réclame aussi la présence du sous-ministre Pierre E. Rodrigue et du PDG de la Société de la SAAQ.
Du côté de la SAAQ, elle a simplement produit quelques publications sur les réseaux sociaux, déplore une source du MCE. Rappelons que le salaire du vice-président aux affaires publiques de la SAAQ, Dave Leclerc, s'élève à 225 664$ par année.
Fiasco prévisible
En réalité, il s’agissait de la tempête parfaite.
La collision entre la mise en place du Service d’authentification gouvernementale (SAG) d’Éric Caire et l’intégration de SAAQclic a produit une « malheureuse explosion», explique une source bien au fait du dossier.
En 2018, la SAAQ décide de mettre en œuvre sa transformation numérique sous le nom du projet CASA, aujourd’hui SAAQclic. Déjà, le projet s’annonçait un fiasco, comme le rapportait notre Bureau d’enquête à l’époque:
- L’implantation du logiciel choisi avait causé plusieurs problèmes chez plusieurs grandes entreprises.
- Le vice-président aux technologies de l’information de la SAAQ, Karl Malenfant, avait mené une terrible transformation numérique semblable chez Hydro-Québec.
Nouvelle authentification
Au même moment, Éric Caire est nommé ministre délégué à la Transformation numérique par le premier ministre François Legault. Le député de La Peltrie a un plan en tête: remplacer clicSÉQUR et réussir à mettre en place le SAG.
La Société d’Assurance Automobile du Québec deviendra l’un des premiers utilisateurs du service d’authentification. La SAAQ décide qu’elle fera cette transition lors de la migration de tous ces services vers sa nouvelle plateforme SAAQclic.
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Ce qui devait arriver... arriva. Le système informatique de SAAQ a connu de nombreux problèmes et pannes depuis sa mise en fonction le 20 février, empêchant plusieurs citoyens d’obtenir des services efficaces.
En plus, plusieurs sont incapables de s’authentifier sur la nouvelle plateforme parce qu’ils n’ont pas les outils pour y arriver. Conséquence? Les files d’attente se sont multipliées devant les bureaux de la SAAQ en plein mois de février et mars.
«En coulisse, tout le monde le savait que ça allait planter. C’est ça qui est triste», souligne une source, en poussant un soupir de découragement. La SAAQ et le MCN «ne l’ont pas anticipé ni planifié».
SAAQclic
- Mise en chantier en 2018
- Coût : 458 M$
- La SAAQ gère SAAQclic avec l’appui du ministère de la Cybersécurité et du Numérique
- La plateforme sert à accéder et payer ses services de la Société d’Assurance automobile du Québec en ligne
Service d’authentification (SAG)
- Mise en chantier en 2018
- Coût : 41 M$
- Le ministère de la Cybersécurité et du Numérique (MCN) fournit le Service d’authentification gouvernementale utilisé comme porte d’entrée des prestations électroniques de services du portail SAAQclic afin d’assurer l’authentification des citoyens
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