À quoi ça sert d’ouvrir des magasins illégaux de champignons magiques s'ils se font fermer?


Gabriel Ouimet
Le SPVM a procédé à la fermeture du magasin de champignons magiques illégal de la compagnie Funguyz à peine quelques heures après son ouverture, mardi, à Montréal. Rien pour freiner les propriétaires, qui affirment que plusieurs autres succursales ouvriront dans les prochaines semaines. On se pose donc la question: à quoi ça sert d’ouvrir des magasins illégalement ?
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Joint par téléphone au lendemain de la fermeture de premier magasin illégal de champignons magiques à Montréal, Edgar Gorban, un des copropriétaires de Funguyz, a martelé que le magasin allait rouvrir dans le même local dès jeudi. «Plusieurs autres succursales devraient aussi voir le jour illégalement dans les prochaines semaines», a-t-il ajouté.
Funguyz soutient que ces actions ont comme objectif de militer pour la légalisation de la psilocybine, le principal ingrédient psychoactif des champignons magiques. Les copropriétaires estiment aussi que les perquisitions du genre leur permettent de porter leur cause devant les tribunaux.
L’avocate criminaliste Kamy Pelletier-Khamphinith nuance toutefois la portée potentielle de telles actions.
«C’est pas le bon forum. Quand j’entends dire "on va faire comprendre aux tribunaux que ce qu’on fait, c’est louable", je ne trouve pas ça très crédible. Les tribunaux appliquent la loi, ils ne décident pas de la loi», explique-t-elle.
Elle rappelle aussi que l’appareil judiciaire est généralement plus clément avec les gens aux prises avec un problème de consommation de drogues illégales qu’avec les revendeurs. À l’heure actuelle, la vente de champignons magique est passible de dix ans d’emprisonnement au Canada.
Illégaux, mais tolérés en Ontario et en Colombie-Britannique
Même s’il dit ne pas être complètement à l’aise avec «quelque chose d’illégal», le professeur à l’école de psychoéducation de l’Université de Montréal, Jean-Sébastien Fallu, croit pour sa part que le fait de désobéir à la loi peut parfois être bénéfique à une cause.
«Il faut reconnaître que la désobéissance civile peut parfois bien faire avancer les choses. On l’a vu avec le cannabis», souligne-t-il.
Les opérateurs de Funguyz semblent avoir de bonnes raisons d’y croire, puisque la compagnie a ouvert une dizaine de succursales en Ontario dans la dernière année. La police est intervenue lors des premières ouvertures, mais elle a graduellement cessé de le faire.
Funguyz n’est d’ailleurs pas la seule entreprise à opérer de la sorte. Plusieurs autres entrepreneurs ouvrent de commerces de champignons illégaux de façon similaire en Colombie-Britannique et en Ontario.
Résultat: il y a actuellement des dizaines de magasins, appartenant à différentes entreprises, qui vendent illégalement champignons magiques dans les deux provinces.
Comme le cannabis ?
Pour Jean-François Mary, directeur de l’organisme Cactus Montréal, ces nombreuses ouvertures de magasins illégaux de champignons rappellent la mise sur pied des boutiques qui vendaient du cannabis avant que la substance soit légalisée en 2018.
«Les Clubs compassion vendaient du pot illégalement au Québec avant la légalisation du cannabis. D’autres l’ont fait aussi. Il y a eu des arrestations et des procédures judiciaires qui sont toujours en cours contre certaines personnes associées à ces magasins. C’est quand même comme ça que le cannabis est devenu légal. C’est comme ça que le débat a été ouvert», souligne-t-il.
«C’est ce qui est en train de se passer avec la psilocybine», ajoute de son côté le professeur agrégé au département de psychoéducation de l’Université de Montréal, Jean-Sébastien Fallu.
L’avocate criminaliste Kamy Pelletier-Khamphinith rappelle toutefois qu’il y a toujours loin de la coupe aux lèvres quant à l’instauration d’un marché légal de vente de champignons hallucinogènes ici. Après tout, même la vente du cannabis est encore très réglementée.
«Attention, la vente de cannabis reste illégale dans plusieurs contextes au Canada. Elle est très encadrée, ça prend des accréditations, etc. Au Québec, c’est sous gestion gouvernementale. Toi, si tu veux t’ouvrir un magasin de cannabis demain matin, tu ne peux pas le faire, à moins de respecter les exigences prévues par la loi», insiste-t-elle.