La place du Canada dans le monde

Mathieu Bock-Côté
La crise ukrainienne en pousse plusieurs à se questionner sur la place du Canada dans le monde.
Que peut-il faire pour marquer sa désapprobation ?
Car on a beau aligner les condamnations morales, et dire son indignation devant l’invasion russe, elles ont peu de chance de peser sur les événements.
Que peut-il faire dans une telle situation, qui rappelle l’importance, pour un pays, de la puissance militaire, sans laquelle il est condamné à être un spectateur impuissant de l’histoire humaine ?
- Écoutez la rencontre Mathieu Bock-Côté et Richard Martineau diffusée chaque jour en direct 10 h via QUB radio :
Empire
Certains, généralement sur les plateaux télé, expliquent ainsi que « nous » devons intervenir militairement contre la Russie.
Mais qui est ce nous auquel ils font référence ?
Le Canada seul ? Ce serait surprenant.
L’Occident ? Certes, mais quelle forme prend-il militairement ? Le Canada, les États-Unis, la France, l’Espagne, et tant d’autres pays appartiennent à la civilisation occidentale. Ont-ils pour autant les mêmes intérêts géopolitiques ? Et sommes-nous en train de dicter aux autres pays leur politique étrangère ?
Est-ce que ce « nous » réfère alors à l’OTAN ? Mais l’OTAN est une alliance défensive et l’Ukraine n’en est pas membre.
Reprenons alors la question.
Que peut faire le Canada ? Il faut voir les choses à la hauteur de l’histoire.
Le Canada a toujours vécu dans l’ombre de l’empire auquel il appartenait.
Au moment de la Première Guerre mondiale, puis de la Deuxième, c’est dans les paramètres de l’Empire britannique qu’il s’inscrivait. En fait, le Canada se faisait une fierté d’être le dominion le plus ardent de l’Empire, le plus enjoué à l’idée de prendre les armes pour défendre ses intérêts.
Après la Deuxième Guerre mondiale, alors que l’Empire britannique se désagrégeait, il a été traversé par une double tentation.
Les uns voulaient que le Canada s’aligne naturellement sur les États-Unis, comme si Washington prenait la place de Londres dans l’univers mental des anglophones du pays. Le Canada devait devenir le meilleur allié des Américains.
Les autres rêvaient d’une politique internationale autonome, mais sous le signe de l’ONU, dont le Canada deviendrait un citoyen global exemplaire. À défaut d’être une superpuissance militaire, il serait une superpuissance morale, portant un modèle de société censé faire envie à travers la planète. Et il prouverait son sérieux à travers l’engagement de ses forces armées sous la bannière des Casques bleus, dans des opérations semi-militaires, semi-humanitaires.
Autrement dit, le Canada hésitait, sans en être pleinement conscient, entre l’Empire américain et l’Empire onusien.
Puissance
Dans le monde qui se dessine, que peut-il faire ?
On constate par exemple qu’il n’a jamais pris la question de l’Arctique au sérieux.
Plus largement, il devra redéfinir son identité internationale.
Le temps des grands discours moralisateurs pourrait bien être derrière nous. L’époque qui commence poussera les États à renouer avec les moyens de la puissance. Le Canada en a-t-il les moyens ?
Je ne parle pas seulement des moyens financiers, mais existentiels, lui qui a voulu croire plus que tout à une fiction idéologique mondialiste qui s’écroule.