Hjalmar Schacht, le banquier du diable, inspire-t-il l'Amérique de Trump?
Martin Landry
Quand l’Allemagne s’effondre économiquement après la Grande Guerre et particulièrement après la crise de 1929, c’est un certain Hjalmar Schacht, banquier de génie, qui deviendra le chirurgien de cette économie malade.
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Schacht est un homme discret, sa carrière est digne d’un roman d’espionnage, mais il est intéressant de jeter un peu de lumière sur l’un des architectes les plus influents de la montée en puissance économique du Troisième Reich.
Que peuvent encore nous dire les politiques économiques de Schacht et, plus troublant encore, peut-on tracer des parallèles entre son œuvre économique et les politiques défendues par Donald Trump depuis son retour à la Maison-Blanche en 2025 ?
MAGICIEN DE LA MONNAIE ALLEMANDE
À la fin de la Première Guerre mondiale, l’Allemagne est livide, son économie est complètement plombée. En 1923, c’est l’hyperinflation, la ruine, on paie un pain avec une brouette de billets.
C’est alors que Schacht entre en scène. Il crée une nouvelle monnaie, le rentenmark, qui stabilise miraculeusement l’économie. On le surnomme alors « le magicien des finances ».
Mais c’est en 1933, quand Hitler prend le pouvoir, que Schacht va écrire les pages les plus sulfureuses de son histoire. Nommé président de la Reichsbank, puis ministre de l’Économie, il sort l’Allemagne de la dépression grâce à un plan économique aussi innovant qu’inquiétant.

AUTARCIE ET GRANDS TRAVAUX
Schacht met en place en 1934 son « Nouveau Plan », avec deux idées principales : réduire au maximum la dépendance de l’Allemagne au commerce international (autarcie) et investir massivement dans l’industrie, notamment l’armement, au moyen de grands travaux (autoroutes, usines, infrastructures).
Il invente même une monnaie parallèle, le fameux bon MEFO, pour financer les dépenses militaires en douce, sans alourdir officiellement la dette publique. Résultat ? En deux ans, le chômage s’effondre et l’industrie tourne à plein régime.
Mais cette prospérité repose sur une économie de guerre et une suppression progressive des libertés.

IL DIRA NON À HITLER
Malgré ses talents économiques qui plaisent au Reich, Schacht n’est pas un nazi. Il s’oppose à certaines dérives, notamment l’inflation incontrôlée et les excès du réarmement.
En 1937, il est remercié. En 1944, on va même l’accuser d’être lié à un complot contre Hitler, il sera emprisonné. Il survivra à la guerre et sera acquitté à Nuremberg.
Un paradoxe intéressant, il était un artisan de la machine de guerre nazie, mais ne se disait pas nazi lui-même.
TRUMP ET SES POLITIQUES ÉCONOMIQUES
Depuis le retour de Donald Trump à la présidence en 2025, certaines mesures économiques de son administration ont fait lever quelques sourcils chez les historiens.
Repli nationaliste, guerre commerciale, préférence pour la production intérieure, protectionnisme, grands travaux financés par l’État, méfiance vis-à-vis des élites financières internationales. Cela rappelle pour certains l’économie d’avant-guerre en Allemagne.
Comme Schacht, Trump met l’accent sur l’autonomie économique, la réduction des importations, et la restauration d’une industrie made in America .
Des aides massives sont versées aux entreprises nationales. La dette publique enfle, mais l’État assure que tout est sous contrôle. Certains économistes évoquent même l’idée d’un « MEFO moderne », avec des mécanismes financiers opaques utilisés pour contourner le poids de la dette dans les bilans officiels.
COMPARAISON QUI DÉRANGE
Bien sûr, la comparaison a ses limites. Trump n’est pas Hitler. Et les États-Unis de 2025 ne sont pas l’Allemagne de 1934. Mais sur le plan purement économique, certaines stratégies évoquent étrangement les idées de Schacht : une forme de néomercantilisme, l’idée que l’économie doit servir la puissance nationale avant tout, même au prix d’un isolement international.
L’histoire ne se répète jamais tout à fait, mais elle bégaie, dit-on. Hjalmar Schacht reste une figure fascinante, à la frontière entre génie économique et compromission morale. Étudier son parcours, c’est se rappeler qu’une économie en pleine croissance peut aussi cacher des dangers redoutables, surtout quand elle sert des projets politiques extrêmes.