La Semaine fête ses 20 ans: le jour où Johanne Fontaine nous a donné sa dernière entrevue

François Hamel
Atteinte d'un cancer du côlon incurable depuis 2010, Johanne Fontaine a pris l'habitude de donner de ses nouvelles par le biais de capsules vidéos qu'elle partage sur les réseaux sociaux, chaque lundi. Elle vient de confier qu'elle est en fin de vie, créant du même coup une onde de choc.
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Comme elle l'explique à une équipe de La Semaine qu'elle reçoit chez elle, la comédienne et conférencière a fait cette annonce pour dire aux gens ce qui suit: «Que, peu importe ce qui nous arrive — le cancer ou autre chose —, il faut rester serein. On court beaucoup après notre bonheur et on est déçu. On est impatient ou découragé parce que c'est difficile. Dans mon vocabulaire à moi, la sérénité est ce qui compte le plus, quoiqu'il arrive. Il faut rester dans quelque chose de “supportable”, de lumineux. On meurt une fois. Qu’est-ce que je peux y faire?»
Son énergie la quitte, mais elle ressent quand même un certain bien-être. «Mon niveau d'énergie n'est plus le même; en fait, je n'en ai plus. J'ai besoin qu'on m'aide à me lever. Je suis fatiguée et très somnolente. En même temps, je me sens dans la volupté, la légèreté. Je suis dans la douceur et la tendresse. C’est ce que je ressens.»
Et la mort ne lui fait pas peur. «Il y a une paix qui s'est installée en moi. Je suis dans le lâcher-prise que j'ai toujours professé. Imagine le courage que ça me demande présentement... Mais je suis bien là-dedans. Présentement, on est davantage dans un processus d'enlever la douleur, de faire en sorte que je souffre le moins possible.»
Lorsque son énergie l'aura quittée à jamais, comment veut-elle qu'on se souvienne d’elle? «J'aimerais qu'on se souvienne de ma grande joie de vivre. De mon dynamisme, de mon enthousiasme et de mon authenticité. On me parle de ma générosité, mais je m'aide aussi en apportant quelque chose aux autres. C’est donnant-donnant.»
Pierre Duchaine, son amoureux, et Raphaël, son fils, vivent plus difficilement qu'elle son départ, qu'elle croit imminent. «Mon conjoint est préparé à ça depuis longtemps, mais ce n'est pas facile. Quant à mon fils, je ne crois pas qu'il soit en paix avec ce qui arrive. Mais nous nous disons: “Go with the flow...” Nous n'avons d'autre choix que de suivre le courant qui nous entraîne.»
D’ici l'inévitable, elle vit une journée à la fois. «La suite des choses demandera beaucoup d'organisation en ce qui concerne les soins que je dois recevoir. C'est bien beau de ne pas vouloir aller à l'hôpital, mais ça ne se fera peut-être pas à la maison, comme je le pensais.»
Somme toute, plusieurs facettes de sa vie lui procurent de la fierté. «Je suis fière de mon fils, de ma relation avec mon amoureux, de mes amis, des fois où j'ai joué. Des conférences où j'ai pu partager ma façon d'aborder la vie avec les autres. Je pense que j'ai bien vécu. J'ai fait ce que j'ai pu, vraiment. J'aurais pu être n'importe qui, Anaïs Nin ou Frida Kahlo, mais je suis Johanne Fontaine. Vais-je laisser ma trace? Je ne sais pas. Il y a une certaine énergie que je vais laisser. J'en suis bien heureuse.»
Johanne Fontaine est morte le 11 octobre 2018, soit moins de deux mois après ce reportage. Elle est décédée chez elle, entourée par sa famille. Elle avait 63 ans.