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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

La fierté oubliée de François Legault

Photo d'archives, Stevens LeBlanc
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Photo portrait de Mathieu Bock-Côté

Mathieu Bock-Côté

2023-02-16T05:00:00Z
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François Legault, jusqu’à sa cinquantaine, au moins, était farouchement indépendantiste. 

Il s’est ensuite convaincu que les Québécois, pour un bon moment, n’avaient plus la tête à la question nationale, et que les nationalistes devaient se replier sur « l’autonomisme » pour reprendre le pouvoir. Sans quoi ils seraient définitivement cantonnés dans l’opposition. 

Son analyse n’était pas complètement fausse, et d’ailleurs, c’est sur ce créneau politique qu’il a pris le pouvoir avec la CAQ, en 2018, et qu’il a augmenté sa majorité, en octobre dernier.

Mais le contexte historique a changé. 

Péréquation

La question nationale est de retour au cœur de notre vie politique. 

De la politique migratoire d’Ottawa, qui nous condamnera à la noyade démographique, au choc entre le multiculturalisme canadien et la laïcité québécoise, à la régression du français à la grandeur du Canada et au Québec même, en passant par l’assèchement financier du système de santé par Ottawa, tout nous conduit à renouer avec la question nationale, et à rouvrir la question de la souveraineté. Sans elle, notre peuple est appelé à se dissoudre dans un Canada où il est de plus en plus minoritaire. Au Québec même, le poids des francophones régresse.

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Pourtant, c’est à ce moment précis que François Legault fait le choix de tourner le dos pour de bon à l’indépendance. Comme s’il s’était emprisonné dans une option stratégique aujourd’hui périmée et devenait étranger à son pragmatisme de jadis. 

Paul St-Pierre Plamondon a annoncé son projet de présenter le budget d’un Québec souverain. On verra les résultats, mais on les devine. L’indépendance ne sera ni la misère ni le Klondike. Mais le Québec en a amplement les moyens. 

Que répond François Legault ? Il se tourne vers une rhétorique misérabiliste, soutenant que le Québec n’en a tout simplement pas les moyens. 

Il ne serait désormais qu’une grosse province sous perfusion fédérale. La péréquation serait l’horizon indépassable de notre destin, à la manière d’un peuple entretenu et consentant à l’être. 

À travers un exercice de comptabilité partisane, il ne se contente plus de dire que les Québécois ne sont pas tentés par la souveraineté. Il veut leur expliquer qu’ils n’en sont pas capables, que l’indépendance, bonne pour les autres peuples, ne l’est pas pour lui. 

Il parle comme un fédéraliste de chambre de commerce qui aurait pu se retrouver dans le casting du Confort et l’indifférence, de Denys Arcand. 

Écoutez Les idées mènent le monde, une série balado qui cherche a éclairer, à travers le travail des intellectuels, les grands enjeux de sociétés.

Démission

Il oublie que la péréquation est la bouffée d’oxygène que le Canada offre au Québec après l’avoir condamné à la sous-oxygénation structurelle.

Comment expliquer cela ?

François Legault aurait-il tout simplement sacrifié sa fierté et fait le choix de démobiliser son peuple pour ne pas s’avouer à lui-même qu’il a renoncé à autre chose qu’une petite ambition du premier ministre provincial ? 

C’est un peu comme si moins le pari fédéral de François Legault fonctionne, et plus il se retourne contre les indépendantistes qui le lui font remarquer.

Si tel est le cas, au fond de lui-même, je suis certain qu’il en a honte.

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