Formations accélérées en construction: les syndicats craignent des travaux bâclés

Marc-André Gagnon
Offrir des formations accélérées et rémunérées aux aspirants ouvriers risque de générer des travaux bâclés en plus d’enjeux de sécurité, craignent les syndicats de la construction, qui reprochent au gouvernement Legault d’ignorer leur avis.
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Comme révélé par notre Bureau parlementaire, le premier ministre François Legault a confirmé lundi que quatre nouvelles formations express seront bientôt offertes, en charpenterie-menuiserie, en conduite d’engins de chantier, en ferblanterie et en réfrigération.
Avec actuellement au moins 6500 travailleurs manquants dans le secteur de la construction, «on a besoin de donner un grand coup», a martelé M. Legault, en parlant d’une «annonce déterminante pour l’avenir économique du Québec».
Cette «grande offensive en formation courte» nécessitera un investissement d’environ 300 millions $, estime le premier ministre.

Ceux qui profiteront de cette nouvelle voie rapide menant à une attestation d’études professionnelles (AEP) en l’espace de quatre à six mois seront payés 25$ de l’heure, soit l’équivalent du salaire d’un apprenti entrant sur le marché de la construction. Le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, a précisé qu'au moins une de ces quatre formations sera offerte dans chaque région.
Des bourses à la diplomation offrant entre 9000 et 15 000$ seront aussi offertes à ceux qui entreprendront, dans les trois prochains mois, un DEP dans ces mêmes quatre métiers. Globalement, l’objectif du gouvernement est de former jusqu’à 5000 nouveaux travailleurs, d’ici l’été.
Sourde oreille
Les syndicats, qui plaidaient pour l’alternance travail-études, ont l’impression que le gouvernement a décidé de faire la sourde oreille.
Ils craignent surtout pour la santé et la sécurité de leurs travailleurs, si le gouvernement vient sabrer le nombre d’heures de cours.
Sur les chantiers, ce ne sont «pas des apprentis qu’ils ont de besoin, ce sont des gens qualifiés», a expliqué le directeur général de la FTQ-Construction, Éric Boisjoly.
Selon lui, plusieurs risquent d’abandonner leur formation déjà entamée dans d’autres métiers de la construction pour bénéficier des programmes subventionnés.
«On déplace le problème [...] pour nous, c’est une grande déception», a dit M. Boisjoly, qui dénonce «l’arrogance» du gouvernement.
«C’est une fausse bonne idée», a réagi Michel Trépanier, Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International).
Le président de la CSD Construction, Carl Dufour, croit que le gouvernement tourne «les coins ronds» pour mieux remplir les «promesses électorales qu’ils ont de la misère à livrer, comme maisons des aînés», a-t-il mentionné.
«On a de la misère avec ça», a déploré M. Dufour, qui promet de «continuer à taper sur le clou» pour une formule axée davantage sur le travail-études.
L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) réclame aussi davantage de programmes d’alternance travail-études.
«Il y en a encore peu, mais l’industrie au complet, y compris les syndicats, veulent pousser dans cette voie», a indiqué Isabelle Demers, vice-présidente développement stratégique, affaires publiques et innovation à l’APCHQ.
«Jamais, au cours des cinq dernières années, les programmes de formation professionnelle associés aux métiers de la construction n’ont produit un nombre aussi faible de diplômés. À l’inverse, les programmes d’alternance travail-études connaissent un succès notoire depuis un an au Québec», a ajouté Mme Demers.
Enthousiame
De son côté, l’Association de la construction du Québec (ACQ) est emballée par la proposition gouvernementale.
«Tout porte à croire que nous aurons encore entre 10 000 et 15 000 postes vacants l’été prochain si nous ne faisons rien», a souligné Guillaume Houle, responsable des affaires publiques de l’ACQ.
«Dans ces circonstances, nous sommes heureux de cette annonce, a-t-il déclaré. Nous espérons que cette nouvelle formation nous permettra d’attirer des gens qu’on ne rejoint pas actuellement, en l’occurrence les gens en réorientation de carrière.»
Offensive « pour construire le Québec »
Quatre nouvelles formations de courte durée (AEP) – dès janvier 2024
- Charpenterie-menuiserie
- Conduite d’engins de chantier
- Ferblanterie
- Réfrigération
- Au moins une de ces quatre formations offerte dans chaque région
- Un soutien financier de 750 $ par semaine, versé aux deux semaines
- Inscriptions du 30 octobre 2023 au 15 décembre 2023 au Quebec.ca/emplois-construction
- Des bourses à la diplomation de 9 000 $ à 15 000 $ sont aussi offertes à ceux qui s'inscriront à un DEP dans ces mêmes quatre catégories de métiers ou qui ont commencé leur formation entre ces mêmes dates
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