La biographie que Tanya Bossy attendait depuis longtemps
Son père était gêné de parler de lui


Marc de Foy
Le lancement de la biographie de Mike Bossy aura lieu lundi. Sa fille cadette, Tanya, attendait ce moment depuis longtemps. Une version anglaise rédigée par un journaliste new-yorkais avait été publiée en 1988. C’était l’année suivant le départ à la retraite forcée du hockey de Bossy, à l’âge de 30 ans. Mais Tanya tenait à ce qu’un ouvrage sur la carrière et la vie de son célèbre père soit fait en français au Québec, là où tout a commencé.
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Elle aurait aimé que ça se réalise de son vivant, mais Bossy était réticent.
«Je l’ai achalé longtemps, raconte-t-elle.
«Chaque fois que je lui en parlais, il me répondait: “Ça me tente pas.” Quand il est tombé malade, des gens l’ont approché sans savoir que son état de santé était grave. Je voulais qu’il donne son accord, mais il n’était toujours pas entiché par l’idée. Je respectais ça. C’était sa vie, après tout.
«Il m’a dit que je n’aurais pas le temps de faire autre chose si je me lançais dans ce projet. C’est resté comme ça.»

Sur la même longueur d’onde
Le 15 avril 2022, une semaine avant le décès de Guy Lafleur, Mike Bossy était emporté par un cancer fulgurant du poumon. Il avait 65 ans.
En lisant les hommages écrits sur son père dans les journaux, Tanya a été touchée par un article de Mikaël Lalancette, journaliste du quotidien Le Soleil, qui a travaillé avec Bossy à TVA Sports.
«Je pense qu’il avait parlé à mon père du projet d’écrire un livre sur lui, indique-t-elle.
«On s’est rencontrés et ça a vraiment cliqué entre nous. J’ai été impressionnée par la biographie que Mikaël a écrite sur Georges Vézina. Il a le souci de l’histoire et des faits, il a une approche vraiment rigoureuse.
«Et, comme moi, il ne voulait pas que mon père soit oublié.»
Tanya a raison.
Sans avoir joué pour le Canadien, Bossy a été un des plus grands joueurs de hockey produits au Québec. Il a marqué 573 buts en 10 saisons avec les Islanders de New York. Encore là, sa carrière fut écourtée par des problèmes de santé.
Malgré un dos qui le faisait souffrir, Bossy a trouvé le moyen d’inscrire 38 buts en 63 matchs à sa dernière saison. Il n’avait que 30 ans.
Avant ça, il avait connu neuf saisons de 50 buts, et ce, consécutivement comme il le disait à sa fille pour être sûr qu’elle n’oublierait pas ce détail important.
Découverte de sa carrière
Tanya savait que son père a connu une carrière remarquable, mais elle ne la connaissait qu’en surface. Elle n’avait que 5 ans lorsqu’il a accroché ses patins.
Quand elle allait au Nassau Coliseum avec sa mère, Lucie, et sa sœur, Josiane, elle était plus intéressée par ses jeux dans la loge, où la famille prenait place, que par les exploits de son paternel sur la patinoire.
Normal à cet âge-là.
C’est en lisant la biographie de son père intitulée judicieusement 50 jours dans la vie de Mike Bossy, en rapport avec ses nombreuses saisons de 50 buts, que Tanya a pu retracer les grands moments de sa carrière.
Mais pourquoi était-il hésitant à en parler dans un livre?
«Mon père était un homme très réservé, répond Tanya.
«Il a remisé ses trophées, ses chandails et ses prothèses de rotules dans des boîtes. On n’avait jamais vu ça avant qu’un dégât d’eau nous oblige à déplacer tout ce qui se trouvait au sous-sol.
«Cette vie-là, il l’avait rangée. Il n’aimait pas parler de lui, ça le gênait. C’est peut-être ésotérique de penser ça, mais il savait peut-être qu’il manquerait de temps. Il ne voulait pas manquer une seconde pour les choses qui étaient vraiment importantes pour lui.»
Les cinq femmes de sa vie
Ce qui lui tenait le plus à cœur, c’était les cinq femmes de sa vie, son épouse, Lucie, qu’il a connue alors que les deux n’avaient que 14 ou 15 ans, ses filles, Josiane et Tanya, ainsi que ses petites-filles, Alexe et Gabrielle.
On peut dire qu’il y en avait même six puisque sa mère, Dorothy, a habité chez lui à Rosemère jusqu’à ce qu’elle aille rejoindre son mari, Borden, décédé à l’âge de 60 ans seulement..
Tanya pense que son père se sentait coupable d’être éloigné de sa famille quand il jouait avec les Islanders.
«Quand il s’apprêtait à partir en voyage, il nous achetait plein de choses, se rappelle-t-elle.
«Il était tellement obsédé par son jeu, les matchs, les entraînements qu’il s’en voulait peut-être.»
Bossy a rattrapé le temps perdu avec sa famille lorsqu’il est rentré au Québec après avoir inscrit le dernier de ses 85 buts dans les séries de la Coupe Stanley, en 1987. En 2010, il a fait bâtir une maison pour Tanya et ses deux filles à côté de la sienne.
«Il s’impliquait vraiment auprès de mes enfants, continue Tanya.
«Il profitait de chaque moment qu’il avait pour faire des activités avec elles. Il pouvait les accompagner à un entraînement de soccer à huit heures le samedi matin à 50 kilomètres de chez nous.
«C’était un homme intense dans tout ce qu’il faisait. Il a été là pour nous tant qu’il a pu.»
. 50 jours dans la vie de Mike Bossy. Édition de l’homme, 316 pages. Écrit par Mikaël Lalancette en collaboration avec Tanya Bossy.