François Legault revient à la charge avec des projets de barrages
«Il va falloir construire un demi-Hydro-Québec dans les prochaines années», illustre le chef de la CAQ

Marc-André Gagnon
BÉCANCOUR – L'explosion des besoins en électricité sera telle dans les prochaines années que François Legault revient à la charge avec de nouveaux projets de barrages et promet d'investir dans la construction de parcs éoliens, en plus d'injecter des millions $ dans la transition énergétique.
• À lire aussi: Infrastructures: 1G$ de plus par année pour les régions, s’engage le PQ
« On avait des surplus d’électricité, là il va nous manquer d’électricité », a résumé M. Legault, devant un parterre de gens d'affaires réunis à Bécancour, dans le Centre-du-Québec.
Le chef de la Coalition avenir Québec en a profité pour exposer sa vision du chemin qu'il aimerait que le Québec emprunte pour atteindre la carboneutralité d'ici 2050.
Pour François Legault, cela passe nécessairement par une augmentation jamais vue de la capacité de production électrique du Québec.
Hydro-Québec, a-t-il rappelé, estime que 100 TWh de plus seront nécessaires d’ici 2050.
Le chef caquiste promet donc de mettre en branle, s’il est réélu, le plus « grand chantier économique et écologique de l’histoire du Québec ».
« C’est le projet qui m’excite le plus. Ça me fait rester en politique », a plus tard souligné M. Legault, en répondant aux questions des journalistes.
- Écoutez la rencontre Yasmine Abdelfadel et Marc-André Leclerc diffusée chaque jour en direct 6 h via QUB radio :
Quatre engagements
- Un gouvernement caquiste demanderait à Hydro-Québec de lancer les études nécessaires à la construction de nouveaux barrages.
La durée de ces chantiers serait d’une quinzaine d’années, mais le premier ministre sortant aimerait procéder encore plus rapidement. « Moi, je trouve ça trop long, 15 ans », a dit le chef de la CAQ, promet de collaborer avec les communautés autochtones et inuites.
Pour ce qui est de savoir où seront situés ces barrages, il appartiendra à Hydro-Québec de soumettre « des débuts de propositions dans les prochains mois », a indiqué M. Legault.
- En plus de ce qui a été déjà annoncé, il demanderait Hydro-Québec de développer 3 000 MW d’électricité éolienne, dans différentes régions. « La beauté de l’éolien, c’est que ça se construit rapidement », a fait valoir M. Legault.
- 50 millions$ par année seraient investis dans un prochain mandat pour tripler le nombre de bornes de recharge de niveau 2 pour voitures électriques (2-3 heures pour une charge complète), dont le nombre passerait de 6 500 à 21 500, en plus de doubler le nombre de bornes rapides, de 1 000 à 2 200.
- 40 millions $ seraient également investis dans la création d’un centre de recherche sur les batteries électriques dans le projet de Vallée de la transition énergétique de Shawinigan-Trois-Rivières-Bécancour.
Le contexte a changé
Lors de la précédente campagne électorale, en 2018, le chef de la CAQ caressait le rêve de nouveaux barrages, en avançant qu'un premier gouvernement caquiste lancerait un grand chantier de développement de l'hydroélectricité.
Le contexte depuis a changé: Hydro-Québec a signé avec New York son plus gros contrat de vente d’électricité de l'histoire. Les surplus qui existaient il y a quatre ans seront donc bientôt chose du passé.
- Ne ratez pas l’émission de Philippe-Vincent Foisy , tous les jours dès 6 h, en direct ou en balado à QUB radio :
Pour combler les besoins futurs en électricité, François Legault avait indiqué en marge de la COP26 à Édimbourg, en novembre dernier, qu'il comptait miser sur l'énergie éolienne, devenue moins couteuse, plutôt que sur des barrages.
Peu de temps après son arrivée au pouvoir, le premier ministre Legault s'était aussi déplacé à Toronto dans l'espoir de convaincre son homologue Doug Ford d'acheter de l'hydroélectricité au Québec tout en participant à la construction de nouveaux barrages, mais sans succès.
M. Legault proposait notamment que des travailleurs ontariens participent à la construction de nouveaux barrages au Québec, de façon à alimenter la province voisine en énergie verte.
Mais aujourd’hui, ce dossier est clos, a confirmé M. Legault. «Ce que je comprends de Doug Ford, lui, il préfère développer la filière nucléaire, donc c’est son choix», a laissé tomber le chef caquiste.
Réactions
Le parti québécois ne s’oppose pas, a priori, à la construction de barrages mais émet quelques réserves.
«Il faut ouvrir la porte aux barrages électrique [...] Mais de promettre tous azimuts des barrages électriques sans commencer par la première étape qui est d’assurer l’efficacité énergétique, il me semble qu’on brule une étape, ici», a déclaré le chef du PQ Paul St-Pierre Plamondon de passage à New Carlisle en Gaspésie.
Par exemple, il faut d’abord réduire l’énergie consommée dans le secteur industriel notamment. «[Il faut] inciter à ce que l’énergie dont on dispose déjà soit utilisée de la manière la plus judicieuse avant de commencer d’autres barrages, tout simplement.»
Il ajoute que la construction de barrages n’est pas sans conséquences environnementales et demeure des couteux.
Le porte-parole de Québec solidaire estime que François Legault doit préciser dès maintenant où il compte installer de nouveaux barrages hydro-électriques. «J’aimerais ça qu’on demande à M. Legault quelles rivières il veut harnacher pour faire ses nouveaux barrages», a lancé Gabriel Nadeau-Dubois en marge d’une annonce sur la fiscalité à Gatineau.
Sa formation ne s’oppose à la création de barrages hydro-électriques, sur le principe. Mais M. Nadeau-Dubois affirme que le projet du chef caquiste n’est «pas sérieux», puisque François Legault refuse de donner plus de détails. «C’est de l’improvisation. Il pellète le problème par en avant», lance-t-il.
Le plan climat de QS, dévoilé dimanche, mise plutôt sur une réduction du «gaspillage» énergétique, de même que sur des énergies renouvelables, comme l’éolien et les panneaux solaires.
Gabriel Nadeau-Dubois a toutefois été incapable, mardi, de préciser où et comment ces nouvelles sources d’énergie seraient déployées. Le mode approprié serait choisi par des instances locales. «Chaque région est à même de savoir quel est le mode d’énergie renouvelable le plus efficace, parce que chaque région est différente et ces énergies-là ont des forces et des faiblesses», explique le leader solidaire.
La cheffe libérale Dominique Anglade a martelé que le premier ministre sortant vit dans le passé.
«François Legault joue dans un film en noir et blanc, mais la réalité est en couleur. Aujourd’hui, à l’heure où on se parle, la priorité devrait être mise sur la question de l’économie d’énergie, sur la question du solaire et de l’hydrogène vert», affirme la libérale Dominique Anglade, en réponse à l’annonce de la CAQ sur les grands barrages hydroélectriques. Selon elle, l’avenir du «Québec et l’avenir du Canada» passe par l’hydrogène. Elle répétait ainsi les paroles dites hier par le ministre fédéral François Philippe Champagne, lorsqu’elle l’a croisé dans un parc de Trois-Rivières. «On a cette capacité de développer cet hydrogène vert».
Elle ajoute qu’il y a déjà de grands projets en matière de solaire, d’éolien et en économie d’énergie. «On a d’énormes chantiers (...) Et, on ne pourra pas tout électrifier.»
Même s’il n’est pas contre le principe, le chef conservateur Éric Duhaime considère pour sa part que l’idée de construire de nouveaux barrages hydroélectriques soulève de nombreuses questions.
« Est-ce qu’il y a un potentiel d’augmentation des tarifs d’hydro pour les Québécois? Quelles sont les rivières qu’il a l’intention d’harnacher? Est-ce que ces rivières se trouvent sur des territoires autochtones? Y a-t-il nécessité de négocier des ententes avec les premières nations si on va de l’avant avec ces projets-là » , a soulevé M. Duhaime.
Selon lui, François Legault a le devoir de déposer des études justifiant son projet avant l’élection.
Il a également rappelé que les conservateurs souhaitent financer la transition vers l’électrification des transports par l’exploitation des hydrocarbures.
- Avec la collaboration d'Annabelle Blais, Patrick Bellerose, Nicolas Lachance et Gabriel Côté (Agence QMI)