Hausse de la violence envers le personnel scolaire dans les écoles québécoises
Le nombre de réclamations à la CNESST et les interventions dans les milieux scolaires sont en augmentation

Daphnée Dion-Viens
Les cas de violence envers le personnel scolaire sont en hausse dans les écoles québécoises: les réclamations qui y sont liées ont augmenté de 77% depuis trois ans et le nombre d’interventions de la CNESST à ce sujet a grimpé en flèche, a constaté Le Journal.
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En 2024, 1149 réclamations attribuables à de la violence dans les milieux scolaires ont été acceptées par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), comparativement à 650 deux ans plus tôt (voir détails plus bas).
Parmi les gestes de violence les plus fréquents, on retrouve les coups, les bousculades, les pincements et les torsions.
Et ce portrait n’est que «la pointe de l’iceberg», puisqu’il s’agit des cas de violence les plus graves qui font l’objet de réclamations, souligne le président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Éric Gingras.
Deux fois plus parmi le personnel de soutien
La hausse est encore plus importante dans les rangs du personnel de soutien, alors que le nombre de réclamations a doublé au cours de la même période.
Cette catégorie de personnel, qui intervient directement auprès des élèves en crise, est d’ailleurs «surreprésentée» dans ces statistiques, souligne Éric Gingras.
Une meilleure sensibilisation pourrait avoir contribué à cette hausse, avance de son côté la CNESST, précisant toutefois ne pas avoir de «réponse claire» à ce sujet.
Une analyse partagée par la CSQ. «On est conscient que le fait d’en parler de plus en plus, ça peut amener des gens à dénoncer», affirme M. Gingras.
Interventions dans 150 écoles
Les inspecteurs de la CNESST se déplacent aussi de plus en plus souvent dans les écoles pour corriger le tir. Depuis quatre ans, des interventions ont été réalisées dans 150 écoles, majoritairement à la suite de plaintes (voir détails plus bas).
Les rapports d’interventions, obtenus par Le Journal à la suite d’une demande d’accès à l’information, font état de dizaines de situations problématiques, qu’il s’agisse d’intervenants blessés à répétition, d’un local de retrait non sécuritaire ou d’absence de protocole d’intervention en cas d’urgence.
Il s’agit d’ailleurs d’une démarche de dernier recours, souligne Éric Gingras.
«Lorsque l’inspecteur intervient, on est vraiment à la fin (du processus), on a essayé plein d’affaires avant. (...) Les gens se rendent jusque-là parce qu’ils ne sont plus capables», affirme-t-il, parlant d’une «ultime intervention»
L’aménagement des lieux est parfois en cause, comme dans une école primaire de Montréal où un local de rangement encombré était utilisé pour intervenir auprès d’élèves parfois en crise, qui pouvaient alors transformer du matériel en projectiles.
Dans plusieurs cas, les milieux scolaires n’ont pas mis en place de mesures pour contrôler les risques de violence, notent les inspecteurs, et ce même dans des classes spécialisées avec des élèves ayant de graves problèmes de comportement.
Dans une école secondaire de Donnacona, plusieurs travailleurs ont été blessés par un élève l’an dernier avant que la CNESST n’intervienne.
Dans une école primaire de l’Estrie, des employés se sont fait mordre et «frapper de plein fouet» quand un élève tentait de fuir l’an dernier, en plus d’être «exposés à des couteaux à l’intérieur de l’établissement», peut-on lire.
Une longue liste de correctifs à mettre en place
À la suite de leur visite, les inspecteurs de la CNESST obligent les écoles à mettre en place une longue liste de correctifs. Il s’agit parfois de mesures d’intervention «primaires», qui impliquent une formation adéquate des membres du personnel et l’aménagement sécuritaire des lieux de travail.
Des procédures d’intervention d’urgence, inexistantes dans plusieurs milieux scolaires, doivent aussi souvent être instaurées, tout comme des mesures de suivi adéquates après un événement violent.
L’impact du passage de la CNESST dans les écoles est «à géométrie variable», indique Éric Gingras. «Dans la majorité des cas, ça peut être intéressant, mais ça dépend beaucoup de l’engagement de l’employeur avec la décision de l’inspecteur», affirme-t-il.
La solution passe par davantage de ressources dans les écoles, un défi en contexte de pénurie, ajoute le président de la CSQ. «La première chose, c’est de combler les postes vacants et d’avoir les ressources dans les milieux», affirme-t-il.
Réclamations acceptées en lien avec de la violence auprès du personnel scolaire
Toutes catégories de personnel confondues
2022: 650
2023: 982
2024: 1149
+77%
Personnel de soutien
2022: 359
2023: 610
2024: 703
+96%
Augmentation du nombre de postes dans le réseau scolaire pendant cette période: +37%
Sources: CNESST et tableau de bord du ministère de l’Éducation
Interventions en lien avec la violence faites par la CNESST dans les écoles québécoises
2021: 13
2022: 18
2023: 55
2024: 65
*Ces données n’étaient pas compilées avant 2021.
Source: CNESST