«J’ai été accoucher en vélo»: oui, c'est possible de vivre à Québec sans voiture


Léa Martin
Québec, une ville de chars? Pas si vite... De plus en plus de citoyens de la Capitale-Nationale abandonnent l’autosolo et en sont plus que ravis. On leur a parlé.
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Marie-Ève Roussel, 46 ans, est mère monoparentale et élève ses deux enfants sans voiture.
«J’ai été accoucher en vélo et je fais du vélo d’hiver depuis que j’ai constaté que des poussettes dans la neige, ça suce», déclare-t-elle.
Mélanie Landry, de son côté, a vendu sa voiture en 1999. «Habiter à Québec avec une auto, je me suis dit que non, je ne voulais pas ajouter une voiture dans le trafic.»
Dans le quartier Saint-Jean-Baptiste, elle fait presque tout à pied, à vélo ou en bus. Elle prend parfois des taxis, lorsqu'elle doit se déplacer plus loin. Dans tous les cas, ça reste plus économique que de posséder une voiture.
Elle aussi a élevé ses enfants dans le quartier sans voiture.
«J'étais très débrouillarde et mes enfants le sont devenus aussi. J'avais un traineau l'hiver pour les deux et un charriot qui roule pendant l'été», raconte-t-elle.
«Quand ça fait longtemps qu’on habite ici, on se fait des jambes et des fesses», dit-elle à la blague, en faisant référence aux allers-retours entre la Haute et la Basse-Ville.
Encore des exceptions
Marie-Ève Roussel et Mélanie Landry constituent des exceptions à la règle: près de 91 % des déplacements de 1 à 5 km sont encore réalisés en transports motorisés dans la capitale, selon les chiffres de la Ville.
Lors d’une journée typique de semaine, 184 000 déplacements sont effectués en transport actif (vélo, marche), selon un rapport 2022-2026 sur la mobilité active de la Ville de Québec.
Leur mode de vie semble toutefois faire de plus en plus d'adeptes dans la région de la Capitale-Nationale, à en croire les appels à témoignages publiés par 24 heures sur deux groupes de citoyens du centre-ville de la capitale. En moins de 48 heures, nous avons reçu plus de 100 messages de personnes prêtes à témoigner pour notre article.
Des dizaines de jeunes parents, d'étudiants, de travailleurs et même de retraités semblent en effet vivre heureux sans voiture à Québec.
Faire le grand saut
Ayant grandi entre différentes banlieues de Québec, Anne-Sophie Verreault, 27 ans, a toujours eu l’habitude de se déplacer en voiture.
En habitant au centre-ville, elle s'est toutefois rendue compte qu’elle en avait de moins en moins besoin.
Avant de dire au revoir à son bolide pour de bon, elle s’est lancé un défi: passer trois mois sans utiliser sa voiture (de janvier à mars 2023), en dressant une liste des pour et des contre.
Ayant grandi dans une famille où la culture de la voiture est très présente, elle a dû mal à convaincre ses parents de son choix. C’est pourquoi elle a documenté son expérience: elle voulait avoir de solides arguments à présenter à ses proches.
«Premièrement, [je voulais] avoir de l’argent pour une mise de fonds pour une maison», indique-t-elle. Elle a remarqué une baisse dans ses dépenses lorsqu'elle a cessé d'utiliser sa voiture.
Elle estime, par exemple, avoir économisé environ 100$ en mars 2023 par rapport à mars 2022. Et même si elle doit parfois prendre des taxis, elle assure que vivre sans voiture est l'option la plus économique.
Elle a aussi remarqué un effet positif sur sa santé mentale et physique.
«Quand tu es dans l’autobus, tu peux écouter de la musique, regarder les gens, regarder dehors. Quand tu es en voiture, tu dois toujours être attentif, faire attention aux gens autour», souligne celle qui faisait autrefois des crises panique au volant.
«Je conduis depuis que j’ai 16 ans et je n’avais jamais réalisé à quel point c’est la norme qu’on mette des machines à tuer dans les mains du monde.»
Récemment, elle a dû reprendre le volant pendant la grève du RTC. Elle a détesté ce retour en arrière.
Pas seulement au centre-ville
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Alexandra Bélanger, 30 ans, vient d’emménager dans Charlesbourg. Si les transports collectifs sont moins développés que dans son ancien quartier, Limoilou, elle ne compte pas se racheter une voiture.
«Moins de coûts, pas besoin de déblayer et l’autobus passe. Pour moi, c’est optimal», détaille-t-elle.
Marc-Antoine Fortin, 25 ans, habite à Québec pour ses études.
«Québec m'a retiré la majorité des embûches me poussant lentement mais sûrement vers l'achat d'une auto», raconte le jeune homme originaire de la Côte-Nord.
«La fréquence des métrobus, les infrastructures de transport actif, la "marchabilité" des quartiers me permettent de m'épanouir et de remplir mes responsabilités quasi complètement», ajoute-t-il.
Il reconnaît tout de même qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour rendre les quartiers plus excentrés accessibles en transport en commun.
Josée-Anne Paradis, qui a acheté une maison à Lairet avec son conjoint, regrette pour sa part que certaines activités sportives ou de plein air soient si loin des quartiers centraux de Québec.
Elle fait du soccer depuis des années et a renoncé à s’inscrire à une ligue parce qu'il lui fallait une voiture pour y aller.
Même si elle ne souhaite pas pour autant se procurer une voiture, elle constate que vivre dans une ville comme Québec sans voiture comporte encore son lot de défis.