Deux poids, deux mesures à la Caisse de dépôt? Un ex-dirigeant congédié se dit victime d’une injustice
Alfonso Graceffa affirme que son renvoi d’Otéra était décidé d’avance


Jean-Louis Fortin
Deux poids, deux mesures à la Caisse de dépôt? L’ex-PDG d’une de ses filiales, congédié pour des manquements à l’éthique, souhaite un dédommagement de plus de 7 M$, notamment parce que l’organisation a été beaucoup plus clémente avec un autre cadre qui était en conflits d’intérêts.
«Il faut que la politique [concernant les conflits d’intérêts] soit uniformément appliquée à tous», a plaidé cette semaine Me Marie-France Tozzi en Cour supérieure, en conclusion d’un procès qui aura duré deux semaines et demie.
Son client, Alfonso Graceffa, qui dirigeait jusqu’en mai 2019 la filiale Otéra Capital de la Caisse, poursuit le bas de laine des Québécois pour congédiement injustifié et diffamation.
Me Tozzi a donné au juge Andres Garin l’exemple du chef des investissements chez Otéra, Paul Chin, qui détenait des parts dans un centre commercial de Lachenaie auquel Otéra a prêté près de 21 M$.
Contrairement à M. Graceffa, M. Chin n’a pas été congédié. La Caisse l’a plutôt sommé de liquider ses parts dans le Centre Lachenaie en février 2019, alors qu’elle faisait le grand ménage suite à une série de reportages de notre Bureau d’enquête concernant des conflits d’intérêts.
«M. Chin a bénéficié d’un plan d’action bonifié et modifié, en plein milieu de l’enquête. Essentiellement, on lui a offert de vendre ses intérêts, ce qu’il a fait. M. Graceffa, on ne lui a pas offert [cela]», a fait valoir l’avocate.

«Nonchalance extrême»
La Caisse, de son côté, affirme que la situation de Paul Chin est beaucoup moins sérieuse que celle d’Alfonso Graceffa.
«M. Graceffa a manqué de discernement en faisant de graves erreurs de jugement. Il s’est mis dans des situations d’apparence de conflits ou de conflits d’intérêts de façon répétée », a martelé l’avocat qui représente l’institution, Me Mason Poplaw, dans sa plaidoirie mardi.
La Caisse de dépôt reproche notamment à M. Graceffa d’avoir accepté une enveloppe de 15 000$ comptant de la part d’un individu au passé criminel dans son bureau de direction chez Otéra.
Elle affirme aussi qu’il n’a pas déclaré tous ses intérêts dans une firme de construction résidentielle dirigée par son frère, et dans des prêts qu’il consentait à titre personnel avec un partenaire d’affaires.
«Il a fait preuve d’une nonchalance extrême qui ne correspond pas à ce qu’on attend [d’un dirigeant]», selon Me Poplaw.
Décidé d’avance
Mais selon Me Tozzi, pour juger des actions de son client, il est important de se rappeler du «contexte» qui existait à l’époque. «C’était tout croche chez Otéra au niveau de la déontologie et de la gestion des conflits d’intérêts», a-t-elle déclaré.
L’avocate va même jusqu’à dire que le renvoi de Graceffa était décidé d’avance, car on l’a convoqué à la rencontre lors de laquelle il a été congédié avant même que le conseil d’administration d’Otéra ne passe au vote sur les mesures disciplinaires à prendre.
Le juge fera connaître sa décision dans les prochaines semaines.