La fin du fax en santé ne sera pas en 2023, une autre promesse brisée du gouvernement Legault
L’utilisation de cette méthode de communication archaïque a même augmenté dans certains secteurs


Éric Yvan Lemay
Le gouvernement Legault ne parviendra pas à tenir sa promesse de mettre fin à l’utilisation du fax dans le réseau de la santé en 2023, et ne veut même plus s’avancer sur un horizon pour la disparition du papier.
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Pire encore, la télémédecine implantée dans l’urgence au début de la COVID-19 a fait exploser le nombre de prescriptions envoyées par fax dans les pharmacies.
Pourtant, le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Éric Caire, avait promis la fin du fax dès cette année lors de l’annonce de sa stratégie numérique en 2019.
Une promesse qui a été souvent répétée. Même le premier ministre avait jugé l’utilisation du fax comme étant «archaïque».
«La modernisation technologique est une tâche colossale tenant compte du fait qu’elle vise plus de 10 000 systèmes technologiques», indique la directrice des communications du ministère de la Santé et des Services sociaux, Noémie Vanheuverzwijn.

Le ministère de la Santé blâme notamment la pandémie pour le retard pris dans l’informatisation.
«L’utilisation du fax va diminuer graduellement, on ne peut effectivement préciser un échéancier à ce moment-ci», précise-t-on au ministère.
900 appareils dans un CIUSSS
Le fax est encore bien présent dans les établissements où on l’utilise encore pour envoyer des requêtes pour des examens, transférer des dossiers de patients entre hôpitaux ou encore des résultats d’analyse.
➡ Exemples d’utilisation du fax:
- Ordonnances faxées à la pharmacie de l’hôpital;
- Demande de consultation (médecins spécialistes, ergothérapeute, physiothérapeute, nutritionniste, etc.);
- Requêtes d’examens;
- Transferts de dossiers interhospitaliers;
- Listes de médicaments vers les pharmacies;
- Requête à un partenaire privé pour les services de soins à domicile ou un hébergement en CHSLD.
Seulement au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, on compte plus de 900 imprimantes multifonctions qui peuvent envoyer et recevoir des fax.
«La majorité des envois sont pour des communications entre le CIUSSS et des entités externes», précise le conseiller-cadre aux relations médias Jean-Nicolas Aubé.
Le ministre de la Santé, Christian Dubé, est conscient du problème.
«Il y a encore des fax, c'est vrai et c'est à ça qu'on s'attaque. C'est un changement de culture important, mais nécessaire», mentionne le cabinet dans une déclaration écrite.
Le bureau du ministre estime aussi que le projet de loi 5 adopté en mars qui permet d'avoir accès aux données sera utile pour éliminer les fax.
Pour Alexandre Allard de l’Association des gestionnaires de l’information de la santé du Québec (AGISQ), rien ne va changer sans une réelle volonté politique et médicale.
«Présentement, il y a plus de 80% de l’information qui est du papier, nécessairement ça prend des humains et des réflexes papier», soutient le président de l’association qui représente les archivistes médicaux.
20 G$
Il indique que dans certains établissements, le personnel communique par fax entre les différents étages. Pour plusieurs, il est plus facile d’utiliser le fax que le courriel puisque les numéros sont déjà préprogrammés.

Selon lui, il faudrait investir 2 G$ par année pendant dix ans pour mettre en place un système informatique parmi les plus performants au monde, bien loin des 700 M$ initialement prévus par le gouvernement.
Deux CIUSSS, dans le nord de Montréal et en Mauricie, ont été désignés pour l’implantation d’un projet pilote pour le Dossier santé numérique (DSN), mais il faudra attendre encore quelques années pour que ce soit déployé à l’ensemble du réseau.
Ce qu’ils avaient dit
«Il faut que les “fax” disparaissent de l’écran radar du gouvernement du Québec.»
–Éric Caire en 2019
«Écoutez, mes deux gars ne savent même pas c’est quoi un fax, donc juste pour vous dire comment c’est archaïque.»
–François Legault, juin 2020
«Le gouvernement s’est d’ailleurs engagé à mettre fin à l’utilisation du fax dans le réseau de la santé d’ici 2023.»
–Marie-Hélène Émond, ministère de la Santé et des Services sociaux, mars 2021
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