La pénurie de main-d’œuvre dans la construction québécoise à un niveau critique
Le secteur de 30 G$ peine à pourvoir plus de 11 000 postes


Julien McEvoy
Le nombre de postes vacants dans la construction a doublé au Québec entre 2018 et 2023 pour atteindre 11 000 postes non pourvus, une pénurie qui n’est pas près de s’estomper.
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La crise de recrutement frappe un secteur qui génère 30 milliards de dollars de PIB par an et emploie 344 000 personnes, révèle une étude dévoilée mardi par le Conseil de l’innovation du Québec.
L’industrie a connu une croissance de 35% en 10 ans, dépassant celle du Canada, mais peine désormais à trouver les travailleurs nécessaires pour soutenir son expansion.
La situation s’aggrave avec la détérioration de la qualification de la main-d’œuvre. Désormais, 78% des nouvelles embauches sont des personnes non diplômées, contre 51% en 2017. Le taux d’abandon atteint 35% après cinq ans, créant un cercle vicieux.
«L’industrie de la construction a le potentiel de transformer en profondeur l’économie du Québec, selon Luc Sirois, innovateur en chef du Québec et directeur général du Conseil de l’innovation du Québec. Face aux grands défis d’aujourd’hui – crise du logement, transition énergétique, infrastructures de transport collectif –, son rôle est des plus stratégique.»
Un système de formation en déclin
L’analyse, réalisée en collaboration avec l’Institut de recherche en économie contemporaine, révèle un déclin préoccupant des formations spécialisées. Les effectifs en formation professionnelle ont chuté de 8% et ceux du diplôme d’études collégiales de 22% entre 2012 et 2022.
Cette érosion des compétences survient alors que le secteur représente 6,8% de l’activité économique du Québec et 7,7% de sa main-d’œuvre. Seulement 8% des employeurs se tournent vers l’innovation technologique pour pallier les difficultés de recrutement.
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«Pour relever les défis actuels, l’innovation n’est plus une option, c’est une nécessité», souligne Audrey Murray, présidente-directrice générale de la Commission de la construction du Québec.
Cette pénurie de main-d’œuvre qualifiée contribue aux problèmes de performance du secteur. La productivité a reculé de 16% entre 2013 et 2023, un déclin plus marqué que celui au Canada et en Ontario.
Conséquences et solutions
Pendant la même période, les autres industries québécoises affichaient une croissance de 8%.
L’étude identifie plusieurs innovations qui pourraient réduire la dépendance aux travailleurs. La préfabrication robotisée permet de construire une maison en une journée avec seulement trois ou quatre opérateurs, contre une équipe beaucoup plus nombreuse en construction conventionnelle, par exemple.
L’adoption des technologies numériques, comme la modélisation des données du bâtiment, peut améliorer la coordination et réduire les erreurs coûteuses en main-d’œuvre. L’impression 3D et les matériaux innovants comme le bois d’ingénierie offrent également des gains de productivité.
Le secteur de la construction bénéficie d’un écosystème de 40 centres de recherche, de 30 investisseurs en capital de risque et de plus de 20 programmes de financement. Ces ressources ne sont pas assez mobilisées pour résoudre la crise, avance le rapport.
Les petites et moyennes entreprises, qui représentent 81% du secteur, peinent à y accéder. Même que le recours aux programmes gouvernementaux diminue, passant de 35% à 30%.
Les investissements en innovation augmentent toutefois (+57% de 2018 à 2022), ce qui laisse entrevoir un revirement. La Commission de la construction du Québec intensifie ses efforts en formation et l’Association de la construction du Québec a créé une table ronde sur l’innovation.