La blague du siècle: voici un récit drôle et tendre sur un trio familial

Josée Boileau
Le frère de Louis est schizophrène, son père a un cancer, et ses rêves d’humoriste ne débouchent pas. Tout est désespéré ! Et il n’y a rien de triste à le constater.
Le nouveau roman de Jean-Christophe Réhel porte bien son nom : La blague du siècle. De fait, on s’y amuse ferme et on en est bien surpris tant la trame du récit est sombre à souhait.
Il est question d’un quotidien sans relief, en plein cœur de Pointe-aux-Trembles, quartier montréalais qui n’est pas réputé pour nourrir le romanesque.
Louis y habite avec Guillaume, son géant de frère à l’âme d’enfant et au comportement surprenant – surtout quand il ne respecte pas la médication que sa schizophrénie impose.
Sylvain, le père de Louis, complète le trio. Il souffre d’un cancer en phase terminale. Il a besoin de soins, que lui procurent ses fils. Mais il reste bien déterminé à trouver l’amour par l’entremise de Tinder !
Quant à Louis, mi-trentaine, il gagne sa vie comme caissier au Tim Hortons, tout en espérant percer comme humoriste. Et c’est assez mal parti : sa vie familiale lui gruge une énergie folle. Rien de rien ne se déroule normalement dans cette famille-là !
Un exemple : en pleine nuit, Guillaume déplace le frigo parce qu’il entend parler derrière – une voix de Chinois, précise-t-il. Il faut de toute urgence le remplacer par un frigo québécois, qui parle français, n’est-ce pas Louis ?
Sylvain tient pour sa part à recevoir seul ses nouvelles conquêtes alors qu’il tient à peine debout. Ça ne va pas sans dégâts.
Et il faut voir la folle tournée des hôpitaux dans laquelle Louis se lance quand il trouve l’appartement familial soudainement vide !
Comme si on y était
L’inquiétude surgit de partout, mais se mêle aux cocasseries. Celles-ci atteignent un sommet au salon funéraire, à la suite du décès de Sylvain. Le pire moment pour rigoler ! Et pourtant, on ne peut s’en empêcher.
La blague du siècle est la parfaite démonstration de la polyvalence de Jean-Christophe Réhel. L’homme est aussi poète, donc il a le sens de l’image, et il est l’auteur de la série télévisée L’air d’aller, donc celui du rythme.
Cela fait en sorte que les dialogues du livre sont d’une telle vivacité que c’est comme si on y était. Transcrire à l’écrit l’oralité de la langue québécoise est toujours une gageure, mais chez Réhel, cela coule de source.
De même, il sait trouver le détail inoubliable. Ainsi, pour honorer son père, Guillaume décide de porter le deuil à sa façon, en enfilant les pantalons blancs et la chemise rose de Sylvain. C’est trop petit, mais tant pis : « Les vêtements noirs, ça me déprime... ça, c’est lumineux », lance-t-il.
Ce qu’on respire sur Tatouine, le premier roman de Réhel, a connu un beau succès il y a quelques années. Son deuxième en mérite tout autant : tant de tendresse et tant de rires lient les personnages ! La brutalité du quotidien devient chaleur humaine. Ça marque.