La Caisse de dépôt devra verser près d’un million $ à Alfonso Graceffa, l’ex-patron de sa filiale Otéra Capital congédié pour des manquements à l’éthique
La Cour supérieure tranche toutefois que son congédiement était pleinement justifié


Jean-Louis Fortin
La Caisse de dépôt et placement du Québec devra verser près d’un million $ à l’ancien patron de sa filiale Otéra Capital, même si elle avait raison de le congédier en mai 2019 pour une série de manquements éthiques.
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Le bas de laine des Québécois vient d’être condamné par la Cour supérieure à payer la somme de 768 000$ à Alfonso Graceffa, révèle un jugement daté du 15 novembre dont notre Bureau d’enquête a obtenu copie. En y ajoutant les intérêts, c’est environ 940 000$ que touchera M. Graceffa.
La Caisse avait promis, lorsqu’elle a renvoyé celui qui était PDG de sa filiale de prêt immobilier commercial, qu’elle ne verserait «aucun sou d'indemnité des épargnes des Québécois à quelqu'un qui a rompu le lien de confiance par des manquements éthiques graves».
Mais le juge Andres C. Garin, de la Cour supérieure, a tranché que la Caisse devra verser à son ancien cadre diverses primes qu’elle refusait de lui octroyer en lien avec les années 2018 et 2019.
Congédiement justifié
Le magistrat souligne toutefois que le congédiement d’Alfonso Graceffa était justifié.
«Il a gravement manqué à ses obligations à titre d’employé et de cadre supérieur en acceptant 15 000$ en espèces, dans son bureau chez Otéra, d’un individu ayant un casier judiciaire pour trafic de stupéfiants», écrit-il.
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«Le fait par le plus haut dirigeant d’une filiale de la Caisse d’accepter une enveloppe remplie de milliers de dollars en argent comptant soulève des préoccupations manifestes d’irrégularités, de malversations et même de blanchiment d’argent», estime le juge, qui y voit une faute «intolérable compte tenu de l’importance cruciale de la confiance du public dans la probité et la fiabilité de la Caisse».
Lors du procès qui s’est tenu en mai dernier, Alfonso Graceffa avait expliqué avoir accepté l’enveloppe au nom de son frère, pour rembourser une dette en lien avec la compagnie de construction de ce dernier. Il avait assuré qu’il ignorait le passé criminel de l’individu qui lui a remis l’argent.
L’ex-PDG d’Otéra Capital réclamait plus de 8,3 M$ à son ancien employeur. Non seulement il estimait avoir été congédié injustement, mais il alléguait aussi que sa réputation avait été entachée par la Caisse dans le cadre de l’annonce de son licenciement.
La Cour supérieure rejette ces prétentions. Elle estime que «le processus suivi par [la Caisse] pour congédier Graceffa était implacable», mais que ce congédiement n’était «pas abusif».
La Caisse satisfaite
« Nous sommes satisfaits de ce jugement, qui confirme que le congédiement de M. Graceffa était justifié par des motifs sérieux» , a soutenu vendredi soir Kate Monfette, porte-parole de la Caisse.
L'institution insiste sur le fait que la somme qu'elle doit verser à son ex-cadre n'est pas une «indemnité de départ».
Questionné à savoir s’il avait l’intention d’en appeler de ce jugement, Alfonso Graceffa a fait savoir via son porte-parole qu’il « étudie le jugement et est en réflexion».
Alfonso Graceffa est l’une des quatre personnes renvoyées par la Caisse après une série de reportages de notre Bureau d’enquête, publiés au début 2019, qui mettaient en lumière plusieurs manquements à l’éthique.
Michael Sabia, alors PDG de la Caisse, avait qualifié d'«inacceptables» certains des manquements constatés.

Martine Gaudreau, une vice-présidente chez Otéra, avait notamment perdu son emploi, après que nous avons révélé qu’elle était en couple et en affaires avec un prêteur privé longtemps lié au clan mafieux Rizzuto.
L’enquête interne déclenchée par la Caisse à la suite de nos reportages a coûté 5 M$ et a aussi entraîné une modernisation du code d’éthique d’Otéra.
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