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L'article provient de 24 heures

On a rencontré des usagers de crack pour mieux comprendre leur réalité

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Photo portrait de Axel  Tardieu

Axel Tardieu

2023-07-19T11:00:00Z
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Leur présence dérange les résidents du centre-ville de Montréal, mais les toxicomanes du secteur mène un combat quotidien. 24 heures est allé à leur rencontre pour mieux comprendre leur réalité. 

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Matin, après-midi ou soir, les rues autour de la station Berri-UQAM et du Village montrent une ambiance sordide à qui veut bien poser les yeux sur la misère.  

Les transactions entre les vendeurs de drogue et les consommateurs sont faciles à repérer. Des hommes et des femmes, vêtements déchirés et yeux cernés, marchent la tête baissée cherchant désespérément des pièces de monnaie ou une cigarette à moitié fumée. 

C’est au coin d’une rue qu’un groupe nous invite dans un appartement, après négociations. Ils ont récupéré des sachets contenants chacun un demi-gramme de cocaïne.  

Un homme fume du crack dans une pipe.
Un homme fume du crack dans une pipe. Photo Axel Tardieu

L’un d’entre eux a apporté dans son sac de quoi transformer ce puissant stimulant en petits cailloux pour être ensuite fumés dans une pipe. Ils ont les mains moites et certains tremblent à cause du manque. 

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30 ans d'excès 

«C'est fait pour les junkies. Le monde prend ça pour oublier leurs problèmes», lance celui qu’on surnomme le mécano. Il consomme de la cocaïne et ses dérivés depuis plus de 30 ans. 

Il a été témoin de l’évolution de la rue durant toutes ces années. Il vit au quotidien la détresse et l’isolement des itinérants et toxicomanes de Montréal, ce que la députée de Québec solidaire, Manon Massé, décrit comme «une crise humanitaire sans précédent».  

Le mécano se dit déçu et abandonné par les pouvoirs publics. «Le gouvernement veut tasser les gens de la rue. Ils sont supposés faire des logements supervisés, mais, à la place, ils font des hôtels à 12, 13, 15 étages. Ils font des condos à 2000 ou 3000 dollars par mois. Pourquoi ne pas plutôt faire des chambres pour les gens à la rue?», se demande-t-il.

Face à la hausse de l’itinérance et des surdoses, la crise du logement n’arrange rien. Avec un toit, «la personne va moins penser à se geler parce qu’elle a moins de problèmes. Elle a une vie». 

Ce quarantenaire assure être accro et ne rien pouvoir y faire. Comme beaucoup de personnes dépendantes, ils souffrent de douleurs chroniques ou d'une pathologie psychiatrique primaire, comme la bipolarité, des troubles anxieux ou la schizophrénie. «Je suis né dedans. J'ai été obligé de prendre des Dilaudids [morphine] pour le restant de mes jours. J'ai pogné trois accidents d’auto», dit-il.  

De la cocaïne sur une table.
De la cocaïne sur une table. Photo Axel Tardieu

Une qualité de pire en pire 

La pandémie n’a pas seulement accentué les troubles dépressifs. Elle a également été accompagnée par une détérioration de la qualité des substances qui circulent.  

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«C’est pire qu’avant, témoigne le mécano. Ils mettent du fentanyl. Ils mettent de tout pour essayer de faire plus d'argent. Ils sont en train d’empoisonner le monde. J’ai 34 amis qui sont morts depuis 2015». 

Cette journée-là, ces usagers, qui ont pourtant l’habitude, n’ont pas eu de chance. «C’est pas de la bonne coke. C’est synthétique». L’un du groupe, Tanya, doit vite retourner faire le tour des rues adjacentes pour acheter des doses au premier vendeur qui se présente. 

Selon eux, il y a assez de refuges et de centres d'injection supervisée dans le quartier. Ces centres sont d’ailleurs très pratiques. «Ça sauve du monde des surdoses et tu peux y tester ta drogue». 

Tanya revient, en sueur, après 30 minutes d’absence. Elle est tombée dans les drogues dures il y a 14 ans. Des petits cailloux blancs sont immédiatement fumés. «Je sens les effets, oui, mais ça ne dure pas longtemps... juste cinq minutes». 

Le crack atteint rapidement le cerveau. L’euphorie est courte. Une autre pipe est remplie. « S’il y a 6, 7, 8 grammes devant moi, je vais tout faire », avoue Tanya. 

«J’ai une invalidité. Je suis malade physiquement. Je fais de l’arthrite et de la fibromyalgie», explique la trentenaire. Pour se payer ses doses, elle dit quêter devant les magasins. «Le seul problème pour moi, c’est que c’est trop bon». 

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