Mort de Jayson Colin à Montréal-Nord: peu écoutés après le meurtre gratuit de leur fils
Olivier Faucher | Journal de Montréal
Les proches des victimes de la flambée de fusillades qui surviennent Montréal devraient davantage être écoutées par les autorités, plaide la famille de Jayson Colin, tué récemment à Montréal-Nord.
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«Une des choses qu’on a trouvées le plus difficiles, c’est que jusqu’à maintenant, on n’a eu aucune aide, aucun accompagnement ou aucune sollicitation de qui que ce soit», a confié Ronide Casséus, dont le fils de 26 ans est mort tué par balle le 10 août dernier.

Il s’était vraisemblablement retrouvé à la mauvaise place au mauvais moment lorsqu’un suspect cagoulé a fait feu sur lui et ses copains près de l’école secondaire Lester B. Pearson.
Attablés à la Place Normandie où Jayson a grandi, Mme Casséus et son mari Roberson Berlus se sont exprimés hier devant les médias sur la tragédie qu’ils ont vécu.
Ne ratez pas l'entrevue de la famille, au micro de Mario Dumont sur QUB radio:
Le couple, qui cumule des décennies de travail auprès des jeunes dans le milieu communautaire en tant que travailleurs de rue, déplorent le peu d’intérêt et de soutien qui leur a été accordé, entre autres par les élus.
«Si nous, qui sommes connus dans le milieu et à cause de nos actions dans le quartier, on est mis à l’écart, c’est à se demander ce qui arrive à la personne qui est marginalisée, a mentionné M. Berlus. Comment va-t-elle s’en sortir?»
«Ça peut faire du bien»
Selon l’ex-policier André Gélinas, qui est aujourd’hui porte-parole de la Communauté de citoyens (es) en action contre les criminels violents (CCACV), les élus devraient se faire un devoir de contacter les familles des victimes des fusillades afin de bien comprendre les impacts du fléau.
«Parler avec quelqu’un qui a perdu quelqu’un, c’est difficile, mais c’est important que les politiciens s’imprègnent de ça, estime-t-il. Si tu n’es pas connecté sur la réalité, comment veux-tu faire tes représentations comme du monde?»
Du côté des proches des victimes, cela peut «faire du bien», car ils sont souvent habités par le sentiment d’être une «statistique», fait savoir M. Gélinas. «Il n’y a pas grand-chose qui se fait pour les victimes. Il y a l’IVAC et le CAVAC, mais en même temps, ces gens-là ont des choses à dire», souligne-t-il.
Une stratégie questionnée
Plus largement, M. Berlus et Mme Casséus ont remis en doute la stratégie des autorités pour lutter contre la violence à Montréal.
«S’il y a un plan de sécurité urbaine, quel est-il? Est-ce que les organismes [de prévention] rentrent dans ce plan-là? Moi à Montréal-Nord ce n’est pas ce que je vois», a martelé M. Berlus.
Lui-même travailleur de rue dans le quartier, Roberson Berlus affirme que son organisme qui œuvre auprès des jeunes marginalisés peine à obtenir quelconque argent public.
«C’est deux fondations qui nous ont gardés vivants dans la dernière année», a-t-il fait savoir, dénonçant du même coup le «débalancement», entre les ressources allouées à la police et à la prévention, alors que Québec a annoncé 250M$ sur cinq ans pour accroître la présence policière dans la métropole samedi.
«Il y a beaucoup d’argent qui a été injecté dans le service de police. On ne dit pas qu’il ne faut pas de la répression, mais vous comprenez que partout où il y a eu des coups de feu, il y a plus de police et des caméras. Est-ce que c’est la solution?»
Un point de vue également partagé par José Trottier, président de l’Association des locataires de la Place Normandie, qui est très impliqué auprès des nombreux jeunes qui habitent le HLM. «Moi ce que j’essaie de faire, je leur trouve des jobs d’été. Je les occupe. Il faut les occuper à quelque chose. C’est quand le jeune n’est pas encadré qu’il est vulnérable.»
La famille de Jayson a également lancé un message aux jeunes du quartier afin de prévenir d’autres drames. «Ce qu’on leur dit vraiment, c’est qu’on ne veut pas perdre un autre Jayson, a imploré Mme Casséus. On ne veut pas que les jeunes adoptent un comportement violent et défensif», a-t-elle poursuivi.