«La pièce qui tourne mal»: un désastre théâtral maîtrisé


Frédérique De Simone
La pièce qui tourne mal – oui, elle tourne vraiment mal – rassemble sur scène tous les éléments pour plaire au public.
Construite comme une poupée russe qui s’ouvre chaque fois sur un peu plus de chaos et de comédie burlesque, la pièce met en scène les comédiens maladroits et pas tout à fait justes de la Cornley Drama Society, qui a, disons-le, plutôt l’habitude de présenter des flops.
Cette fois, le producteur de la troupe, incarné par Fabien Cloutier, a l’intention de sauver les meubles avec sa nouvelle production, une sorte de meurtre et mystère à l’anglaise: Meurtre au manoir Haversham.

Comme le nom l’indique, la pièce – dans la pièce – débute avec la mort du richissime Jonathan Haversham (Pierre-François Legendre).
Tout le monde de son entourage est louche et a au moins un motif pour s’en prendre à lui. Sa fiancée hystérique Sandra (Julie Ringuette) a une liaison avec son frère, Max (LeLouis Courchesne). Son beau-frère et ami, Robert (Rémi-Pierre Paquin), qui connaît bien l’état de ses finances, n’est pas mieux.

Puis entre en scène l’inspecteur (Fabien Cloutier), chargé de l’enquête et de démêler les nœuds.
Tout tourne mal. Des comédiens trébuchent, se trompent de répliques, manquent leurs signaux d’entrée, tandis que les décors – qui sont presque des personnages à eux seuls tant ils sont centraux dans cette satire – tombent en ruines sous nos yeux.
Mais comme les comédiens de la troupe sont des professionnels, ils savent faire comme si de rien n’était... ou presque.

Leur acharnement à continuer cette pièce est admirable, et le crescendo qu’ils bâtissent en faisant fi du désastre est délectable à regarder et complètement comique. Il faut dire aussi que cette comédie a tout pour plaire à un large public, réservant même quelques effets de pyrotechnie.
Bien que certains procédés humoristiques soient prévisibles ou eussent pu être raccourcis, l’effet de surprise est tout de même présent tout au long de la pièce. Cette dernière est d’ailleurs très physique et bien vivante.
Il est donc très difficile pour le spectateur de rester de glace en assistant à cette pièce qui tourne au désastre.

Jonathan Roberge et Olivia Palacci jouent pour leur part les techniciens de scène et amuseurs de foule. Leurs interventions avec les gens de la salle avant le lever du rideau contribuent à installer d’emblée le ton absurde et participatif du spectacle.
Coup de chapeau à Stéphane Breton, qui a pris la relève de Guillaume Lambert dans le rôle du majordome après son accident en pleine représentation, le 11 juillet dernier. Il a dû tout apprendre – les textes et les déplacements – en seulement cinq jours.
Malgré le risque de blessures associé aux décors peu conventionnels et aux quelques cascades que les comédiens doivent réaliser pendant la pièce, les producteurs de Monarque Production n’avaient prévu aucune doublure.

Traduite par Normand Chouinard et dirigée par André Robitaille, La pièce qui tourne mal a été initialement produite dans le West End de Londres par Kenny Wax & Stage Presence.
Elle a depuis été adaptée et tournée dans plus d’une cinquantaine de pays, et est aujourd’hui considérée comme l’une des plus grandes exportations théâtrales britanniques. Les textes sont signés par Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields.
La pièce qui tourne mal est présentée à la Maison des arts Desjardins de Drummondville jusqu’au 10 août.