La méthode Zelensky


Mathieu Bock-Côté
Dès les premières heures de l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine, Volodymyr Zelenski a compris qu’il devait mener à l’échelle mondiale une guerre de l’opinion publique et des communications.
Il s’y est pris avec un indéniable talent.
C’est à travers la mise en scène de la résistance de son pays qu’il a su s’imposer aux yeux de plusieurs comme un chef national, et même un chef de guerre.
Les plus admiratifs vont jusqu’à en faire un Churchill ukrainien.
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Histoire
À travers sa campagne de mobilisation de l’opinion internationale, le président ukrainien s’adresse aux différents Parlements nationaux qui veulent l’entendre.
On l’a ainsi vu parler aux députés et représentants britanniques, allemands, américains, israéliens, canadiens et, hier, français.
Sa méthode est à peu près toujours la même. Zelensky commence par affirmer que ce conflit ne met pas seulement en scène l’Ukraine et la Russie, mais le monde démocratique contre celui des autocraties.
Une nouvelle guerre froide se dessinerait et chacun devrait y prendre part autant qu’il peut.
Pour convaincre, Zelensky utilise le langage de l’histoire, ce qui nous rappelle son importance dans la mobilisation identitaire des peuples, des nations, des civilisations. Qui parle d’histoire rejoint la dimension mythique, existentielle, de l’identité d’un peuple.
Aux Britanniques, il parle de Churchill et de sa résistance aux nazis. Aux Américains, il parle de Pearl Harbor et du 11 septembre, en plus de les inviter à redevenir le leader du monde libre. Aux Allemands, il rappelle l’histoire du mur de Berlin, pour leur dire qu’un nouveau mur sépare l’Europe centrale.
Aux Israéliens, il parle de la Shoah, ce qui fait quand même grincer des dents ceux qui veulent éviter de mettre tous les événements historiques dans le même panier.
On l’aura compris, il s’agit chaque fois, à partir d’une histoire nationale particulière, de pousser les peuples à un engagement maximal dans un conflit global, qui commence en Ukraine, mais qui ne s’y limitera pas.
Il y a quelques jours, il s’est toutefois permis une audace rhétorique exagérée, en envisageant ouvertement la possibilité de la troisième guerre mondiale.
Son message était assez simple : si les pays occidentaux ne se mobilisent pas ouvertement, et on l’aura compris, militairement, pour l’Ukraine, le monde s’embrasera dans un affrontement global.
Prudence
C’est évidemment un calcul inverse que font les Occidentaux, qui veulent soutenir l’Ukraine autant que possible sans pour autant se retrouver face à face avec la Russie, qui est une puissance nucléaire.
Une puissance nucléaire, ajouterons-nous, dirigée par un homme qui fait désormais de la bombe atomique une arme potentiellement offensive dans la poursuite de ses objectifs de guerre. Ce n’est pas un détail.
Cette contradiction entre les intérêts des Occidentaux et ceux du président ukrainien est insurmontable.
Elle nous rappelle que l’histoire est tragique, ce qui échappe à tous ceux qui rêvent d’entrer en guerre avec la Russie sans prendre au sérieux la nature apocalyptique d’un tel affrontement.
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