Vivre un amour fou dans le monde mystérieux des sous-marins: la romancière Emmanuelle Favier explore cette histoire émouvante dans «Écouter les eaux vives»


Marie-France Bornais
Autrice du best-seller multiprimé Le Courage qu’il faut aux rivières, l’écrivaine française Emmanuelle Favier renoue avec la veine romanesque dans un nouveau roman où la mer est témoin d’une passion dévastatrice, Écouter les eaux vives. Adrian Ramsey, une «oreille d’or» à bord d’un sous-marin, tombera sous le charme d’un aveugle qui vient d’emménager en Bretagne, Abel Lorca. Et son monde va chavirer.

Dans un sous-marin nucléaire de la Royal Navy, Adrian Ramsey a pour mission d’écouter et de décrypter les bruits des profondeurs. Pendant des mois, elle est isolée du reste du monde, enfermée dans le cylindre de métal, à l’affût de la moindre anomalie.
Un jour qu’elle est à terre, par une sorte de hasard dont le destin a le secret, Adrian fait la rencontre d’Abel Lorca, un aveugle. Il vient d’emménager en Bretagne, au bord de la mer.
Entre eux, c’est le coup de foudre. Une passion dévorante et dévastatrice va les unir, qui les mènera des rives de l’Atlantique jusqu’aux plages de la Méditerranée. Un amour fou et une relation compliquée, difficile, vouée à l’échec.
Rencontrer une oreille d’or
Cette histoire s’est présentée à Emmanuelle Favier de manière tout à fait inusitée, alors qu’elle discutait avec les visiteurs d’un salon du livre de Bretage où elle était invitée.
«Je discutais avec un couple et le monsieur m’a dit qu’il était moniteur de plongée, mais qu’avant, il avait été oreille d’or. Cette expression m’a fascinée. Je lui en ai demandé un peu plus et finalement, je me suis passionnée pour le monde des sous-marins, qui est absolument improbable.»
Une vie hors du monde
«A priori, je n’avais aucune relation avec le monde militaire et le monde des sous-marins. Un peu avec la mer, un peu avec le bateau, mais pas plus que ça. J’ai complètement embarqué dans cet univers si particulier, si singulier de gens qui vivent à la fois cachés dans une espèce de vie hors du monde et en même temps qui sont au cœur d’un dispositif de sécurité mondiale complètement délirant.»
Emmanuelle Favier s’est lancée dans les recherches, puis dans un second temps, a exploré les chemins obsessionnels qui sont les siens, ajoute-t-elle, sur la question de la liberté, de la place qu’on s’attribue dans le monde et de l’appartenance, qui sont ses thématiques habituelles.
Des entrevues et des visites
Elle a interviewé une dizaine de sous-mariniers, d’anciens sous-mariniers et des gens qui avaient de l’expérience du sous-marin. «En France, trois sous-marins sont transformés en musée et j’en ai vu un aussi en Angleterre. Et j’ai eu la chance de visiter un sous-marin qui est encore en activité, à Toulon, qui s’apprêtait à partir pour sa dernière patrouille.»
Elle a fait la demande pour plonger avec un équipage, mais ça n’a pas été possible. «Ce qui était très étrange, c’était que je me sentais bien dans cet endroit pourtant très technique, avec des câbles partout, où ça ne sent pas très bon et où c’est extrêmement étroit, évidemment.»
«Il y avait quelque chose de très rassurant, bizarrement, dans ces atmosphères confinées où chacun est à sa place et sait quel rôle il a à jouer. Je crois que c’est ça qui m’a beaucoup marquée.»
La vue et l’ouïe
L’écrivaine a donné beaucoup de place aux sens, en particulier l’ouïe et l’odorat, dans ce roman d’une grande originalité. En cours d’écriture, elle est allée marcher au bord de la mer en fermant les yeux, pour recréer les promenades d’Abel. «C’est une expérience à faire et j’invite tout le monde à le faire. Très vite, on a peur, on dévie complètement. C’est encore plus compliqué quand c’est dans la rue, en ville.»
Écouter les eaux vives
Emmanuelle Favier
Éditions Albin Michel
Environ 250 pages
- Emmanuelle Favier est romancière et poétesse française.
- Elle a publié trois romans chez Albin Michel: Le courage qu’il faut aux rivières (prix Révélation de la SGDL, prix de la Fondation Prince Pierre de Monaco), Virginia et La Part des cendres.
- Elle a vécu au Québec pendant plus d’un an, en 2006, et a très hâte de revenir.
«La première fois qu’Adrian Ramsey avait mis pied à bord d’un sous-marin, elle avait eu la nette sensation de pénétrer un corps vivant, une matrice dont la grande respiration métallique la ramenait à l’origine de tout. L’atmosphère moite, bourdonnante l’avait immédiatement happée, de même que cette impression de langueur sensuelle qu’elle associerait toujours à la vie confinée.»
– Emmanuelle Favier, Écouter les eaux vives, Éditions Albin Michel
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