La chance continue de sourire à Antoine Bertrand
Le film «Menteuse» prend l’affiche au Québec le 9 juillet.
Patrick Delisle-Crevier
Celui que l’on a pu voir dernièrement dans le film Mlle Bottine revient à l’écran avec le réalisateur Émile Gaudreault en reprenant son personnage de Phil dans le film Menteuse, la suite du film québécois à succès Menteur. C’est donc l’occasion idéale pour faire le point avec Antoine Bertrand sur près de 25 ans de carrière, sur ses 18 ans d’amour avec Catherine-Anne Toupin, sur son rôle dans STAT et sur ses petits bonheurs de la vie.
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Antoine, comment ça va?
Ça va merveilleusement bien. Je vis en ce moment un bel équilibre entre le travail et le repos, entre la ville et la campagne, entre les amis et mon besoin de solitude. Je trouve qu’il y a une belle harmonie dans tout ça, le tout se fait naturellement et ça contribue grandement à mon bonheur. Ce n’est plus un secret, je vais beaucoup vers l’autre dans la vie et je trouve que les gens sont généreux envers moi. Ils me donnent beaucoup d’amour et ça me rend heureux.
Tu le reçois comment, cet amour du public?
Je l’accueille pleinement et j’ouvre les portes bien grandes à ça. C’est important de remercier le public, d’être présent, ça fait partie du métier. Je carbure à tout ça et j’en fais des provisions pour quand je vais frapper «un bout de pain où il n’y a pas de saucisse» pour citer René Richard Cyr. On ne se le cache pas, dans la vie, il y a toujours des bouts où le hot-dog a moins de saucisse. Je profite donc pleinement de ces projets et mon baluchon de bonheur est bien rempli. Quand la vie m’enverra des petites tuiles, je vais pouvoir puiser là-dedans.
On m’a dit qu’aller faire l’épicerie avec toi, c’est une véritable épopée, tellement tu parles à tout le monde?
C’est vrai, je suis un «jaseux» et ce n’est pas toujours à cause des autres. Je suis un Québécois moyen, je regarde dans le panier des autres, je jase avec les gens et j’aime ça. Je dois même faire attention parce que comme je suis une personnalité publique, je tiens toujours pour acquis que ça va faire plaisir au monde de me jaser, mais ce n’est pas toujours le cas. Il y a des gens plus sauvages qui se foutent carrément d’Antoine Bertrand. (rires) Je dois donc apprendre à lire les signes et comprendre que lorsque la personne fait un trois quarts de tour dans la direction opposée de moi, c’est parce qu’elle ne veut pas me parler. (rires) Une chance que je suis connu un peu, parce que sinon, je serais assurément cette personne qui erre dans le centre d’achats à jaser à tout le monde.
Le film tant attendu du réalisateur Émile Gaudreault, Menteuse, sort en salle ces jours-ci. Parle-moi de ce long métrage, qui est la suite du succès Menteur dans lequel tu tenais le rôle principal?
C’est un plaisir de renouer avec Émile. Premièrement parce que tu ne peux pas refuser de refaire un bout de chemin avec ce gars-là. Je dis souvent que si nous étions aux États-Unis, dans un plus grand marché, il y aurait un cours à l’université sur Émile. Il a une grande maîtrise de la comédie. Ce n’est pas juste de savoir ou pas ce qui est drôle dans une scène, il connaît le concept scientifique de savoir ce qui fait rire les gens. Au-delà de tout ça, son humour est toujours bien accoté sur une émotion vraie et c’est probablement la raison première pour laquelle nous aimons ces films. Menteuse a été l’occasion de retravailler avec lui et cette suite est encore plus drôle que le premier film. C’est une belle lettre d’amour d'Émile au talent d'Anne-Élisabeth Bossé. Elle ment tellement que ça crée un véritable chaos. Et jouer en compagnie d’Anne-Élisabeth, c’est un plaisir! Elle me donne du gaz et je lui en donne en retour.
Dans une des scènes du film, tu danses de façon incroyable. Est-ce vraiment toi?
C’est vraiment moi! Ça m’a demandé un travail immense pour apprendre la chorégraphie. C’est certain que les gens sont surpris de me voir danser, car je n’ai jamais fait d’émissions de danse comme Le match des étoiles ou les Dieux de la danse. Mais j’ai quand même déjà dansé, j’ai une base de claquettes, de twist et de danse sociale. J’aime bien danser dans mes temps libres et je savais que j’en étais capable. Mais pour cette scène, c’était un style complètement différent: du hip-hop. Ç’a été un beau défi et j’ai adoré faire ça. J’avais aussi un super coach et un bon partenaire de danse. C’est le fun, mon métier, car ça m’amène à faire des affaires que je ne ferais jamais. Pour Mlle Bottine, j’ai suivi des cours de piano pendant un été entier. Ça me permet d’apprendre certaines choses que je ne ferais pas si je faisais un autre métier.
De quoi sera fait maintenant ton été?
Je recommence les tournages de STAT avec mon personnage de Raphaël St-Vincent. J’aime bien ce rôle! Quand j’ai reçu le synopsis du personnage par l’autrice Marie-Andrée Labbé — gars sûr de lui, arrogant et sympathique, charismatique et pince-sans-rire —, je me suis dit que je n’allais jamais être capable de jouer ça, je ne savais pas où aller puiser pour ce personnage... (rires) Je blague! Cette description me ressemble beaucoup. En même temps, ce n’est pas moi. Il a une arrogance que je n’ai pas. Disons que Junior Bougon et Raphaël Saint-Vincent n’ont pas étudié à la même place. C’est ça que j’aime de mon parcours, j’ai pu jouer sur tellement de gammes différentes. Je suis chanceux. J’aime le personnage de Raphaël, mais j’aime avant tout cette équipe-là. Je suis vraiment content de faire partie de cette belle gang dans laquelle je suis arrivé, au début, comme le petit nouveau de l’école.

Que peut-on dire de ton personnage dans cette prochaine saison?
Je pense qu’il sera plus présent dans la série et oui, une idylle est possible entre lui et le personnage de Geneviève Schmidt. Ils se sont donné un baiser torride dans l’ascenseur, mais je ne peux pas dire si ça débloquera sur quelque chose, parce que je n’ai pas encore lu les textes. J’ai très hâte de voir, mais je pense qu’à la suite des événements du dernier épisode, ce dernier aura quelques feux à éteindre à l’hôpital Saint-Vincent. Ce que j’ai aimé de ce personnage, c’est que les gens ne savaient pas trop s’ils devaient l’aimer et lui faire confiance ou pas. J'apprécie aussi le fait que beaucoup de jeunes viennent me parler de STAT, je me dis qu’il y a un avenir pour notre télévision.
Tu as près de 25 ans de carrière. On t’a découvert surtout avec ton personnage de Junior Bougon, quel regard projettes-tu sur ce personnage avec le recul?
Je trouve que c’était parfait pour moi, ce rôle, à l’époque, dans le sens où Antoine à cet âge-là et Junior Bougon était un match parfait. J’étais cowboy, cocky et j’avais besoin d’attention moi aussi. Les Bougons m’ont aussi donné une opportunité immense et je récolte encore aujourd’hui les fruits de ce projet. J’ai encore plein d’affection pour Junior Bougon. Le public aimait cette famille et à l’époque, nous sommes rapidement devenus des rock stars, des superhéros, parce que les gens pouvaient vivre une catharsis et dire, eux aussi, un gros «fuck you» au gouvernement. C’était la revanche du peuple, cette série.
As-tu la carrière que tu pensais avoir?
C’est beaucoup mieux que ce que je pensais au départ. Je pensais jouer seulement au théâtre. À l’école de théâtre, on avait un cours de jeu devant la caméra et je ne me trouvais pas bien bon. Mais, finalement, à force d’en faire, je me suis adapté au médium et je me suis ajusté en observant les autres. Je n’avais pas d’attente face au métier sinon celle de ne pas trop travailler. On te prépare à ça dans le métier, mais finalement, je suis parmi les chanceux qui travaillent beaucoup. Je pense aussi que ma charpente, mon corps me différencie et me démarque. Le danger aurait pu être de devenir le gros de service, mais non. Encore là, j’ai eu la chance de mon bord.
Crois-tu vraiment que c’est une question de chance?
Il y a beaucoup de chance dans mon métier. Il faut bien sûr saisir les chances que l’on te donne, mais ça en prend un minimum. Cet élément peut faire une grosse différence. Je suis le gars le plus chanceux au monde. Catherine-Anne pourrait te le dire, j’ai de la chance dans la vie. Elle me pend au bout du nez.
As-tu un exemple concret?
Dès que je lance quelque chose dans l’univers, ça arrive. Si je souhaite quelque chose, ça se produit. Dernièrement, je me suis dit que ce serait bien de jouer un rôle d’un bon gros méchant. Et boum! Le téléphone a sonné même pas une semaine après.
Que demanderais-tu à cette chance sur le plan personnel?
Je ne pourrais rien demander de plus sauf le statu quo. J’ai une perle rare dans ma vie, notre amour va bien, la santé va bien et la vie est belle. En même temps, vu que j’ai eu mon lot de balles courbes dans ma vie, ça rend la personne que je suis encore plus reconnaissant envers le bonheur que je vis. J’ai appris à travers les épreuves et je ne tiens jamais pour acquis ce bonheur.

Souhaitais-tu être en couple aussi longtemps avec quelqu’un dans ta vie?
Oui, parce que je suis un lover. J’aime être en couple et je ne suis pas un player. Je me sens à ma place avec Catherine-Anne, et je suis béni de l’avoir dans ma vie. On a de l’admiration mutuelle, beaucoup d’amour, un grand respect et aussi un respect de notre indépendance.
Catherine-Anne est une femme très indépendante. As-tu eu à te mettre à ce diapason ou c’était aussi naturel chez toi?
Je ne suis pas un dépendant affectif, je suis moi aussi un indépendant. Autant sur papier, nous deux, au premier coup d'œil, tu te dis que ça ne marchera pas, autant dans le concret, dans la vie, on est à la même place sur les choses importantes.
Tu es en tournée de promotion du film en ce moment, tu vas à la rencontre du public et des médias dans 10 villes de la province. Est-ce un exercice que tu aimes faire?
J’ai été plus discret pendant un long moment. Dès que je ne travaille pas, je me cache dans ma campagne. Avant, j’étais plus présent dans les médias. Maintenant, je le fais quand c’est nécessaire, mais ça me fait plaisir. Cette année, avec deux films à l’affiche back à back, je vais avoir été très visible dans l’actualité. Je vais donc prendre une pause après la tournée de promotion. Je suis de ceux qui croient qu’il faut se laisser le temps d’avoir de nouvelles histoires à raconter et se donner le goût de jaser à nouveau avec le monde. Si j’étais constamment dans cette effervescence, je me dessoufflerais, et ça ne me tenterait plus. L’autre côté d’Antoine, impatient et moins gentil, prendrait la place. Je n’aime pas cet Antoine. Donc, après Menteuse, je vais lever le pied et faire une pause de visibilité. Aussi, comme j’ai tourné quelques films en France, les gens avaient l’impression que j’avais déménagé là-bas. Pourtant, j’étais plus souvent à Saint-Zénon qu’à Paris!
Justement, parlons de Paris: comment ça se passe pour toi, là-bas?
Les gens pensent que j’enfile les films et que j’ai une grosse carrière là-bas. Pourtant, ça fait deux ans que je n’ai pas tourné en France. J’ai l’impression que ce chapitre-là est en fade out. Je vais probablement retourner là-bas une fois de temps en temps, mais tout ça a été pour moi une belle cerise sur le sundae, une belle occasion de rencontrer d’autres personnes et de raconter d’autres histoires. Ce fut aussi une belle façon de me mettre en danger. Aller me prouver ailleurs, ça m’a fait du bien. Je suis content des rencontres que j’ai faites là-bas et j’ai créé des amitiés qui resteront pour la vie. Mais, en fin de compte, comme je suis de nature à m'ennuyer, ça ne me déplaît pas qu’il ne se passe rien là-bas. Je suis bien avec mon monde ici.
Avais-tu lancé dans l'univers de travailler en France?
En réalité, j’ai demandé quelque chose de très précis: travailler avec les trois Gérard — Lanvin, Darmon et Depardieu —, trois monstres du cinéma français. Ma chance a fait en sorte que j’ai travaillé avec les deux premiers, mais pas le dernier, et j’en remercie le bon Dieu. Il y aurait eu un trop gros clash parce que je ne suis pas capable de voir quelqu’un d’odieux sans vouloir le remettre à sa place. Je ne pense pas que ça se serait bien passé entre Depardieu et moi. Ma bonne étoile m’a épargné ça.
Si je me promène avec toi sur les Champs-Élysées, est-ce que ça va créer une commotion?
Non, pas du tout, même que nous allons avoir la paix! En même temps, tu ne veux pas être une vedette en France. C’est mieux d’être une vedette à Montréal, c’est plus relaxe. Je n’ai pas atteint le statut de vedette en France et c’est correct. Je n’ai jamais eu de plan de carrière là-bas, je n’ai même jamais rêvé de faire carrière là-bas. Mes rôles sont arrivés comme un cadeau.
Et une carrière aux États-Unis, était-ce sur ta liste de rêves?
Ah, ça oui! Dans ma jeunesse, je rêvais d’être un acteur à Hollywood. Mes premiers héros étaient John Candy et Bud Spencer. Jeune, je m’en allais directement là-bas dans ma tête. J’avais la grande naïveté d’un enfant qui ne parlait pas un mot d'anglais. Je ne pense pas que j’arriverai un jour à maîtriser assez la langue pour jouer dans un projet entièrement en anglais. En même temps, si l’occasion se présente, je vais travailler fort pour réussir.
Tu es dans le dernier cycle de ta quarantaine, comment vois-tu la suite?
Mon père m’a toujours dit que la quarantaine, c’était le plus bel âge, parce que tu es moins jeune, moins con, et tu as plus de moyens. Je trace aussi un bilan assez positif dans le sens où j’ai un peu plus de jugement et de sagesse. Mais l’enfant en moi qui a fait des mauvais coups est encore bien présent. Un petit peu trop, même. (sourire)
Donne-moi un exemple de mauvais coup qui peut te passer par la tête?
Disons que je tourne sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler. Mais, souvent, on m’a demandé de ne pas le faire, parce que c’était bon pour le projet. Je pense entre autres aux Enfants de la télé, où mon humour grinçant était payant. Mais, dans ma vie, je dois retrouver ce réflexe et réfléchir avant de parler. Je pense que je le fais plus en vieillissant. Je me dis que je peux prendre deux secondes avant de répondre et que je ne suis pas obligé d’être drôle à tout prix. Ça reste un bonheur pour moi de faire rire, mais je dois doser mes propos, parfois.
Tu as été fou du roi à Tout le monde en parle, n’est-ce pas dangereux pour toi de te retrouver dans un tel contexte?
Je n’aurais jamais accepté de faire le fou du roi à l’émission si elle avait été en direct. Même si les réflexes de mon petit «sphincter mental» sont un peu plus aiguisés, c’est dangereux, le direct; une mauvaise blague est si vite lancée. Lors de ma participation, je savais qu’il y aurait du montage, et je faisais confiance à l’équipe. Je savais que si je demandais de retirer quelque chose, ça allait être fait. Mais chaque fois, j’étais à l’aise avec tout ce que j’ai dit. J’ai adoré mon expérience et j’aimerais le refaire, mais jamais en direct. Je n’ai rien à gagner et j’ai surtout beaucoup à perdre si je me fous un pied dans la bouche.
En terminant, que pouvons-nous te souhaiter pour la suite?
J’aimerais rejouer au théâtre avant mes 50 ans. Je n’ai pas fait de théâtre depuis Les intouchables, il y a 10 ans. Le théâtre me manque et j’aimerais en refaire. Je lance ça dans l’univers! Avec un peu de chance, le téléphone sonnera bientôt... (sourire)