La police de Montréal déploiera une équipe de prévention dans les écoles

Félix Lacerte-Gauthier
Une équipe «multidisciplinaire» sera déployée dans les écoles de Montréal afin de prévenir la violence chez les jeunes, ont annoncé jeudi matin la Ville de Montréal et le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
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L’équipe sera composée de 10 personnes, comprenant des agents policiers préventionnistes, des criminologues, et au moins un professionnel spécialisé en cybercriminalité, et sous la responsabilité d’un lieutenant-détective du SPVM.
Ceux-ci se promèneront à travers les écoles secondaires de l’île de Montréal, selon les demandes qu’ils recevront, bien qu’une attention particulière sera accordée aux quartiers touchés par la problématique de la violence armée.
- Écoutez l'entrevue avec André Gélinas, sergent-détective retraité du SPVM à l’émission de Richard Martineau diffusée chaque jour en direct 9 h 23 via QUB radio :
«Par exemple, si une école voit un problème, que des jeunes s’affilient à des gangs, ou des problèmes de violence. Elle peut faire appel à l’équipe-école, qui va venir, va faire un diagnostic de ce qui se passe, et mettre un plan d’action en place», a résumé, en entrevue téléphonique, Alain Vaillancourt, responsable de la sécurité publique au sein du comité exécutif de la Ville.
Le projet se veut complémentaire aux divers outils déjà en place dans les écoles et communautés. Le SPVM dispose par exemple d’agents sociocommunautaires qui œuvrent auprès des écoles.
«Quand on s’attarde aux petits délits des jeunes, on évite beaucoup de problèmes dans le futur. Si on peut identifier tôt et mettre des choses en place pour éviter que des jeunes tombent dans la violence, on est très gagnant pour ce qui va arriver dans le futur avec le jeune», a soutenu M. Vaillancourt.
Il insiste sur le fait que le travail se fera sur une base collaborative et volontaire, autant avec les parents, les directions d’école, que les élèves eux-mêmes, et que ceux-ci ne seront donc pas forcés d’y prendre part.
«On est vraiment dans la prévention. On veut éviter la violence. C’est pour ça que l’équipe est formée principalement de gens civils», a-t-il expliqué.
Le ministère de la Sécurité publique a accordé une aide financière de 4,05 millions $ sur trois ans au SPVM pour permettre la mise en place du projet. De son côté, la Ville de Montréal y a octroyé 400 000 $. Les premières embauches devraient avoir lieu au cours des prochaines semaines.
Au Centre de services scolaire de la Pointe-de-l’Île (CSSPI), on salue la venue de l’équipe-école.
«Nous partageons collectivement la responsabilité d’offrir un environnement sain et sécuritaire pour nos élèves. Face à une problématique si complexe, la concertation des différents acteurs est essentielle afin d’optimiser la communication et agir en prévention auprès de nos élèves», a indiqué Marjolaine Dupuis, directrice générale du CSSPI.
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Entre optimisme et inquiétude
Intervenant et chercheur à l'Institut universitaire Jeunes en difficulté du CIUSSS Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal, Rene-Andre Brisebois voit plutôt d’un bon œil la mise en place de l’initiative.
«Des informations que j’ai vues, c’est une belle initiative, parce que ça s’appuie sur ce qui fonctionne mieux; la concertation et la coordination des efforts», a-t-il expliqué.
Il reste toutefois prudent, estimant qu’il faudra attendre de voir comment fonctionneront l’équipe et les résultats qu’elle obtiendra pour en effectuer un bilan plus précis.
«Si on arrive à bien identifier les jeunes qui vivent le plus de vulnérabilité et de difficultés, et qu’on est capable de leur offrir des services et d’agir en amont, ça peut effectivement contribuer à une diminution de la criminalité violente», a-t-il analysé.
Professeur à l’Université Concordia, Ted Rutland, soulève pour sa part quelques inquiétudes.
«S’il y a un problème de violence dans certaines écoles publiques, c’est parce qu’il manque de ressources, et on le sait bien. Mais plutôt que de leur offrir les ressources dont elles ont besoin, on envoie la police», a-t-il résumé, en rappelant que la problématique de la violence dans les écoles n’est pas nouvelle.
M. Rutland s’interroge également sur la composition de l’équipe-école qui, bien qu’incluant également des «civils», ne comprend aucun intervenant formé pour intervenir auprès des jeunes. Il craint que des problèmes sociaux ne soient plutôt perçus comme des problèmes de criminalités.
«Ils vont certainement trouver des comportements délinquants qui existent partout, mais ils seront présents pour les observer, et ça aura des conséquences à long terme pour ces jeunes», s’est-il inquiété, en se demandant également si les informations recueillies seront partagées avec les autres opérations policières.