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L'article provient de TVA Nouvelles
Société

Du pape des pauvres au pape des zouaves: la longue passion québécoise pour le Vatican

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Photo portrait de Martin Landry

Martin Landry

2025-04-26T04:00:00Z
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Le pape François, 266e pape de l’histoire de l'Église catholique, est mort lundi dernier. Il avait 88 ans.

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Il était l’évêque de Rome et le chef d'État du Vatican. Homme d’une grande humilité, il refusait autant que possible le luxe qui entourait sa fonction. Il n’hésitait pas à cuisiner pour certains de ses invités, et il résistait même à habiter dans les riches appartements du Vatican. On raconte que, lors de sa nomination, il avait pris l'avion pour Rome en classe économique, portant lui-même ses bagages comme monsieur et madame Tout-le-Monde. Comme les gens de son pays, il était un grand fan de soccer. François était le premier pape non européen depuis près de 1300 ans.

Le Vatican
Le Vatican AdobeStock/ClemMTravel

LES PAPES ET LE VATICAN

Les papes sont les successeurs de l’apôtre Pierre, qui aurait été désigné par Jésus comme le premier chef de son Église. Depuis presque 1000 ans, les papes sont élus par le collège des cardinaux. Ces derniers se réunissent en conclave après la mort ou la renonciation du prédécesseur. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le titre de pape n’a rien d’officiel: le mot vient du latin «papa».

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Sur le plan politique, le pape n’est ni plus ni moins que le chef d'un État de 825 citoyens. Il dirige une monarchie et règne sur un micro-État enclavé dans la ville de Rome: le Vatican. La cité abrite principalement la basilique Saint-Pierre, la plus grande église du monde, ainsi que des musées.

Le premier pape, saint Pierre. On a donné son nom à la basilique Saint-Pierre pour lui rendre hommage. La basilique est d'ailleurs construite là où ce pape est enterré.
Le premier pape, saint Pierre. On a donné son nom à la basilique Saint-Pierre pour lui rendre hommage. La basilique est d'ailleurs construite là où ce pape est enterré. Domaine public

L’État frappe sa propre monnaie et son économie est principalement stimulée par le tourisme. Le Vatican possède un patrimoine d’une valeur inimaginable, sa plus grande richesse, mais impossible d’en connaître la valeur exacte, car rien n’est à vendre. Cependant, la valeur immobilière de ses possessions en Europe est estimée à 3 milliards d’euros. La banque du Vatican, elle, gère approximativement 600 millions d’euros. Grosso modo, c’est ça, la fortune de l’État papal.

Dans quelques jours, les caméras du monde entier seront braquées sur cette petite cheminée au-dessus de la chapelle Sixtine pour voir si la fumée qui s’en échappe est noire ou blanche.
Dans quelques jours, les caméras du monde entier seront braquées sur cette petite cheminée au-dessus de la chapelle Sixtine pour voir si la fumée qui s’en échappe est noire ou blanche. Domaine public

Un des symboles les plus colorés de l’État du Vatican, c’est la Garde suisse. Leurs uniformes jaune, rouge et bleu, qu’on dit avoir été dessinés par Michel-Ange, sont reconnaissables entre tous. Ce serait la deuxième plus petite armée du monde (après Monaco), mais aussi la plus ancienne encore en activité.

Mais saviez-vous qu’il n’y a pas que les Suisses qui ont joué un rôle historique dans la défense du Vatican?

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Alfred LaRocque, zouave papal, à Montréal en 1868.
Alfred LaRocque, zouave papal, à Montréal en 1868. Domaine public

ZOUAVES QUÉBÉCOIS À LA DÉFENSE DE LA PAPAUTÉ

À la fin des années 1860, l’Italie est en ébullition. Les chemises rouges de Garibaldi veulent faire de Rome la capitale d’un État unifié et intégrer les États pontificaux à une Italie moderne. L’État papal est menacé, mais le pape Pie IX résiste. Il lance alors un appel aux armes à tous les catholiques du monde. Dix mille fidèles accourent à sa rescousse.

Si le Canada tarde à se porter à la défense du pape, l’arrivée au combat de Canadiens français, comme le Montréalais Alfred LaRocque, attire l’attention. Sa bravoure est rapportée par l’évêque de Montréal, Mgr Ignace Bourget, qui en profite pour inciter les jeunes à prendre les armes et à aller donner leur vie pour défendre le pape.

Monseigneur Ignace Bourget,1862
Monseigneur Ignace Bourget,1862 © McCord Museum, Montreal, Canada, 2006

Au total, ce sont 507 Canadiens français qui rejoignent les rangs des zouaves pontificaux. Après la chute de Rome, en septembre 1870, les zouaves québécois rentrent au pays. Ils sont accueillis en héros.

S’ils reprennent ensuite leur vie normale, leur aventure devient presque mythique. L’Église glorifie leur dévouement et les promène dans les grands événements comme des fidèles d’exception. Une poignée de ces zouaves fondent même, à leur retour au Québec, une ville sur la rive ouest du lac Mégantic, en Estrie. Ils la baptisent Piopolis, la «ville de Pie», en l'honneur du pape Pie IX.

Ils sont fiers d’avoir risqué leur vie pour défendre leur pape, et l’Église valorisera leur contribution héroïque pendant plus de 100 ans. D’ailleurs, des associations de zouaves existeront au Québec jusqu’en 1993.

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Charles-Edmond Rouleau, créateur de l'Association des zouaves de Montréal.
Charles-Edmond Rouleau, créateur de l'Association des zouaves de Montréal. BAnQ

Charles-Edmond Rouleau, du régiment des zouaves pontificaux, à Rome en mai 1868.
Charles-Edmond Rouleau, du régiment des zouaves pontificaux, à Rome en mai 1868. Domaine public

PIE IX, UN PAPE PARTICULIÈREMENT ADORÉ AU QUÉBEC

Des figures comme l’évêque Ignace Bourget à Montréal ont exalté le pape Pie IX en chaire, dans les journaux et dans les écoles. Le clergé encourageait l'idée que servir le pape, c’était défendre la civilisation chrétienne contre la barbarie moderne. Mais pourquoi Pie IX plus que les autres?

Au Québec, l'identité canadienne-française du XIXe siècle est inséparable de la foi catholique. L’Église est le pilier de la vie sociale, culturelle et politique. Pie IX est vu comme le défenseur ultime du catholicisme contre le «monde moderne».

Il est aussi l’auteur du célèbre Syllabus (1864), un document qui condamne le libéralisme, la séparation de l’Église et de l’État, et d'autres idées modernes. Dans un Québec encore rural et très religieux, ces idées sont perçues comme des menaces. Soutenir Pie IX, c’est aussi rejeter une modernité jugée corrompue.

Et surtout, après la Conquête britannique, les Canadiens français vivent dans un pays où ils sont politiquement dominés. Leur loyauté au pape devient une manière d'affirmer leur spécificité: «Nous sommes catholiques avant tout». Servir Pie IX, c'était revendiquer une identité collective.

Wikimedia Commons/Domaine public
Wikimedia Commons/Domaine public

LE PAPE ET LES CANADIENS FRANÇAIS

Avant la Révolution tranquille, les Canadiens français entretenaient une relation très affective avec la figure du pape. On le voyait comme un père spirituel, un repère.

Les évêques et prêtres du Québec ont longtemps cultivé cette vénération: on priait pour le pape à la messe, on enseignait son rôle à l’école, on diffusait ses encycliques. Si l’influence de Mgr Bourget a fait de Pie IX un pape d’exception au XIXe siècle, la palme de la popularité revient sans doute à Jean-Paul II, dont la visite en 1984 a marqué les esprits.

Personne ne sait qui sera le prochain chef de l’Église catholique romaine, mais une chose est sûre: il est peu probable que ce soit un Québécois.

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