«La lutte m’a sauvé la vie»: l’avocat Hughes Bernier s’est transformé en Damian Wild dans l’arène pour se reprendre en main


Stéphane Cadorette
La NSPW est la fédération de lutte qui connaît le plus de succès au Québec. Ce samedi 15 juin, elle présentera son gala phare, Golden Opportunity XIV, au Pavillon Guy-Lafleur, à Québec. Derrière les lutteurs excentriques dans le ring se cachent des personnalités plus effacées dans la vie de tous les jours, qui doivent jongler entre leur métier souvent prenant, leur famille et leur passion pour la lutte. Le Journal vous invite à découvrir la véritable vie de ces athlètes hors norme.
À 35 ans, Hughes Bernier gagnait très bien sa vie comme avocat, quand la bulle confortable érigée autour de lui a éclaté. Relations tendues, sautes d’humeur, rupture et dépression ont fait basculer son univers. C’est en devenant le lutteur Damian Wild qu’il s’est extirpé de son mal-être.
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Il y a deux ans, l’avocat spécialisé en litiges tombait en arrêt de travail. Sa santé, autant physique que mentale, atteignait des bas-fonds.
Reconnaissant qu’il s’enlisait, Hughes Bernier a décidé d’aller chercher de l’aide. Le professionnel qui l’a amené à retrouver le droit chemin l’a incité à faire le saut vers une passion quelque peu refoulée qui l’animait depuis son enfance.
«J’ai dû apprendre à me retrouver et on m’a recommandé d’aller vers quelque chose d’intense, qui allait me déstabiliser. J’ai regardé au sommet de ma to-do list et je lui ai dit que je ne pouvais quand même pas devenir lutteur à 35 ans... Il m’a regardé et m’a dit: “Ben oui, c’est en plein ça!”», confie-t-il en souriant.
Changement drastique

C’est à l’académie de la NSPW que Hughes Bernier a commencé à déterrer le vieux rêve enfoui. Après seulement six mois à peaufiner son art, il gagnait son pari improbable, soit de lutter dans le cadre d’un spectacle de Generation NeXt, qui est en quelque sorte le club-école de la NSPW.
Évidemment,à la base, le réflexe d’un bon avocat sérieux a été d’éviter d’ébruiter l’affaire, mais les masques sont vite tombés.
«Quand je suis revenu après mon arrêt de travail, mes patrons ont réalisé que je n’étais plus la même personne. J’avais perdu à peu près 50 livres et j’étais en forme.
«Je me suis dit que je devais leur expliquer pourquoi. Mes collègues et des clients savent maintenant que je lutte et me posent plein de questions. Dernièrement, un juge m’a amené tout seul dans un local. Je me demandais ce que j’avais fait de mal et il s’est mis à me dire qu’il était un gros fan de lutte et on a jasé. Partout, la réception est vraiment positive. Je n’ai pas vécu de railleries et de remontrances», assure-t-il.
Des traits communs
N’allez surtout pas croire que le palais de justice et l’arène sont incompatibles. Hughes Bernier et son alter ego, Damian Wild, incarnent la preuve accablante que les deux réalités se marient bien.
«Je comprends que ça amène les gens à se questionner. Oui, être avocat, c’est un travail sérieux avec un code de déontologie et tout, mais il y a un lien fort entre ce métier et la lutte.
«Comme plaideur, je dois m’exprimer, je dois être extrêmement rapide sur mes patins pour avoir de la répartie et c’est très théâtral. Je ne peux pas faire valoir mes points devant un juge de manière monotone. C’est la même chose pour vendre une histoire comme lutteur», explique-t-il.
Aucun regret

Aujourd’hui, l’homme de droit se félicite d’avoir fait de la place dans son quotidien à l’homme de spectacle, même s’il sait très bien que cette deuxième facette de sa vie alimente davantage son esprit que son compte en banque.
«La lutte m’amène plus de dépenses que de gains. Je n’ai aucune entrée d’argent significative et je suis content de le faire. C’est le prix à payer pour vivre ma passion», sourit-il.
Après tout, le coût est bien bas lorsqu’on le compare aux bienfaits, qui font largement contrepoids dans la balance.
«Je rencontre des gens formidables, je tisse des liens, je suis très impliqué dans la fédération. Côté personnel, je peux dire que la lutte m’a sauvé la vie, littéralement.
«J’étais dans une phase où j’ai vraiment touché le fond. La lutte m’a aidé sur le plan de la remise en forme, de l’attitude. Avec mes enfants, mes collègues, mes patrons, mes amis, je me sens une meilleure personne», savoure Hugues Bernier.
Peut-être qu’après tout, la lutte apporte quelque chose de beaucoup plus vrai que ce qu’en pensent les dénigreurs.