Il devra payer 34 000$: un avocat condamné pour l’éviction de ses locataires «dévastés»
Le proprio fait 12 000$ de plus par année grâce à cette éviction


Francis Pilon
Un propriétaire «téméraire» de Montréal, qui est aussi avocat, vient d’être condamné à payer 34 000$ à une famille évincée de son appartement avec «mauvaise foi».
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«Ç’a complètement chamboulé nos vies, cette éviction. On a même été obligés de se séparer de notre fille pour trouver un nouveau logement moins cher», soupire Laurent Chaudoreille, en entrevue avec Le Journal.

Lui, sa conjointe Marie-Claude Robitaille et leur fille habitaient auparavant dans un duplex situé au coin du boulevard Rosemont et de la rue Cadillac. Leur propriétaire, Yin Hua Huang, un avocat spécialisé en fiscalité, a toutefois repris leur cinq et demie, le 1er juillet 2023, pour se rapprocher supposément de la nouvelle école de son fils.
Coup de théâtre: quatre jours après l’expulsion de ses locataires, M. Huang n’avait plus besoin d’emménager dans le duplex, puisque son enfant avait changé d’établissement scolaire.
«Le propriétaire a basé sa demande de reprise de logement sur une hypothèse qui était alors tout à fait aléatoire et qui ne s’est jamais concrétisée. [...] La reprise était donc prématurée, au mépris des locataires qui occupaient les lieux depuis longtemps, à un loyer très raisonnable», critique le juge Jean Gauthier, du Tribunal administratif du logement (TAL).
Démasqué avec Kijiji
Dans son récent jugement sur cette affaire, on apprend également que Yin Hua Huang a été pincé en flagrant délit par ses anciens locataires. Ces derniers ont trouvé une petite annonce de leur ancien appartement sur Kijiji en décembre 2023.

«Il ne s’est jamais adressé au Tribunal pour obtenir l’autorisation de relouer le logement [comme l’exige la loi], déplore aussi le juge. [...] Le proprio a agi de façon téméraire et il doit être sanctionné.»
Étant donné qu’il a «violé les droits» de la famille avec cette reprise de «mauvaise foi», le Montréalais a finalement été condamné à verser 33 890$ à ses anciens locataires.

«Ils [...] ont été dévastés. Les locataires ont dû déménager dans un logement deux fois plus petit à un loyer augmenté de 50%, dans le Centre-Sud, dans un quartier beaucoup plus modeste et incomparable sur le plan de la qualité de vie, loin de leur famille. Leur fille autiste a dû [mettre sur pause ses études] pour aller travailler et se prendre un logement», peut-on lire dans le document juridique.
Loyer plus que doublé
Yin Hua Huang a par la suite profité de l’éviction pour faire bondir le loyer du logis au cœur de ce litige. Il est passé de 850$ à 1850$ par mois, soit une augmentation de ses profits de 12 000$ par année.
Malgré cela, le juge Gauthier assure que le montant de 34 000$ payé en dommages par le proprio est suffisant.
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«Il est fidèle à la jurisprudence récente qui tend à le rendre significatif, particulièrement dans un contexte de rareté des logements et des nombreuses tentatives de rénoviction, pour employer ce néologisme qui traduit bien une situation réelle», conclut-il.
Notre demande d’entrevue avec M. Huang est restée sans réponse.