La F1 attirée par les dictatures et les pays controversés
Le cirque de la F1 qui débarque à Montréal dans quelques jours s’attire de plus en plus de critiques à ce sujet
Marie Christine Trottier et Pascal Dugas Bourdon
La Formule 1, qui débarque le week-end prochain à Montréal, est de plus en plus en proie aux critiques, notamment parce que ses grands prix ont lieu dans des pays qui bafouent les droits humains. Même certains pilotes ont récemment ajouté leur voix à la controverse. Une dissidence qui dérange le circuit.
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Récemment, le président de la Fédération internationale de l’automobile s’en est pris directement aux pilotes qui critiquent la F1. « [Sebastian] Vettel conduit une bicyclette arc-en-ciel, Lewis [Hamilton] se passionne de droits humains et [Lando] Norris parle de santé mentale », a ironisé Ben Sulayem, lors d’une entrevue au début du mois. Il s’est depuis rétracté sur Twitter, disant appuyer «la diversité et l’inclusion».
- Écoutez l'entrevue avec domlebo, artiste engagé et initiateur d'une pétition contre le Grand Prix, au micro de Geneviève Pettersen sur QUB radio:
Voici quelques pays de la F1 qui font les manchettes à cause de problèmes éthiques.
Hongrie
Prochaine course : fin de semaine du 29 juillet 2022

Sebastian Vettel, quatre fois champion du monde, a porté un t-shirt arc-en-ciel lors de l’hymne national du Grand Prix de la Hongrie l’an dernier. Il a été réprimandé par la F1 pour ce geste de solidarité avec les communautés LGBTQ+, discriminées par l’adoption d’une nouvelle loi par le Parlement hongrois. Arrivé en seconde place, il a été disqualifié de cette course, la raison officielle étant un problème de carburant. Vettel semblait toutefois y voir un lien avec son geste de solidarité : « Tant mieux s’ils me disqualifient. Ils peuvent me faire ce qu’ils veulent, je m’en fiche. Je le ferais à nouveau ».
Monaco
Dernière course : fin de semaine du 27 mai 2022

On ne parle évidemment pas ici d’un régime totalitaire, mais cette principauté d’Europe suscite la controverse, car elle est considérée par plusieurs comme un paradis fiscal. En effet, il n’existe aucun impôt sur le revenu ni taxe foncière. Ce n’est donc pas un hasard si plusieurs pilotes et ex-pilotes ont choisi d’y vivre, comme Lewis Hamilton, Max Verstappen et Jacques Villeneuve et son père, Gilles. Le Grand Prix de Monaco, connu pour son parcours urbain étroit, est couru chaque année, presque sans interruption depuis 1950.
Bahreïn
Dernière course : fin de semaine du 20 mars 2022
Sept fois champion du monde, le pilote Lewis Hamilton a dénoncé en 2021 les multiples abus des droits humains dans ce petit pays du Golfe. « Il y a des enjeux partout dans le monde, mais je ne crois pas que nous devrions aller dans ces pays et ignorer ce qui s’y déroule. » Le grand patron de la F1, Stefano Domenicali, a rejeté ces critiques en disant que ce n’était pas le rôle de la F1 de se mêler de ces enjeux. En 2011, la course a été annulée à cause de manifestations brutalement réprimées par le régime. Les années suivantes, il s’est déroulé de violentes manifestations, et des bombes ont explosé près du circuit, mais les courses ont quand même eu lieu.
Qatar
Retour prévu pour la saison 2023
La première édition, en 2021, a été dénoncée par des organismes défenseurs des droits humains, comme Amnistie internationale. Le Qatar et d’autres pays de la région sont accusés de « sportwashing », soit la pratique d’accueillir des événements sportifs d’envergure pour redorer leur image, particulièrement à cause des abus de droits humains et « d’esclavage moderne ». L’édition de 2022 a été annulée parce que la Coupe du monde de soccer aura lieu en 2022 dans ce petit émirat du Golfe. Il a toutefois été annoncé que les courses automobiles reviendraient pour 10 ans dès l’an prochain.
Émirats arabes unis
Prochaine course : fin de semaine du 18 novembre 2022
Cette monarchie du Moyen-Orient est tristement connue pour son mépris des droits humains. En 2021, Amnistie internationale déplorait notamment des détentions arbitraires, des traitements cruels et inhumains envers des personnes détenues, une répression de la liberté d’expression et des atteintes au respect de la vie privée. Cela n’empêche pas la F1 d’y tenir un Grand Prix depuis 2009.
Azerbaïdjan
Dernière course : fin de semaine du 10 juin 2022
Cet ancien pays de l’URSS a été maintes fois critiqué pour la violation des droits humains. L’organisation internationale Human Rights Watch a même qualifié la situation « d’épouvantable » dans un rapport de 2013. Avec des présidents de père en fils depuis 1993, l’emprisonnement et la torture de journalistes et d’opposants au régime, l’obstruction de la justice et la restriction de la liberté de presse, ce pays hôte de la F1 depuis 2016 n’a pas une feuille de route reluisante.
Arabie saoudite
Dernière course : fin de semaine du 25 mars 2022

Les droits humains dans cette monarchie sont constamment mis à mal, que ce soit à propos des droits des femmes ou de la liberté d’expression et d’opposition. Des défenseurs des droits humains, des personnes ayant critiqué le gouvernement et des militants y sont victimes de poursuites bidon les menant parfois en prison. C’est notamment le cas du blogueur saoudien Raif Badawi, dont la famille a immigré au Québec. Badawi a été condamné en 2012 à 10 ans de prison et 1000 coups de fouet en raison de son opposition au régime islamique saoudien. En 2021 et en 2022, plusieurs pilotes ont fait part de leur inconfort à compétitionner en Arabie Saoudite.

Russie
Aucune date de retour prévue pour l’instant
Le Grand Prix de Russie a été annulé en 2022 en raison de l’invasion de l’Ukraine, mais ce n’est pas d’hier que les droits humains sont bafoués au pays de Vladimir Poutine. Les libertés d’expression et de presse, notamment lorsqu’elles visent à s’opposer au Kremlin, sont pratiquement inexistantes. Les personnes issues des communautés LGBTQ+ sont souvent persécutées par l’État et leurs droits ne sont pas reconnus. Cette course a eu lieu de 2014 jusqu’à son retrait, en 2022.
Chine
Retour prévu pour la saison 2023
La mauvaise réputation de la Chine relativement aux droits humains n’est plus un secret. Torture et assimilation forcée à l’encontre de la minorité musulmane ouïgoure ; violation de la liberté d’expression à Hong Kong ; détention arbitraire d’étrangers comme les Canadiens Michael Spavor et Kovrig ; la liste des affronts à la dignité humaine est longue. Malgré tout, le drapeau à damiers a été brandi à Shanghaï chaque année entre 2004 et 2019.
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