Infirmières en colère: échec massif à l’examen professionnel
Hugo Duchaine | Journal de Montréal
Des étudiantes en soins infirmiers sont en furie contre leur ordre professionnel après avoir échoué en grand nombre l’examen devant leur donner le droit de pratiquer, en pleine pénurie d’infirmières.
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«Je suis sous le choc», confie Loriane Gaul-Dorion, 23 ans, une première de classe qui a traversé trois années d’études collégiales avec une moyenne de 85%.
Elle fait partie de la cohorte d’infirmières à avoir passé l’examen professionnel de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) à la fin septembre 2022. Le taux de réussite a été famélique, dépassant à peine les 51%.
Sans réussir cet examen, elles ne peuvent pas pratiquer comme infirmière. Ces nombreux échecs arrivent aussi alors que le Québec affronte une énorme pénurie de personnel, l’obligeant à réduire de nombreux services dans les hôpitaux.
«Injuste»
Pourtant, depuis trois ans, le taux de réussite à ce même examen oscille entre 96 et 71% pour les cohortes précédentes. «C’est injuste et ce n’est pas normal qu’une personne sur deux coule», poursuit Mme Gaul-Dorion.
«Ça ne reflète pas la réalité du plancher, pas ce qu’on apprend à l’école», rage Josiane Georges, qui fond en larmes en parlant de son échec.
Cette mère de famille de 40 ans a consacré des dizaines d’heures par jour à l’étude de cet examen, se payant même une formation supplémentaire et prenant une pause de son emploi dans un hôpital pour maximiser ses chances de réussite.
Mais elle n’a obtenu que 52%... et il faut 55% pour réussir.
Âgée de 22 ans, Joëlle Girard a lancé une pétition en ligne à la suite de son échec pour dénoncer la situation. D’abord, elle aimerait que la note de passage soit abaissée à 50%, car elle a énormément de collègues en échec ayant eu des notes de 51 à 54%.
Déjà, plus de 1500 personnes l’ont signée.
L’étudiante de Sorel-Tracy explique que l’examen de l’Ordre fait appel au «jugement clinique» avec des choix de réponses. Elle soutient que plusieurs des choix sont «bons», mais qu’un seul est «meilleur» selon l’Ordre.
Or, plusieurs infirmières interrogées par Le Journal estimaient que l’examen était déconnecté de leur réalité sur le terrain.
«On n’est pas dangereuses, on sait ce qu’on fait», continue Mme Girard, ajoutant que toutes les candidates à l’examen ont réussi leurs études auparavant et travaillent déjà dans des hôpitaux.
Même qu’avant
La directrice des admissions et registrariat à l’OIIQ, Chantal Lemay, assure que l’examen de septembre suivait la même formule que celui des années précédentes. Son contenu est validé par des experts de l’éducation et du milieu clinique, dit-elle.
L’Ordre ne se formalise pas qu’une future infirmière sur deux l’ait échoué. Mme Lemay explique néanmoins que cette cohorte, dont les études ont commencé en 2019, a été la plus touchée par la pandémie et les cours en ligne, par exemple.
«Notre intention n’est pas de donner un permis à quelqu’un qui n’est pas prêt à travailler de façon autonome», dit-elle, encourageant les futures infirmières à continuer de gagner de l’expérience sur le terrain et de poser des questions.
Mais elle reconnaît que «le soutien n’est peut-être pas nécessairement au rendez-vous» dans les hôpitaux, où elles peuvent travailler sous supervision, en raison de la grave pénurie de main d’œuvre qui sévit actuellement.
Taux de réussite des dernières années à l’examen professionnel de l’OIIQ, après une première tentative
- Septembre 2018: 77%
- Mars 2019: 73%
- Septembre 2019: 91%
- 12 septembre 2020: 89%
- 19 septembre 2020: 96%
- 27 mars 2021: 80%
- 18 septembre 2021: 81%
- 28 mars 2022: 71%
- 26 septembre 2022: 51,4%