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L'article provient de TVA Nouvelles
Politique

Fiasco SAAQclic: la SAAQ au bord du gouffre financier

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Photo portrait de Nicolas Lachance

Nicolas Lachance

2025-05-27T22:15:03Z
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En raison d’un gouffre financier provoqué par le fiasco SAAQClic, la SAAQ songe à piger dans le fonds réservé aux accidentés de la route pour se sortir de l’impasse.

• À lire aussi: 1 G$ pour SAAQclic: tout le monde le savait dès 2020

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Avant la débâcle de SAAQclic, le déficit de la SAAQ s’élevait à 35 millions $, a rappelé Daniel Pelletier, ex-directeur de la vérification, retraité depuis 2024. Aujourd’hui, le déficit anticipé atteint 1 milliard $.

«Les déficits continuent de s’accumuler», a déclaré M. Pelletier lors d’un témoignage percutant devant la commission Gallant, chargée de faire la lumière sur le fiasco.

Daniel Pelletier, directeur de la vérification et de l’évaluation des programmes de la SAAQ de 2016 à 2024
Daniel Pelletier, directeur de la vérification et de l’évaluation des programmes de la SAAQ de 2016 à 2024 Capture d'écran Commission d’enquête sur la gestion de la modernisation des systèmes informatiques de la Société d’assurance automobile du Québec

Pire encore, en décembre 2024, la SAAQ avait utilisé 761 M$ de sa marge de crédit, dont la limite est fixée à 817 M$.

«On arrive près du maximum de la capacité d’emprunt qui est inférieur au milliard de dollars que pourrait être le déficit accumulé l’année prochaine», a résumé la procureure Marie-Claude Sarrazin.

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Pour balancer son budget et résoudre les problèmes financiers liés à SAAQclic, la direction analyse la possibilité de piger dans le fond réservé aux accidentés de la route, a avancé M.Pelletier. 

Depuis le lancement de SAAQclic, la vice-présidence aux finances navigue d’ailleurs à l’aveugle.
Les vérificateurs n’ont pas pu confirmer depuis 2023 l’exactitude des états financiers, en raison d’un environnement informatique jugé non fiable.

Tout le monde était au courant

Le témoignage de Daniel Pelletier a révélé de nombreux faits troublants, encore une fois mardi. Par exemple, la haute direction et le conseil d’administration savaient depuis 2020 que les coûts du projet CASA/SAAQclic dépasseraient le milliard de dollars. Les responsables des règles contractuelles, les vérificateurs internes et le CA étaient tous conscients que le projet était en déroute.

Deux tableaux déposés devant la commission le prouvent. «Je suis dubitatif», a lancé le commissaire Denis Gallant.

La majorité des membres du CA ont pourtant affirmé avoir été surpris par le rapport du Vérificateur général du Québec (VGQ) en 2025. 

Ce rapport révélait que les dépenses prévues de 638 M$ sur 10 ans en 2017 pour l’ensemble du projet et son entretien allaient finalement dépasser 1,1 G$. Le projet n’est toujours pas complété, et les économies attendues sont nulles.

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Prévisions irréalistes

Dès février 2020, le vice-président aux finances, Yves Frenette, avait présenté un tableau prévoyant un coût supérieur à un milliard.
Le contrat signé avec l’Alliance SAP-LGS restait à 458 M$, mais les frais supplémentaires étaient à la charge de la SAAQ. 

Ce même tableau anticipait ensuite des économies de fonctionnement de 1,2 G$, jugées irréalistes par les vérificateurs internes.

Malgré une cagnotte presque vide, le CA a donné son aval. Daniel Pelletier n’a pas pu confirmer si le ministre Bonnardel avait été informé.

Un autre tableau, préparé à l’été 2020, montrait une explosion des coûts de développement, ainsi qu’une hausse des taux horaires des consultants, passant de 82$ à 350$. Ces données ont été transmises au membre du CA Jude Martineau.

Marsolais «bullshité»

Le cabinet du ministre François Bonnardel a été informé le 8 juin 2022 d’un dépassement de 222 M$ à verser à l’Alliance pour compléter SAAQclic.
«Ça a brassé dans le bureau du ministre», a affirmé Daniel Pelletier. L’information provenait d’un document surnommé le «napperon», détaillant les dépassements de coûts et les risques médiatiques. Le PDG Denis Marsolais, qui avait été récemment nommé à cette époque, s’est rendu au cabinet pour annoncer cet extra. 

L’ex-PDG Nathalie Tremblay et le v.-p. Karl Malenfant avaient toujours affirmé que le contrat était «cappé» à 458 M$. Malenfant avait convaincu Marsolais que l’ajout était légal, en raison de l’évolution du projet. Pelletier, lui, soutenait que la portée n’avait pas changé. Marsolais aurait reproché à Pelletier de ne pas l’avoir bien préparé pour sa rencontre avec le cabinet. «Denis, tu te fais bullshiter par Karl Malenfant», lui aurait lancé le vérificateur.

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Un document mystère

La procureure Marie-Claude Sarrazin a présenté à l’ex-directeur de la vérification le document intitulé Napperon à l’intention des cabinets du MTQ et du MCN – État d’avancement du projet CASA – Juin 2022.
Ce document évoquait une stratégie contractuelle sans impact budgétaire, le respect des engagements contractuels et un retour à l’équilibre budgétaire. 

Le directeur de la vérification Daniel Pelletier a affirmé ne jamais l’avoir vu et a qualifié son contenu de «faux». Ce napperon n’est pas daté et il a été impossible pour l’instant de savoir quand et à qui il a été transmis.

730 000 heures disparues

Un document présenté à la commission révèle que l’Alliance SAP-LGS a retiré 730 000 heures de sa soumission initiale. Elle a remporté le contrat et, deux ans plus tard, elle a réclamé 800 000 heures supplémentaires, invoquant un changement de portée.

À l’époque, le comité d’appel d’offres s’était aussi inquiété de l’absence de simulation pour la livraison des permis de conduire, un risque majeur pour un service direct à la population. Lors du déploiement de SAAQclic à l’hiver 2023, les services à la clientèle ont été fortement perturbés. De nombreux clients n’ont pu renouveler leur permis ou immatriculer leur véhicule, et ont dû faire la file dans le froid.

PwC en conflit d’intérêts

Daniel Pelletier a découvert que la firme PricewaterhouseCoopers (PwC), mandatée pour la vérification externe du projet, était aussi le vérificateur financier d’IBM (LGS), l’un des principaux contractants du projet. En 2022, à la demande des vérificateurs internes, le PDG Marsolais a engagé PwC pour évaluer SAAQclic. Selon Pelletier, la firme avait «peu d’appétit» pour les informations sensibles.

Le rapport final n’a pas évalué les angles à risque. Après le déploiement désastreux, Marsolais a été remplacé par Éric Ducharme, qui a de nouveau fait appel à PwC pour faire la lumière sur le fiasco. «Ils sont en conflit d’intérêts», a déclaré Pelletier devant la commission. Éric Ducharme ne voyait pas «de problème avec ça».

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