Victoire du Rassemblement National au 1er tour en France: qu’est-ce que l’extrême droite?

Gabriel Ouimet
Le Rassemblement National est arrivé en tête du premier tour des élections législatives en France, dimanche. Alors que les autres partis vont tout faire cette semaine pour lui barrer la route, des questions se posent: qu’est-ce que l’«extrême droite»? Le RN peut-il vraiment être qualifié de parti «d’extrême droite»? On fait le point.
33% des suffrages
Avec plus de 33% des suffrages et 10,6 millions de voix, le Rassemblement National (RN) et ses alliés obtiennent leur meilleur score au premier tour d’un scrutin. Le parti a fait élire 39 députés, à commencer par sa figure de proue Marine Le Pen.
Le Front populaire, qui réunit les formations de gauche, s’est octroyé près de 28% des suffrages et compte déjà 32 élus.
Le camp présidentiel d’Emmanuel Macron confirme la déroute des élections européennes et arrive en troisième position avec seulement 20%.
Le RN a demandé aux Français de lui donner dimanche prochain une majorité absolue au second tour, qui sera «l’un des plus déterminants de toute l’histoire de la Cinquième République» française, fondée en 1958, a lancé le jeune président du RN, Jordan Bardella.

Les Français «ont rendu un verdict sans appel», s’est réjoui dimanche soir le jeune homme de 28 ans.
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Le RN est-il un parti d’«extrême droite»?
L’expression «extrême droite» est souvent utilisée dans le but de discréditer des partis ou des politiciens en les associant, de manière plus ou moins fondée, «avec le fascisme italien et le nazisme allemand», souligne d’emblée Julien Tourreille, chercheur en études stratégiques et diplomatiques à la Chaire Raoul-Dandurand.
Pour le chercheur, il n’y a toutefois pas de doute: le RN appartient à l’extrême droite. La formation politique de Marine Le Pen met de l’avant des politiques qui sont associées à ce courant et adhère à ses idées. Il en énumère quatre.
1) L’immigration comme une menace à l’identité
«Notre civilisation peut mourir si nous ne reprenons pas rapidement le contrôle de notre politique migratoire. Elle peut mourir parce que la submersion migratoire aura changé notre culture, sans retour en arrière possible.»
Ces mots sont ceux du président du RN, Jordan Bardella, qui pourrait bientôt devenir premier ministre de la France. Dans cette déclaration, le politicien exprime une idée forte du RN (et de l’extrême droite), celle que l’immigration serait une menace à l’identité de la civilisation française.
«Il y a cette vision d’un peuple qui serait une entité homogène et qu’il faudrait conserver ce caractère uni sur des bases raciales, historiques, traditionnelles. Il faudrait protéger la société face à des vagues migratoires qui changeraient la composition et l’identité de la société», explique Julien Tourreille.
Le chercheur rappelle également que le RN défend le principe de «préférence nationale», selon lequel les citoyens d’un pays devraient être privilégiés par rapport aux étrangers en matière de logement, d’emploi, de soins de santé et d’éducation.
2) Le racisme comme moteur
Jean-Marie Le Pen, le père de Marine Le Pen et le fondateur du Front national, devenu Rassemblement National, était ouvertement raciste et antisémite. Même s’il ne dirige plus le parti, son héritage ne peut être ignoré, affirme Julien Tourreille.
«Le RN compte encore beaucoup d’électeurs et de dirigeants racistes, particulièrement envers les communautés arabes et noires musulmanes», précise le chercheur, tout en rappelant que le racisme est lié à l’extrême droite.
En janvier dernier, un député du RN a d’ailleurs été accusé de racisme. En parlant du sort des migrants qui arrivent par bateau en Europe, il avait lancé ceci: «Qu’ils retournent en Afrique!».

3) L’État doit se mêler de la justice
Pour le Rassemblement National, le meilleur moyen de rendre la France plus sécuritaire est d’accroître le rôle de l’État dans le système de justice.
«Ils veulent une justice beaucoup plus sévère, avec une prise de contrôle du pouvoir politique sur la magistrature. Un peu comme on a vu en Hongrie avec Viktor Orban [ou] comme aimerait faire Trump s’il était élu aux États-Unis», illustre Julien Tourreille.
Une telle volonté remet en question le principe de la séparation des pouvoirs politique et judiciaire, au centre de nos démocraties.
Les élus du RN voudraient également qu’il y ait plus de policiers dans les rues de la France pour mener «plus d’actions basées sur le profilage racial dans les quartiers sensibles», avance le chercheur.
4) Le contrôle de la presse et des journalistes
Des membres influents du RN, Marine Le Pen en tête de file, n’hésitent pas à alimenter la méfiance d’une partie de l’électorat envers les médias pour gagner des points.
«Ils le disent assez clairement qu’ils veulent mieux contrôler les journalistes. Ils veulent que les journalistes répondent plus de leurs actions et ainsi tirer profit de l’électorat antimédia et antiélite», soutient Julien Tourreille.
− Avec l’AFP