«De l’argent dans le beurre»: des frigoristes émettent des doutes par rapport à la formation accélérée en construction

Les personnes qui souhaitent devenir frigoristes ou opérateurs de machinerie lourde auront un enseignement beaucoup moins long à faire selon l’annonce du gouvernement Legault pour former près de 5000 ouvriers dans la construction d’ici l’été 2024.

• À lire aussi - Offensive de recrutement en construction: une formation accélérée payée 750$ par semaine

• À lire aussi - «Est-ce que je peux m’attendre à ce que la qualité soit la même?»: la formation accélérée en construction soulève des questions

Une formation professionnelle de 18 mois est nécessaire pour devenir frigoriste et de neuf mois pour devenir un opérateur de machinerie lourde. Cependant, la durée de ces formations sera coupée de moitié et même plus avec l’annonce de lundi. 

Est-ce qu’il y a un risque pour un frigoriste, qui installe et répare des unités de climatisation, d’avoir une formation de seulement six mois?

«Je trouve cela rapide, a affirmé le propriétaire de Climatisation VB, Vincent Beaudry. Il faudra voir quel type de frigoriste ils veulent former. Est-ce que ça va donner une formation bâclée? On ne le sait pas pour le moment.» 

«Il va falloir qu’il les enligne comme il faut. Dans notre métier, on apprend plus sur le terrain qu’à l’école.»

Il a une recommandation pour le gouvernement. 

«Le montant de la diplomation (entre 9000 et 15 000$) devrait seulement être remis après qu’ils aient obtenu leur carte de “compagnon” [8000h, dont 1800h de formation.]

«Si un étudiant n’aime pas cela après avoir collecté son 15 000$, ils pourraient donner de l’argent dans le beurre.»

Formation trop courte

Du côté du milieu des opérateurs de machinerie lourde, les intervenants sont aussi sceptiques. 

«Pour manipuler des machineries, ça ne s’apprend pas en six mois (550h), a mentionné le président de la compagnie Bertrand Mathieu ltée, Fernand Mathieu. Tu peux partir avec une base, mais pas devenir un opérateur.»

• Écoutez l'entrevue avec Jean Boulet, ministre du Travail et député de Trois-Rivières à l’émission d’Alexandre Dubé via QUB radio :

«Ça prend des habiletés pour savoir travailler avec les différents matériaux. Il faut l’avoir un peu dans le sang. C’est un métier de précision qui est dangereux.»

Est-ce qu’il serait prêt à embaucher un étudiant qui aura reçu un diplôme après avoir complété une attestation d’études professionnelles (AEP)?

«C’est sûr qu’on va être plus frileux, a ajouté M. Mathieu qui est dans le domaine depuis près de 50 ans. Un métier comme le nôtre, ça s’apprend sur le terrain.»

Devant le fait accompli

Les syndicats du milieu de la construction ont été mis au courant du projet de la formation accélérée il y a seulement trois semaines. 

«Ça s’est fait très vite, a expliqué le directeur-général de l’Union des opérateurs de machinerie lourde (Local 791), Marc Leclerc. Quand nous avons été mis au courant, j’ai écrit une lettre au ministre et on a eu droit à une rencontre.»

«On s’est rendu compte que le dossier était déjà réglé. Pour nous, couper dans la formation quand il est question de santé et sécurité, ça ne tient pas la route. Il y aura seulement de la main-d’œuvre moins compétente.»

Selon nos informations, une trentaine de centres de formation aux quatre coins du Québec ont levé la main pour offrir la formation accélérée à compter de janvier 2024.