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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

La question russe au cœur de la présidentielle française?

Marine Le Pen et Emmanuel Macron
Marine Le Pen et Emmanuel Macron Photo AFP
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Photo portrait de Mathieu Bock-Côté

Mathieu Bock-Côté

2022-04-16T20:00:00Z
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Notre chroniqueur Mathieu Bock-Côté séjourne actuellement en France, d’où il observe l’actualité française d’un œil québécois.


À la fin février, l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Poutine a heurté violemment la campagne présidentielle française en la faisant quasiment disparaître de l’actualité pendant plusieurs semaines.

Cet événement aussi brutal qu’imprévu a mis en valeur Emmanuel Macron en le transformant en interlocuteur de Vladimir Poutine, auquel il tenait tête tout en cherchant, sans trop de succès, à le modérer.

Certains candidats furent fauchés par cet événement, notamment Éric Zemmour, qui avait déjà tenu des propos favorables à Poutine. Il a servi de paratonnerre, dans la mesure où toute la classe politique française avait cherché, depuis quelques années, à nouer une relation particulière avec Poutine. 

Ces candidats se voulaient fidèles à la tradition gaulliste, cherchant en Russie une force d’équilibre pour contenir l’influence américaine. Le moins qu’on puisse dire est que cette vision géopolitique semble pour un bon moment plombée.

Quelques semaines sont passées.

La guerre en Ukraine s’est installée dans l’actualité mais ne la domine plus. Et elle trouve sa place dans les débats du second tour.

Marine Le Pen est désormais la cible centrale.

Plusieurs l’accusent de faire preuve de complaisance envers la Russie parce qu’elle veut limiter les sanctions contre celle-ci, sans pour autant les abolir. Certains l’accusent même d’y être inféodée financièrement et politiquement.

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Marine Le Pen s’en défend, en expliquant que ces sanctions font d’abord mal aux classes populaires françaises qui sont confrontées à une hausse des prix dramatique qui limite leur pouvoir d’achat et les condamne tôt ou tard à la paupérisation.

C’est la question du gaz russe qui hante les pays de l’Europe occidentale: s'ils y renoncent, ils pourraient bien se jeter tête première dans une crise économique et énergétique. Mais s'ils continuent d’en acheter, ils légitiment, au moins indirectement, le régime de Poutine.

Seuls des esprits légers croient que tout cela est simple.

Mais il y a plus. En plaidant, cette semaine, pour une nouvelle alliance avec la Russie, une fois la guerre terminée en Ukraine, elle semblait en décalage complet avec l’actualité.

Il faudra un jour trouver un arrangement avec la Russie, certes, mais plaider pour cela dans les circonstances présentes laisse songeur, pour le dire d’un euphémisme.

Macron

Quittons la question russe et voyons les choses plus largement.

Le monde regarde avec un grand intérêt l’élection présidentielle française, car à travers elle s’opposent non seulement deux candidats, mais deux visions du monde.

Écoutez Les idées mènent le monde, une série balado qui cherche a éclairer, à travers le travail des intellectuels, les grands enjeux de sociétés.

Pour Emmanuel Macron, la présidentielle met en scène une opposition entre la démocratie et une tentation autoritaire de style poutinien.

Le Pen

Pour Marine Le Pen, la présidentielle oppose plutôt le camp des patriotes, dont elle se veut la candidate, et celui des mondialistes qui ne croient plus aux peuples et aux nations.

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Ce conflit, d’une journée à l’autre, se radicalise. Les deux camps ne se contentent pas de s’opposer. Ils se jugent mutuellement illégitimes.

Macron accuse Le Pen de trahir la démocratie qui l’accuse de trahir la France.

C’est le réchauffement global des passions politiques.

La violence de l’extrême gauche  

Je n’aime pas l’utilisation du terme «extrême». On en abuse. Il s’applique toutefois aux groupes violents. Et ce sont de tels groupes qui se sont manifestés à la Sorbonne, en décidant de l’occuper et de la saccager. Pour quelle raison? Parce qu’ils sont mécontents que Jean-Luc Mélenchon, le candidat de la gauche radicale, ne soit pas au deuxième tour de la présidentielle. Ils perdent leurs élections donc ils jugent que le système électoral est injuste et truqué! Petits trumpiens!

Un front républicain?  

Que faire devant la présence de Marine Le Pen au second tour? Faut-il y voir une adversaire comme une autre, se demandent certains commentateurs, dans la mesure où la démocratie met nécessairement en scène des politiques qui ne voient pas le monde de la même manière? Ou faut-il lever contre elle un front républicain pour contenir la poussée de «l’extrême droite»? Les partisans de cette stratégie n’ont que ce mot à la bouche. Reste à voir si elle fonctionnera.

Le référendum est-il antidémocratique?  

Pour réformer des institutions politiques qu’elle juge paralysantes et bloquées, Marine Le Pen entend utiliser le référendum. Mais le référendum est-il démocratique, demandent ses adversaires, qui l’accusent de vouloir ainsi contourner la Constitution, les parlementaires et peut-être même piétiner les droits des «minorités»? L’appel au peuple ne sert-il pas à maquiller une tentation autoritaire et à légitimer la tyrannie de la majorité? C’est à tout le moins ce qu’on lui a reproché ces derniers jours.

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