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L'article provient de Le Journal de Québec
Culture

Jean-Pierre Ferland vu par les femmes qui ont marqué sa vie

Photo : Bruno Petrozza / Les Pu
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Félix Desjardins

2024-05-26T04:00:00Z
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Le regretté Jean-Pierre Ferland n'a jamais caché son amour pour la gent féminine. Le Journal est allé à la rencontre de certaines des dames les plus influentes de sa vie et, incidemment, de la culture québécoise, pour qu'elles nous racontent le petit roi qui a toujours voué une admiration et un respect profond pour les femmes en son royaume. 

• À lire aussi: Jean-Pierre Ferland et les femmes: un gentilhomme qui chantait pour les conquérir

• À lire aussi: «Jean-Pierre, c’était un grand homme, il prenait beaucoup de place dans ma vie» – Julie Anne Saumur

Une amitié de plus de 50 ans

Dominick Gravel/Agence QMI
Dominick Gravel/Agence QMI

Judi Richards en était à ses premiers étés montréalais lorsqu’elle a eu l’opportunité de faire partie du chœur qui colore l’album Soleil, en 1971. «J’ai passé la nuit à chanter Si on s’y mettait», se souvient l’artiste multidisciplinaire torontoise.

Leur collaboration s’est poursuivie quelques années plus tard dans le cadre d’un spectacle présenté à la Place des Arts. Se souvenant que Judi Richards était danseuse avant d’être chanteuse, M. Ferland lui avait demandé de «danser une improvisation [portant] sur la libération de la femme», rien de moins.

«J’étais très jeune et j’avais eu l’audace de tourner autour de lui pendant qu’il chantait et quasiment de lui pogner les fesses, se remémore-t-elle, rieuse. En fait, il y a un soir où je l’ai fait pour le fun, pour qu’il rie.»

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Par l’entremise de nombreux autres projets, Judi Richards a découvert l’autre facette du petit roi: celle d’un homme en constante remise en question. Durant la tournée qui a suivi la publication de Bleu, Blanc, Blues, en 1992, elle en était particulièrement consciente.

«Jean-Pierre était inquiet et il ne se sentait pas à la hauteur, souligne-t-elle. Monique Fauteux et moi, on lui disait: “T’es beau, t’es bon, t’es capable, tu chantes bien”. Des fois, avant les spectacles, on lui faisait les cheveux pour qu’il se sente bien. Toute sa vie, il avait ce complexe de ne pas avoir une assez bonne voix.»

«C’était tout un beau personnage qui était non seulement capable d’écrire de belles chansons, mais aussi de les chanter de manière exceptionnelle.»

La chanson de Ferland qui a marqué Judi Richards: T’es belle 

«Un allié sur scène»

Courtoisie Louise Portal
Courtoisie Louise Portal

En 1984, Jean-Pierre Ferland s’est entouré de trois femmes pour célébrer et reprendre les grands succès québécois des 50 années précédentes. Louise Portal, Marie-Claire Séguin et Nanette Workman ont aidé le petit roi à mettre au monde Du gramophone au laser.

«C’est Jean-Pierre qui avait eu l’idée de ce spectacle-là, se souvient Louise Portal, qui l’a d’abord côtoyé sur le plateau de l'émission de variétés Station Soleil. On a fait, tout un été, des scènes en plein air. Chacune, on avait nos solos pour chanter des chansons avec lui. Il savait s’entourer.»

«Il nous mettait beaucoup en valeur et en lumière, ajoute Marie-Claire Séguin. Il n’en prenait pas juste pour lui. C’était vraiment un allié sur scène.»

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Ces deux grandes dames de la culture québécoise gardent le même souvenir de M. Ferland: un homme altruiste, passionné... et surtout un grand farceur.

«J’ai toujours été émue par son autodérision, enchaîne Marie-Claire Séguin. On le trouvait charmeur, mais il était toujours capable de rire de lui-même.»

«Il était ricaneur, il était joyeux, complète Louise Portal, un trémolo dans la voix. Il avait beaucoup d’humour. Ça m’émeut. C’est un grand auteur-compositeur qui avait une personnalité unique.»

D’un point de vue artistique, la moitié de l’ex-duo Séguin a toujours été épatée par le «moteur de fond» du Montréalais.

«Ce qu’il a fait avec Jaune, la façon dont il se remettait en question... il avait un pif incroyable pour sentir ce qui se passait autour. Il était capable de se renouveler comme un phénix.»

La chanson de Ferland qui a marqué Louise Portal: Ton visage 
La chanson de Ferland qui a marqué Marie-Claire Séguin: Un peu plus haut, un peu plus loin 

De fan finie à collaboratrice 

Courtoisie Luce Dufault
Courtoisie Luce Dufault

Avant de collaborer pour la première fois avec lui, Luce Dufault était déjà une fan finie de Jean-Pierre Ferland. «Je l’écoutais bien avant de le rencontrer. C'est fou quand même. Dans ce métier-là, c'est ça qui arrive. On finit par se ramasser sur la scène avec les gens après qui on a couru après un show pour essayer d'aller les voir en coulisses!»

«C’est dur de parler au passé. Il était tellement généreux et amoureux de cette musique qui l’habitait.»

Luce Dufault est une des 11 femmes ayant reçu l’appel de Jean-Pierre Ferland pour participer au projet Toutes les femmes de ma vie, paru en 2018, et l’a accompagné à nouveau lors du spectacle Quand on aime on a toujours 20 ans, trois ans plus tard.

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Même s’il pouvait être naturel de se sentir intimidé en la présence d’un des plus grands paroliers de la francophonie, elle assure qu’il faisait toujours tout son possible pour dissiper ce sentiment.

«Il nous portait toujours bien haut, explique-t-elle. C’était important pour lui qu’on ressente qu’il nous faisait cette fleur-là.»

La chanson de Ferland qui a marqué Luce Dufault: Avant de m’assagir 

Un coup de foudre musical

JEAN-FRANCOIS DESGAGNES/JOURNAL
JEAN-FRANCOIS DESGAGNES/JOURNAL

La relation entre Florence K et Jean-Pierre Ferland était peut-être strictement professionnelle, mais leur passion commune pour la musique les a liés d’une façon unique pendant presque 15 ans de collaboration.

«Chaque fois que j'ai travaillé avec lui, il y avait une complicité, une connivence dans notre façon de percevoir la musique, dans le rôle que la musique avait dans nos vies, de la façon dont on la ressentait», estime celle qui a vu le jour presque 50 ans après M. Ferland.

En 2009, tandis que sa carrière en était à ses balbutiements, Florence K a reçu un appel inattendu de la regrettée Francine Chaloult, «sa deuxième mère», qui s’occupait des relations de presse de M. Ferland. Avec émotion, elle apprenait qu'elle était invitée à participer à l’album de duos Bijoux de famille. Le courant est passé instantanément en enregistrant la pièce La musique.

«Je suis arrivée en studio et je me suis mise à jouer ma version piano-voix, à chanter ce que j’avais préparé pour la chanson, se remémore-t-elle. Jean-Pierre a tout simplement embarqué avec moi. Il est entré dans le studio, il a pris un micro, s’est mis derrière moi et on a enregistré la chanson en une ou deux shots. Ça coulait tellement.»

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L’auteure-compositrice-interprète a pu jouir de cette complicité transcendante une dernière fois dans le cadre du spectacle Toutes les femmes de ma vie, en 2019.

«Je me souviens que je faisais une pièce au piano et je pense qu’il aimait vraiment quand je jouais. Il était venu me voir, s’était assis sur le banc à mes côtés. Il trippait et moi aussi.»

La chanson de Ferland qui a marqué Florence K: La musique 

«Un des plus grands de notre pays»

PHILIPPE-OLIVIER CONTANT/AGENCE QMI
PHILIPPE-OLIVIER CONTANT/AGENCE QMI

Diane Tell a côtoyé pour la première fois Jean-Pierre Ferland quand «elle était toute petite», parce que son père avait l’habitude d’inviter les artistes qui donnaient des concerts à Val-d’Or à prendre l’apéro.

Quelques décennies plus tard, l’auteure-compositrice-interprète a appris qu’il désirait chanter à sa façon la classique Si j’étais un homme, en ne modifiant qu’un seul mot des paroles.

«Il voulait chanter Si j’étais “ton” homme, se souvient-elle. Je suis tombée en bas de ma chaise. C’était vraiment une idée d’auteur. J’étais extrêmement flattée.»

Le plaçant sur un pied d’égalité avec Félix Leclerc parmi les «plus grands de notre pays, de notre culture», Diane Tell exprime un désir profond de voir Jean-Pierre Ferland être apprécié à sa juste valeur en France.

«Plamondon, Charlebois, Vigneault, Félix, tous ces gens sont très connus en France. C'est difficile à comprendre en fait. Pourquoi en France, on ne connaît pas bien le répertoire de Jean-Pierre, et sa carrière, et ce qu'il a fait? J'espère peut-être que moi-même, je pourrais un jour mettre en valeur ses chansons à lui.»

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La chanson de Ferland qui a marqué Diane Tell: T’es mon amour, t’es ma maîtresse

Un grand frère protecteur

Joël Lemay / Agence QMI
Joël Lemay / Agence QMI

«J’étais chez lui et on prenait un verre, et il m’a dit: “Je dois te dire quelque chose. J’avais assez peur d’aller te parler au début. Tu te voyais pas rentrer sur scène? Tu étais comme un lion qui sortait de sa cage!” Jean-Pierre Ferland qui avait peur d’une femme? Je n’en revenais pas, c’était assez drôle!»: Laurence Jalbert a développé un lien fraternel avec le petit roi à partir du début des années 1990 et a eu le plaisir de partager la scène avec lui à d’innombrables reprises.

«Jean-Pierre, c’est la vérité. C’était quelqu’un de tellement vrai. Et quand il n’aimait pas quelqu’un, je peux te dire que les oreilles de la personne devaient siler! Il n’aimait pas les voix qui ressemblent à toutes les autres.»

Il vouait une admiration au timbre unique de Laurence Jalbert et était particulièrement ému de l’entendre interpréter Une chance qu’on s’a. Dans un spectacle aux Francofolies, auquel elle avait participé malgré sa grossesse à risque, elle devait partager le micro avec M. Ferland... mais il ne l’a jamais rejointe sur scène. «Il avait son veston jaune et était assis sur le bord de la scène, se souvient-elle. Il pleurait tellement. Je chantais cette chanson en pensant à l’enfant qui était le dernier que je portais de ma vie, et il le savait aussi.»

Sa grande sensibilité était palpable lorsqu’il parlait aux femmes. Certes, il était séducteur, mais il n’était pas pour autant macho. Laurence Jalbert l’a d’ailleurs déjà entendu remettre à l’ordre un chanteur qui multipliait les commentaires déplacés. «C’était un homme respectueux qui ne faisait jamais, jamais preuve d’indécence. C’était un grand frère protecteur.»

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La chanson de Ferland qui a marqué Laurence Jalbert: Une chance qu’on s’a

«Il nous aimait du bout des lèvres»

Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUEBEC
Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUEBEC

Très tôt dans sa carrière, Isabelle Boulay a eu «la chance inouïe» de pouvoir compter sur Jean-Pierre Ferland comme un mentor. «Il m’a prise sous son aile et a toujours eu beaucoup d'affection et de tendresse pour moi. C’est quelqu’un qui m’a appris à faire mon métier sans nécessairement me donner des conseils», résume-t-elle, ajoutant qu’elle a toujours été inspirée par son équilibre entre la passion et la désinvolture et sa plume «extatique».

«ll m’a enseigné, un peu sans le savoir, à triompher des peines d’amour. Il était profondément humain et savait rire de ses plus grandes peines.»

La fierté de Sainte-Félicité a fait écho aux nombreux témoignages de femmes ayant entouré M. Ferland, le décrivant comme une personne qui aimait passionnément, mais toujours de façon délicate.

«Il nous aimait du bout des lèvres, soutient-elle. Il ne se sentait pas menacé par la présence des femmes, au contraire. Ça le rendait meilleur et il devenait pimpant. Si une fille arrivait à côté de lui, c’est comme s’il prenait deux ou trois pouces de plus. Et il écrivait de façon très, très sensuelle, sans jamais être vulgaire.»

Le génie de M. Ferland résidait dans l’innocence et la candeur qui ne l’ont jamais quitté, complète Isabelle Boulay.

«Pour moi, il n’a jamais vieilli. Il a toujours eu l’œil d’un gamin. Il y a toujours eu le même Jean-Pierre, le petit Jean-Pierre. C’est le petit roi. C’est ça qui est beau, aussi: il n’est pas venu au monde avec une couronne, il est allé la chercher.»

La chanson de Ferland qui a marqué Isabelle Boulay: Que veux-tu que je te dise

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