Un ex-itinérant qui a connu l’enfer de l’héroïne aide aujourd’hui des milliers de personnes


Marianne Langlois
Un ex-itinérant de 37 ans qui a connu l’enfer de l’héroïne dans les rues de Montréal a complètement repris sa vie en main et aide aujourd’hui des milliers de personnes à éviter l’insécurité alimentaire partout au Québec.
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Mael Lalancette, fondateur de l’initiative Croc bouffe, un OBNL qui lutte contre la détresse alimentaire, a vécu une dizaine d’années dans les rues entre l’adolescence et l’âge adulte. Il a accepté la demande d’entrevue du Journal dans le but de faire de la prévention et pour prouver qu’il est possible de s’en sortir, même après avoir touché le fond.
« Premièrement, il faut savoir que relativement jeune, j’ai été mis en centre d’accueil et à l’adolescence, j’étais vraiment frustré contre tout, j’avais beaucoup d’agressivité », explique celui qui a habité chez sa grand-mère entre 15 et 17 ans. Il est ensuite retourné en centre d’accueil, où il a commencé à consommer toutes sortes de drogues, dont du cannabis, du GHB et du speed.
« Un jour, il y a un jeune en centre m’a demandé si je voulais quelque chose qui allait vraiment me calmer, puis il m’a donné de l’héroïne », explique celui qui est devenu accro à cette drogue dure avant même d’atteindre la majorité.
- Écoutez l'entrevue avec Chantal Montmorency, directrice générale de l’Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues et membre de la Coalition Montréal sans surdoses à l’émission d’Alexandre Dubé via QUB radio :
Pendant les quatre années qui suivirent, il s’est promené entre les centres d’accueil, les foyers de groupe et les appartements supervisés de différentes villes du Grand Montréal avant de se retrouver à la rue.
À 21 ans, il a fait une « micro-overdose » d’héroïne. Il s’est réveillé trois jours plus tard et a découvert « ses deux frères de rue » morts à côté de lui. Un choc, qui lui a fait cesser de consommer de l’héroïne. Il a tout de même continué à boire et à prendre toutes les autres drogues, « sauf le crack ».
Pendant neuf ans, il a travaillé pour se payer de la drogue et de l’alcool, il est passé de la rue à des « loyers minables pleins de coquerelles » avant de retourner à la rue. Un jour, il est finalement tombé sur un propriétaire qui lui a donné « sa chance » d’emménager dans un appartement propre.
« Je lui suis encore reconnaissant, cet homme-là m’a priorisé au-delà d’autres locataires, même si j’avais des problèmes », reconnaît celui qui avait atteint le fond du baril à cette époque.
La fin d’un chapitre
L’année de ses 32 ans sera marquée à tout jamais par trois événements majeurs : une grave dépression, une tentative de suicide et le début de sa sobriété le 9 août 2018, qui s’est présentée sans qu’il ne s’y attende.
« En allant au dépanneur, je suis arrivé pour me prendre ma bière habituelle, puis j’ai glissé ma main jusqu’à une bouteille de bière sans alcool. Depuis ce jour, je n’ai plus touché à une seule goutte d’alcool ni à la drogue », laisse-t-il tomber en prenant une gorgée d’eau pétillante.
Aujourd’hui, Mael Lalancette, sa fiancée et leur petite fille Maevy vivent dans un bel appartement de Tétrauville. Le père de famille travaille 50 heures semaine comme couvreur et il a même participé à une conférence où il parlait de son parcours à des jeunes en difficulté.

« J’ai beaucoup de chance aujourd’hui, je gagne bien ma vie [...] [,] j’ai une belle famille. Maintenant, je peux aider les autres, je suis au bon endroit, au bon moment », affirme-t-il.
Malgré une vie bien chargée, il investit plusieurs dizaines d’heures par semaine à fabriquer, à réparer et à gérer les garde-manger du Croc bouffe. Des points de dépôts pour les dons alimentaires se retrouvent d’ailleurs dans une vingtaine d’endroits à Montréal. Dès samedi, les résidents de Drummondville, de Sherbrooke, de Québec et même de Saguenay pourront également prendre part au mouvement.
« Je veux éviter que d’autres vivent ce que j’ai vécu [...] Pour moi, c’est une façon d’offrir ce que j’aurais voulu avoir. Si je suis capable de changer le 1 % du visage de la faim, je dois le faire. Je veux offrir un bel avenir à ma fille, un monde où les gens s’entraident », conclut-il.
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