L’extrême droite aux portes du pouvoir: voici cinq choses à retenir des élections françaises
Le président Emmanuel Macron est en voie de perdre son pari aux mains du Rassemblement national après avoir lui-même déclenché des élections

Olivier Faucher
L’extrême droite est aux portes du pouvoir en France, où tout indique que le Rassemblement national de Marine Le Pen pourrait remporter les élections législatives au deuxième tour dimanche prochain, ce qui ferait subir un échec cuisant au parti du président actuel Emmanuel Macron. Voici ce qu’il faut savoir.
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Le RN en bonne posture
Le Rassemblement national (RN), de Marine Le Pen, a terminé en tête du premier tour des législatives dimanche dernier, avec plus de 33,1% des voix, devant la coalition de gauche Nouveau Front populaire (28%) et le parti centriste Ensemble, d’Emmanuel Macron (20,8%).
Signe de l’importance de ces élections, le taux de participation a atteint un niveau jamais vu depuis 1997 avec 67,5%.
«Le RN est en bonne position pour finir premier dimanche soir [au deuxième tour]. Ce serait hyper surprenant qu’il rétrograde en deuxième place», soutient Julien Tourreille, chercheur en études stratégiques et diplomatiques à la Chaire Raoul-Dandurand.

Dans une ultime tentative de barrer la route à l’extrême droite, une centaine de candidats de gauche ou du camp de Macron se sont désistés lundi afin que le vote d’opposition au RN soit concentré sur un seul candidat dans ces circonscriptions, selon un décompte de l’AFP.
Des résultats bien différents au Québec
Au Québec, où près de 13 000 citoyens français ont voté via internet où à l’urne à Montréal, le Nouveau Front populaire est arrivé en tête avec 56,3% des voix, suivi d’Ensemble (22,5%) et du Rassemblement national (9,9%).

Les électeurs installés ici votent toutefois pour un candidat représentant tous les Français en Amérique du Nord. À cette échelle, c’est le candidat d’Ensemble qui l’a emporté avec 38,8%.
Les Français vivant à Montréal, parmi lesquels on compte beaucoup d’étudiants, ont historiquement appuyé la gauche lors des élections.
- Écoutez la chronique de Philippe Lorange avec Alexandre Moranville via QUB :
Le pari risqué (et raté) de Macron
Emmanuel Macron pourrait subir dimanche un cuisant revers au terme d’une course qu’il a lui-même déclenchée le 9 juin dernier, lorsqu’il a dissous l’Assemblée nationale.

Il venait alors de perdre les élections européennes au profit du RN et a fait le pari risqué d’exploiter les divisions dans la gauche et de former un nouveau barrage pour contrer l’extrême droite en déclenchant de nouvelles élections, selon l’analyse du média France 24.
Les résultats du premier tour confirment «l’échec» de ce pari, croit Julien Tourreille.
La normalisation de l’extrême droite
Dimanche prochain pourrait être une journée historique avec l’arrivée du parti de Marine Le Pen aux commandes du gouvernement pour la première fois chez nos cousins français.
Le Rassemblement national croit notamment que la civilisation française est mise en danger par la «submersion migratoire» et propose des mesures drastiques pour y remédier, comme la facilitation d’expulsion des étrangers délinquants ou en situation irrégulière et la réservation des allocations familiales aux Français.
Son arrivée au pouvoir serait également l’aboutissement de la normalisation d’un parti qui était encore infréquentable il y a une vingtaine d’années, fait valoir Julien Tourreille.
«En 2002, il y avait cet effroi de voir Jean-Marie Le Pen [fondateur du parti] qualifié au second tour. Depuis une dizaine d’années, le fait que la candidate du RN [Marine Le Pen] soit au second tour ne suscitait plus d’effroi ni de surprise.»
Comment donc expliquer sa popularité actuelle? «Il capitalise sur l’incapacité de la gauche traditionnelle de se soucier de préoccupations de l’électorat populaire comme le pouvoir d’achat, l’immigration, des effets de la mondialisation», soutient M. Tourreille.
- Écoutez l'entrevue avec Rachel Binhas, journaliste chez Marianne en France au micro d’Alexandre Moranville via QUB:
Quel impact sur la politique française?
Une victoire du RN pourrait déplacer le centre de gravité de la politique française du président vers l’Assemblée nationale, car le parti d’Emmanuel Macron n’aurait plus le contrôle de celle-ci.
«Le président serait en retrait, comme on voit en Italie et en Allemagne, et assurerait des fonctions de représentation à l’étranger en se posant en garant des institutions. Il est moins impliqué dans le jeu politique au jour le jour, car il ne dirige pas le gouvernement», explique M. Tourreille.
Une telle «cohabitation» entre un président et une assemblée appartenant à deux partis différents a déjà bien fonctionné à plusieurs reprises dans le passé, mais jamais avec un parti d’extrême droite d’impliqué, ajoute le chercheur
En outre, le RN ne pourrait pas nécessairement instaurer toutes ses idées anti-immigration, car plusieurs d’entre elles pourraient être déclarées illégales, souligne l’expert.
«Il y a des choses qu’ils ne peuvent pas légalement faire comme renvoyer des sans-papiers chez eux. La règle de droit internationale fait que vous ne pouvez pas renvoyer quelqu’un dans son pays d’origine si ce dernier n’est pas d’accord pour le recevoir», conclut M. Tourreille.
– Avec l'AFP
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