France Castel et Jean-Pierre Ferland: un album méconnu enregistré en prison

Félix Desjardins
En 1975, Jean-Pierre Ferland s’est entouré de quelques musiciens pour enregistrer un album live à la prison pour femmes Tanguay et une seule femme était du nombre: France Castel.
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Le regretté petit roi a toujours eu une affection particulière pour la voix de la chanteuse et comédienne québécoise. Il lui a ainsi demandé de faire partie du chœur qu’on entend sur l’album Jaune, de l’accompagner en tournée, puis, éventuellement, de participer à l’enregistrement de l’opus méconnu Quand on aime on a toujours 20 ans.

Jointe au téléphone par Le Journal, Mme Castel se souvient de ce spectacle unique, dont l’enregistrement a seulement été publié sur 33 tours.
«C’était une journée permissive pour les prisonnières et elles avaient le droit d’inviter leur famille. C’était particulier de voir ces femmes découvrir un peu Jean-Pierre, parce que ce n’était pas le genre de personnes qui écoutaient des chansonniers. Peut-être voulait-il vérifier quelque chose par rapport aux femmes plus rebelles. C’était justement dans le “switch” de sa musique.»
D'ailleurs, ces femmes plus rebelles étaient plutôt méfiantes vis-à-vis du magnétisme du chanteur montréalais et des musiciens qui l’accompagnaient au début du concert, réservant un accueil bien plus chaleureux à Mme Castel dans cet établissement carcéral du quartier Ahuntsic, qui a fermé ses portes en 2016.
«On dirait que les femmes se sont un peu protégées en disant: “Vous n’êtes pas ici pour nous flirter”. C’est la fille qu’on va applaudir, qu’on va siffler!», se souvient-elle en riant.
Dans un moment phare du concert, Ferland partage le micro avec une détenue pour interpréter T’es mon amour, t’es ma maîtresse. Nul besoin de préciser que le charmant Ferland avait conquis ce public incomparable à la tombée du rideau.
«Elles ont adoré le show, se souvient France Castel. On peut l’entendre sur l’album. Ç’a été un grand moment.»
Un homme ouvert et têtu
La relation entre Jean-Pierre Ferland et France Castel était d’abord professionnelle, mais s’est finalement développée en une amitié fusionnelle qui a duré plus de 50 ans.
«Il était très ouvert et très curieux de toutes les formes de propositions artistiques et théâtrales, décrit-elle. Ça faisait partie de sa richesse. Bon, il était têtu, aussi. Pas grand monde ne l’ostinait sur les paroles!»
«Il savait tellement parler des femmes, de l’amour, de l’ouverture. Il m'a souvent parlé de ses nombreuses peines d'amour. Ce n’est pas tout le monde qui a compris ses textes, qui sont tellement larges qu’ils peuvent être interprétés au premier degré. Un peu plus haut, un peu plus loin, c’est loin d’être ce qu’on pense.»
Sans en dévoiler davantage sur la réelle signification de cette chanson mythique, Mme Castel peint le portrait d’un homme qui «se permettait de changer d’idée quand c’était le temps.»
«Il nous a laissé l’exemple d’un grand créateur, d’un très bon vivant et d’un homme moderne qui a su vivre jusqu’au bout. C’est quelqu’un qui m’a beaucoup touchée et émue et dont certaines des chansons resteront à jamais gravées dans nos livres.»