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L'article provient de Le Journal de Québec
Société

«La Patente»: quand les franco-catholiques étaient de trop au Canada

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Martin Lavallée

2024-03-14T04:05:00Z
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Dans un ouvrage très accessible qui vient de paraître chez Septentrion, l’historien Hugues Théorêt retrace les principaux faits d’armes de «La Patente», une organisation secrète.

Intitulé La Patente, l’ouvrage, sans «révolutionner l’historiographie», apporte néanmoins un éclairage nouveau sur cette société, qui a aussi fait l’objet d’un documentaire en 2022 par le réalisateur Phil Comeau.

Subordonnés à la population anglo-saxonne

Pendant longtemps, les Canadiens français ont cru à l’idée que le Canada, en 1867, était né d’un pacte entre deux peuples fondateurs et que les francophones pourraient s’y épanouir librement.

Ils ont très vite déchanté et ont dû trouver divers moyens pour défendre et faire valoir leurs droits. Le sort des Métis de l’Ouest et la pendaison de Louis Riel ne forment qu’un épisode d’une longue suite qui montre aux Canadiens français, après 1867, qu’ils ne sont pas les maîtres au Canada et qu’ils sont subordonnés à la population anglo-saxonne. Les Orangistes, une société anglo-protestante, seront bien souvent à l’origine des attaques dirigées contre les descendants de la Nouvelle-France.

• À lire aussi: La Patente, une mystérieuse et très influente société secrète francophone

Les franco-catholiques attaqués

Dès les débuts de la Confédération, plusieurs lois discriminatoires bafouent les droits des Canadiens français et visent leur assimilation. Au départ, particulièrement au Nouveau-Brunswick et au Manitoba, c’est l’enseignement confessionnel catholique des Canadiens français qui est attaqué. Toutefois, comme l’ont montré Marcel Martel et Martin Pâquet dans Langue et politique au Canada et au Québec, c’est la langue qui deviendra progressivement l’enjeu principal au début du 20e siècle.

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Le cas le plus emblématique survient en 1912, avec l’adoption du Règlement 17, en Ontario. Ce règlement limite considérablement l’enseignement en français dans les écoles de la province, ce qui indigne l’ensemble des communautés francophones au Canada, qui sont encore nombreuses, liées et solidaires entre elles et pleines de vitalité à l’époque. Elles formaient alors ce que l’on appelait le Canada français.

En 1912, le gouvernement ontarien adopte le Règlement 17, qui restreint considérablement l’enseignement en français dans les écoles de l’Ontario. La Patente naît entre autres dans la foulée de ce règlement discriminatoire à l’égard des Franco-Ontariens.
En 1912, le gouvernement ontarien adopte le Règlement 17, qui restreint considérablement l’enseignement en français dans les écoles de l’Ontario. La Patente naît entre autres dans la foulée de ce règlement discriminatoire à l’égard des Franco-Ontariens. Université d’Ottawa. Centre de recherche en civilisation canadienne-française

Pour une frange de la population anglo-saxonne canadienne, le Canada est britannique et anglophone et doit le rester. Ainsi, les Canadiens français, dont le taux de natalité est alors l’un des plus élevés en Occident, représentent une menace et on cherche à les assimiler.

Face à la menace, les Canadiens français s’organisent

Pendant un certain temps, la Société Saint-Jean-Baptiste-de-Montréal, sous les présidences d’Olivar Asselin (1913-1914) et de Victor Morin (1915-1924), tentera de se porter à la défense des minorités attaquées et d’assumer le rôle de chef de file de la nation canadienne-française. Elle n’a toutefois pas les moyens de ses ambitions et d’autres procédés ont dû être envisagés, comme fonder une société secrète afin d’infiltrer les différents leviers de pouvoir et œuvrer dans le secret pour promouvoir et faire avancer les droits des Canadiens français au Canada. Fondé à Ottawa en 1926, l’Ordre de Jacques-Cartier, communément appelé «La Patente», a joué ce rôle jusqu’en 1965.

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L’Ordre de Jacques-Cartier disparaît dans les années 1960, dans le contexte de la Révolution tranquille, où plusieurs Canadiens français du Québec jugent que la bataille est perdue au Canada et qu’il faut se rabattre sur l’État québécois et la souveraineté pour que les francophones soient véritablement maîtres chez eux.
L’Ordre de Jacques-Cartier disparaît dans les années 1960, dans le contexte de la Révolution tranquille, où plusieurs Canadiens français du Québec jugent que la bataille est perdue au Canada et qu’il faut se rabattre sur l’État québécois et la souveraineté pour que les francophones soient véritablement maîtres chez eux. Domaine public

L’Ordre, qui au cours de son existence a réalisé certains gains pour la cause des Canadiens français et des Acadiens, a été dissous en 1965, notamment à cause de dissensions entre ses membres. Certains voulaient continuer de lutter pour le français au Canada là où d’autres ont conclu que le français ne serait vraiment respecté qu’au sein d’un Québec indépendant, où les francophones sont majoritaires et seraient maîtres chez eux.

Ce que nous rappelle l’histoire de «La Patente», c’est que, n’eût été une minorité anglo-canadienne, le français, à une certaine époque, aurait pu avoir un avenir radieux au Canada. Cet avenir n’adviendra jamais et le Québec représente aujourd’hui le dernier bastion où la langue française est encore dominante au Canada... mais pour combien de temps encore? 

Hugues Théorêt apporte un nouvel éclairage sur cette société secrète canadienne-française dans son ouvrage intitulé «La Patente». L’Ordre de Jacques-Cartier, le dernier bastion du Canada français.
Hugues Théorêt apporte un nouvel éclairage sur cette société secrète canadienne-française dans son ouvrage intitulé «La Patente». L’Ordre de Jacques-Cartier, le dernier bastion du Canada français. Septentrion

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