«Ils avaient presque le pied dans l’avion»: la décision d’Ottawa sur les visas pour les Mexicains a tué la «crevette de Matane»
Le refus d’accorder une dérogation aux travailleurs mexicains dont dépend la région a sonné le glas de l’usine Fruits de mer de l’Est


David Descôteaux
L’imposition d’un visa aux travailleurs mexicains a sonné le glas de l’usine de transformation de crevettes Les Fruits de mer de l’Est, encore plus que la baisse des quotas de pêche du crustacé.
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«Même après la baisse des quotas, l’usine avait investi pour diversifier sa production, par exemple avec le homard et le crabe des neiges. Ce ne sont pas des gens qui avaient abandonné. Mais quand ils ont rencontré le dernier problème, ça a été pour eux insurmontable. Ils ont décidé de fermer parce que c’est devenu trop compliqué», explique Gérald Beaulieu, préfet de la MRC de La Matanie.
L’entreprise danoise Royal Greenland, qui est la propriétaire de l’usine, a annoncé mettre la clé sous la porte en raison de la diminution de l’approvisionnement des fruits de mer, du manque d’employés et des défis financiers qui ne font qu’augmenter.
Mais dans son communiqué, la compagnie a aussi insisté sur la difficulté de trouver de la main-d’œuvre.
La décision de fermer l’usine survient après qu’Ottawa a refusé une demande de l’Association québécoise de l’industrie de la pêche, qui voulait obtenir une exemption au visa maintenant imposé aux Mexicains pour rentrer au Canada afin d’avoir des travailleurs étrangers.
- Écoutez l'entrevue avec Patrice Element, directeur de l'Office des pêcheurs de crevette du Québec au micro d’Alexandre Dubé via QUB :
Le pied dans l’avion
Malgré la baisse des quotas de pêche, qui sont passés de 15 millions de livres à 2,3 millions en 15 ans, l’entreprise s’était quand même diversifiée pour transformer d’autres espèces, et venait tout juste d’investir pour construire des habitations destinées à accueillir les travailleurs mexicains. Ces derniers viennent chaque année pallier le manque de main-d’œuvre de l’usine.
Mais le dernier coup dur, venant d’Ottawa, a chamboulé les plans.
«C’est vraiment les restrictions liées à l’émission des visas pour les travailleurs étrangers qui a fait déborder le vase. Ils étaient sur le point de faire entrer 140 travailleurs au pays. Ces gens-là avaient presque le pied dans l’avion», dit Gérald Beaulieu.
Comme l’usine n’a pas eu de délai pour s’adapter et que la saison de pêche débute très bientôt, il devenait difficile pour elle de poursuivre les opérations.
«L’entreprise s’attendait à les recevoir ces jours-ci, quelques semaines avant la saison de la pêche pour faire des formations sur la santé et la sécurité au travail et les former, les préparer comme il faut. Ils avaient investi de façon importante pour 71 habitations pour ces travailleurs-là, afin qu’ils soient confortables en Matanie», dit le préfet.
Les fournisseurs vont écoper
En tout, une cinquantaine de personnes qui travaillaient à temps plein à l’usine perdront leur emploi, tout comme les travailleurs étrangers qui venaient chaque printemps pourvoir les postes de travail. Mais c'est l'écosystème économique de la région qui risque aussi d'écoper.
« Il y a des fournisseurs en maintenance, en produits, il y a du transport pour les produits finis, en mécanique, en électricité, donc cette fermeture a un gros impact », dit Gérald Beaulieu, qui ajoute que des comptables et avocats de la région perdront aussi des contrats.
« On parle d’une usine qui avait pignon sur rue à Matane depuis plus de 50 ans. L'entreprise avait développé un réseau de fournisseurs et de partenaires. C'est toute la chaîne de création de valeur qui est affectée, avec les emplois indirects qui tournent autour », ajoute-t-il.
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