Inflation alimentaire: les Québécois changent leurs habitudes pour trouver les plus bas prix
Préoccupés ou carrément dans l’insécurité alimentaire, ils consomment moins, courent les rabais et choisissent les magasins à bas prix


Valerie Lesage
Carol-Ann Rioux n’avait jamais été sensible aux prix de la nourriture auparavant, mais avec trois enfants à nourrir et l’inflation qui galope, comme une forte proportion de Canadiens, elle devient plus préoccupée et change ses comportements pour éviter une facture trop salée.
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«On va quand même encore au IGA, mais on essaie d’aller plus souvent au Maxi parce que ça paraît. Parfois, on sort du IGA avec deux sacs et ça nous coûte 100$, tandis qu’au Maxi, on en a quatre ou cinq pour pas mal les mêmes produits avec le même 100$», raconte la jeune femme, qui confie cuisiner davantage et gaspiller moins.
Céline, une retraitée qui vit en couple dans le quartier Charlesbourg à Québec, a aussi fait le même virage vers le Maxi, il y a un an, suivant un mouvement qui amène le géant Loblaw à convertir des Provigo en magasins à bas prix pour faire passer de 127 à 146 le nombre de Maxi d’ici la fin de 2023.
- Écoutez le résumé de l’actualité économique avec Philippe-Richard Bertrand et Francis Langlois via QUB radio :
«Ça vaut la peine. J’y vais vraiment plus souvent. J’économise environ 100$ par mois, je dirais. Et je n’ai pas changé ce que j’achète, j’essaie de trouver ce qu’on aime», souligne-t-elle.

Courir les soldes
Une enquête récente de Statistique Canada démontre que les deux tiers des Canadiens sont préoccupés par l’inflation alimentaire, qui a atteint 20% au cours des deux dernières années. En réaction, la moitié des gens ont cherché des soldes dans la dernière année pour atténuer le choc des prix et tout autant ont cherché des produits de remplacement ou des articles moins chers.
C’est ce que fait Guy Drolet, un retraité de Québec qui, depuis deux ans, s’est mis à surveiller les circulaires et à faire des achats ciblés.
«On fait deux ou trois épiceries différentes pour courir les rabais. On se dit qu’on aime mieux mettre deux dollars d’essence dans la voiture que de payer 10$ de plus pour l’épicerie. C’est plus économique et j’ai le temps», raconte-t-il.

Devant les prix qu’il voit «monter terriblement», il dit aussi manger moins de steaks, pour acheter un peu plus de porc, moins cher.
Baisse de la consommation, hausse de la faim
Les Canadiens dépensent plus à l’épicerie qu’il y a deux ans (+5,8%) parce que les prix ont monté, mais le volume des achats a diminué de 3,6% pendant la même période. Pour le professeur Jordan LeBel de l’Université Concordia, spécialiste du marketing alimentaire, il y a au moins deux explications possibles. La première serait une réduction du gaspillage.
«On parle beaucoup plus du gaspillage, des prix et de ce que fait l’industrie alimentaire, donc c’est sur le radar de tout le monde et les gens y deviennent plus sensibles. Ils font probablement plus attention», dit-il.
- Écoutez l'entrevue avec Simon Brière, stratège principal chez R.J. O'Brien et expert en marchés financiers à l’émission d’Alexandre Dubé via QUB radio :
Du côté plus sombre des choses, il y a beaucoup de gens qui manquent d’argent pour manger à leur faim. Un sondage de l’Institut national de santé publique du Québec révèle que l’insécurité alimentaire modérée et grave touchait 14% des ménages en mars 2023. Les jeunes de 18 à 24 ans sont particulièrement touchés avec une proportion de 24%, suivis par les 25-44 ans, à 19%.
«On parle de gens qui sautent des repas ou ne mangent pas à leur faim. Et là-dedans, il y a des gens à revenus modestes, mais aussi des gens avec des revenus plus élevés qui sont pris avec les hausses de loyer ou d’hypothèque», constate M. LeBel.
En chiffres
Prix des aliments
- + 20% depuis 2 ans
Habitudes d’achat
- 50% des Canadiens ont cherché des soldes.
- 50% des Canadiens ont cherché des produits de remplacement ou des marques moins chères.
*Statistique Canada
Insécurité alimentaire globale au Québec
- 24% au début de 2023
- En hausse de 3% en un an
*INSPQ
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